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vendredi 3 mai 2024
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1ère pierre de Caribus : « Enfin, nous y sommes ! »

Les travaux du 1er réseau de transport en commun par bus de Mayotte peuvent commencer : deux portions sont immédiatement concernées sur les 4 lignes de bus prévues pour un investissement total de 245 millions d’euros. Les nuisances vont surtout concerner Kawéni où une circulation alternée devrait être mise en place. Un projet qui a bien failli ne pas aboutir

Le soulagement n’était pas feint lors des prises de parole à la tribune dressée à côté des anciens locaux de la Croix rouge à Passamainty. Il s’agissait de poser la première pierre d’un projet qui a mis 10 ans – voire plus, lire l’encadré ci-dessous- à se construire : le lancement du 1er réseau de transport en commun public terrestre de l’île. Elaboré au départ par la mairie de Mamoudzou dans la logique d’un transport urbain, il a pris de l’ampleur, et des embûches, avec la naissance de la Communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou (CADEMA), à qui revenait obligatoirement la compétence de l’organisation des transports.

En 10 ans, ce fut une succession de volontés politiques, souvent convergentes, parfois divergentes, et ces dernières ont bien failli enterrer le projet. La crise la plus grave, nous l’avons vécue aux dernières municipales de 2020, quand Mamoudzou perdait la présidence de la Cadema au profit de Dembeni, Rachadi Saindou ayant rallié les opposants à Ambdilwahedou, le maire de Mamoudzou. Ce dernier envisage alors de reprendre ce réseau pour le développer en urbain.

Un exemple de ce que sera l’aménagement, dévoilé ce jeudi, avec une voie spécifique pour les bus

Cette première pierre est donc à plus d’un titre ce que Mayotte peut faire de mieux. Le consensus politique trouvé entre les deux hommes tout d’abord, dûment rappelés à l’ordre sur les engagements financiers pris auprès des fonds nationaux et européens, et le défi technique qu’il suppose, ensuite.

Les pionniers ont partiellement été rappelés par Ambdilwahedou Soumaila, le maire de Mamoudzou qui a suivi le projet bien avant son élection comme 1er magistrat de la commune, lorsqu’il était adjoint du maire Abdourahamane Soilihi, chargé des finances. Ils s’appellent Saïd Mohamed Djanffar, Mohamed Hamissi, Mohamed Moindjié, Sidi Nadjayedine. Ils ont conçu sur le Grand Mamoudzou une desserte par bus en site propre, qui auront donc leur propre voie.

Caribus pluvieux, Caribus heureux

« Un moment historique ! »

« Enfin, nous y sommes ! », s’exclamait le maire Ambdilwahedou, qui jugeait qu’en réponse aux embouteillages, « il fallait agir sur la mobilité, on ne pouvait plus rester statiques ! »

Le maître d’ouvrage, c’est donc la CADEMA, et Rachadi Saindou son président, usait d’une expression appropriée, « c’est un moment historique ! ». C’est le plus gros chantier mené par des élus de l’île, « le seul département de France à ne pas posséder de réseau de transport en commun terrestre public ». Projet de 245 millions d’euros, c’est la première phase de 86 millions d’euros qui est déclenchée ce jeudi 10 février 2022. Elle est financée à hauteur de 35 millions d’euros par le Feder (REACT-EU), à 32 millions d’euros par l’Etat à travers le Grenelle de l’environnement 3, l’AFD et l’Ademe, à 14,5 millions d’euros de fonds propres de la CADEMA, et à 5 millions d’euros du conseil départemental.

Le tracé part des Hauts-Vallon jusqu’à Vahibé, sur 4 lignes de bus différentes : ligne 1, Hauts-Vallons/Passamainty, la 2, Passamainty/Dembéni, la 3, les hauts de Mamoudzou, et la 4, Passamainty/Vahibe. Sont également pensés 5 km de piste cyclable et 20km de trottoirs pour sécuriser les piétons. Des « mobilités douces » associées au projet donc, ainsi que la plantation de 40.000 végétaux, dont 1.000 arbres. « Un terminus va être construit sur la ligne 1, pour rallier les autres modes de transports interurbain », rapportait encore Rachadi Saindou, on pense aux taxis, « nous avons également la volonté de développer le transport maritime ».

Les prix des billets ne sont pas encore connus, mais la démarche reste sociale, « il y aura une tarification adaptée aux demandeurs d’emploi et au public en difficulté ».

La circulation impactée à Kawéni… comme à Lyon

Une photo collector que celle d’Ambdilwahedou Soumaila aux côtés de Rachadi Saindou !

Les travaux ne vont pas démarrer simultanément sur tous les tronçons, nous explique Damien Rietsch, directeur régional de Vinci Construction : « Nous allons commencer par la portion partant du rond-point du Baobab jusqu’à Tsoundzou, sur lequel nous sommes, et Colas va entamer le tronçon de la ZI Nel au rond-point SFR ». Il n’y aura pas de travaux entre le rond-point du Baobab et SFR donc. Ils seront menés majoritairement de jour, « sur notre tronçon rond-point du Baobab/Tsoundzou, nous sommes sur la création d’une nouvelle voie à 95%, nous n’impactons donc pas le trafic routier ». Les travaux de nuit ne porteront que sur la petite partie concernant les tronçons existants, et sur l’approvisionnement du chantier. C’est différent sur la portion ZI Nel/SFR de Colas à Kawéni où les travaux porteront sur des voies existantes, ce qui impliquera vraisemblablement la mise en place d’une circulation alternée.

A ce sujet et lors de la mise en service partielle des bus sur les tronçons réalisés, le préfet Thierry Suquet invitait à « beaucoup communiquer » : « A Lyon, il a fallu expliquer aux gens que les contraintes pendant les travaux sur le tramways seront dépassées ensuite. » Le représentant de l’Etat lançait un « bravo » à l’intention des acteurs du projet, « ce qui a été difficile, c’est l’énergie mobilisée pour aller jusqu’au bout ».

Mohamed Moindjié dévoilait le logo Caribus en 2019

Le projet est une première réponse à la saturation automobile, et le président du Département Ben Issa Ousseni voyait plus loin : « Nous réfléchissons à une offre intermodale de transports. Le conseil départemental est déjà sur le trafic de barge et le transport des élèves sans compensation de l’Etat. Nous proposons de mettre en place une autorité unique de transport ». Le conseil départemental qui est prié par la CADEMA de revoir à la hausse sa participation, « à 31 millions d’euros. Nous verrons en fonction de nos moyens ».

Thierry Suquet rappelait les risques, « si nous ne faisons rien, le tout-voiture individuelle va continuer à se développer, et en 2050, nous aurons 750.000 habitants, que des voitures, et pas d’eau ! ». Et il mettait en garde sur les défis, « l’objectif n’est pas de poser une première pierre, mais d’aboutir à un service de bus opérationnel », tout en montrant de la main de panneau de lancement des travaux, « chacun des intervenants dont le nom est affiché doit se mobiliser jusqu’au bout ».

Pas de stade de Kavani bis, ni de déboires du pont de Kwale qui tiennent !

Anne Perzo-Lafond

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Encart – Les coulisses du projet, ou comment éviter les chausse-trapes

Mohamed Hamissi revient pour nous sur la genèse du projet

C’est une analyse clinique que livre un de ceux qui étaient à l’origine du projet, qui fut avec constance notre interlocuteur sur son suivi, Mohamed Hamissi, désormais Directeur Transport et Mobilité et chargé du Plan Climat Air Énergie territorial, à la Communauté de Communes de Petite Terre.

Il revient pour nous sur l’élément déclencheur du projet. « Son inscription avait été validée au Schéma des déplacements en 2007. Il prévoyait alors deux lignes de transport, une en interurbain, de la compétence du conseil général d’alors, et une en urbain, relevant de la mairie de Mamoudzou, où je travaillais. Prévu pour bénéficier des financements du Contrat de Plan Mayotte, le préfet de l’époque, Hubert Derache, s’enquiert auprès du maire Abdourahamane Soilihi, de l’état d’avancement du projet. Ladjo (surnom du maire), nous incite, Said Mohamed Djanfar, Cris Krodjee, et moi, à répondre, ‘dites au préfet que tout est ok, pas de réponse négative surtout !’. Nous répondons donc que le cahier des charges est en cours de rédaction, ce qui n’était pas le cas, mais nous lançons une étude de faisabilité et d’opportunité, puis un appel d’offres à maitrise d’ouvrage. C’est un sous-préfet admirable qui est SGAER, François Mengin-Lecreulx, qui s’engage avant son départ, à financer la partie Etat. La préfecture nous alloue 100.000 euros pour les études de faisabilité, et la DEAL, 80.000 euros. En 6 mois, le projet est lancé, le bureau d’étude recruté. Tout ça, grâce au coup de fil d’Hubert Derache ! »

Mais le projet va une première fois être amené à changer d’envergure. « On apprend alors qu’un appel à projet national est lancé dans le cadre de la version 3 du Grenelle de l’Environnement. Nous postulons, et, n’étant pas retenus, nous réfléchissons à un projet plus ambitieux, mais il faut rallonger de 145.000 euros pour accéder aux 15 millions d’euros nécessaires. Ambdilwahedou Soumaila est l’adjoint au maire chargé des finances, il accepte en nous demandant des garanties sur la pérennité du projet. Le bureau d’étude coince, préfère rester sur l’ancienne version, mais nous tenons bon en ambitionnant de développer dorénavant des infrastructures autour des bus, mais aussi des aménagements de voiries. La DEAL est frileuse, mais la préfecture nous suit. La mairie doit délibérer pour récupérer l’autorité d’organisatrice des transports, le préfet prend un arrêté dans ce sens. On est en 2013. Les résultats de l’appel à projets du Grenelle tombent : nous obtenons 9 millions d’euros et la meilleure note de France en terme de projet et de stratégie.»

Les travaux d’Hercule

La zone technique de Tetrama/Colas fera place à la route

Un nouveau maire, Mohamed Majani arrive à la mairie, et la CADEMA voit le jour en 2015. Les textes obligent la communauté d’agglomération à récupérer la compétence transport. Mais voilà, l’arrivée de Dembéni dans le nid, va une nouvelle fois bouleverser la donne. « La CADEMA s’interroge, ils trouvent que Dembéni n’est pas couverte par la desserte. On leur garantit qu’elle le sera, une ligne est d’ailleurs prévue. Mais les attaques virulentes à mon égard pleuvent. Je ne lâche pas, il ne fallait pas perdre les 9 millions, persuadé que c’est cette vision d’avenir qu’il faut pour Mayotte. Je suis pris entre les élus d’un côté, et la maîtrise d’œuvre de l’autre qui veut imposer sa vision, avançant des problèmes fonciers pour élargir les voies. Je me rends avec eux sur la portion qui part du quai Colas vers les loueurs de voitures, je ne vois pas d’autre solution que de raser la colline qui leur fait face. ‘C’est impossible’, disent-ils, et, encore une fois, la préfecture m’appuie. »

Mais le tracé bloque encore sur un point, la zone technique de Tetrama-Colas à Kawéni, qui empêche de relier la route de la grande Traversée à la ZI Nel. « Là, les bureaux d’étude sont d’accord avec moi, il faut traverser par là. De 90 millions le projet passe à 145 millions d’euros, en intégrant le foncier, les études, etc. Une Déclaration d’utilité Publique est lancée sur l’ensemble du tracé pour garantir le foncier. Les travaux devaient commencer en 2020. » Et là, nouvelles élections, doublées de la crise sanitaire.

Transport collectif, Castex, Darmanin, Djebbari, Mayotte
Les bus auront leur propre voie

Les millions s’envolent

La nouvelle équipe qui prend la tête de la CADEMA est issue de la majorité de Dembéni, elle demande plus de garanties sur la desserte de leur commune. « Les élus décident de revoir le projet, je ressens un manque de confiance à mon égard. Le marché est cassé pour revoir l’allotissement, on change d’assistant à maitrise d’ouvrage ». Les millions s’envolent, pour atteindre désormais 245 millions d’euros.

Déçu, Mohamed Hamissi va faire un petit tour du côté des Départementales dans le canton de Mamoudzou 2. Il n’est pas élu, quitte son poste de référent transport à la CADEMA, et intègre l’intercommunalité de Petite Terre.

Un job de 10 ans qu’il ne regrette pas, et en ce jour de pose de première pierre, s’il n’était pas invité, se réjouit de cette étape, en remerciant le premier maire Hassani Abdallah, actuellement sénateur, mais aussi Ladjo « qui m’a fait confiance », « l’intelligence de Majani », mais aussi les élus de Dembéni « qui n’ont pas bloqué le projet, même si ce fut tendu », les prestataires et les bureaux d’études, et les services de l’Etat « qui nous ont constamment soutenus. Sans ce courrier de Hubert Derache, on n’aurait pas eu l’audace de se lancer. Avec ce projet, Mayotte envoie un signal favorable à Paris et à l’Europe et nous allons créer de nombreux emplois, notamment d’insertion dans les chantiers».

Il conclut sans amertume, « ce furent 10 ans de longues études, de négociations, de prises de tête, mais après tout, c’est normal pour un tel projet ! »

Anne Perzo-Lafond

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