Le calendrier bi-mensuel des tours d’eau transmis par la société mahoraise des eaux (SMAE) donne de l’urticaire aux habitants de l’île, confrontés à des coupures aléatoires, en dehors des tours d’eau annoncés toutes les deux semaines. Près d’un an et demi plus tard avant le début de la crise de l’eau, la situation ne faiblit pas. Toutes les deux semaines, les habitants s’adaptent au planning détaillé des coupures d’eau transmises par la SMAE pour l’ensemble des communes et villages de Mayotte, répartis en quatre secteurs, en précisant les heures d’ouverture et de fermeture de l’eau.
Mais depuis plusieurs semaines, sans faire de bruit, les coupures se multiplient de façon aléatoire. Pour mémoire, la fin des coupures est espérée pour 2026, par le préfet Bieuville. Le 21 octobre dernier, notre rédaction avait interrogé les acteurs de l’eau sur l’état des ressources en eau du territoire, superficielles comme souterraines. Seule la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte (DEALM) avait répondu à notre sollicitation.
Lors de la dernière réunion du comité de la ressource en eau, si le niveau d’eau des nappes phréatiques, surveillé par les équipes du Bureau de recherches géologiques et minières de Mayotte (BRGM), avait été qualifié de bon, voire de très bon, la multiplication de ces interruptions de la distribution d’eau proviendrait d’une capacité de production d’eau insuffisante issue des dérives du syndicat des Eaux de l’époque Bavi et d’une persistance de fuites au sein du réseau d’eau potable, aggravées par la succession de ces coupures.
« Le calendrier n’est pas du tout respecté »
À Passamaïnty, des habitants concernés par le planning d’eau du « secteur 1 » sont exaspérés. « On a en moyenne quelques heures d’eau tous les 2 jours. C’est à dire moins encore que durant la crise de l’eau, car les horaires sont aléatoires. On ne sait jamais quand il y aura de l’eau. Et quand par chance on en a, il y a peu de pression et un tout petit filet d’eau, surtout si tout le monde fait des réserves en même temps. Par exemple, lundi c’était le jour où nous devions avoir de l’eau toute la journée, je n’en ai eu que pendant 1h. »
« C’est pire que pendant la crise de l’eau »
Alors que le calendrier des coupures d’eau mentionne en moyenne deux coupures d’eau par semaine d’une durée moyenne de 26 heures, certains habitants estiment que la réalité est tout autre, ressemblant fortement au calvaire vécu au plus fort de la crise de l’eau notamment en 2023, voire plus problématique en raison des coupures systématiquement aléatoires : « On est revenu aujourd’hui aux réserves qu’on avait, quand l’eau arrivait tous les trois jours », témoigne un habitant. « C’est pire que pendant la crise de l’eau », ajoute une mère de famille nombreuse. « Ça nous prend des heures pour remplir les bacs, à condition d’être sur place au bon moment (ndlr : au retour de l’eau). Et impossible de faire des machines à laver », ajoute un habitant.
« On a de l’eau pendant une heure puis plus rien »
Face à ces coupures d’eau aléatoires assorties d’un non-respect du planning des tours d’eau, un habitant a contacté la société mahoraise des eaux par téléphone mardi matin. La réponse de l’entreprise a été cinglante : « Nous ne pouvons rien faire, il n’y a plus d’eau. » Alors que les ressources superficielles et souterraines semblent satisfaisantes par rapport aux années précédentes, cette « pénurie » d’eau supposée au regard de l’aggravation des coupures sur l’île témoigne d’un manque crucial de production d’eau potable. Actuellement, 40.000 m3 d’eau sont produits chaque jour sur le 101ème département. En janvier 2024, le comité de suivi avait évalué les besoins en eau de la population du département à 44.000 m3, voire 46.000 m3 par jour.
Les habitants dénoncent une « absence totale de communication » de la part des acteurs de l’eau à propos de ces coupures aléatoires. « Ils ne préviennent personne et ils coupent », s’exclame une habitante. « Depuis un moment les tours d’eau ne sont pas respectés. Mais là, c’est catastrophique ! Lors de la remise en eau on a de l’eau pendant une heure puis plus rien, puis ça revient le lendemain pendant une heure ou deux, puis de nouveau plus rien. Ce qui veut dire que les jours ‘complet’ ne durent que 2-3h », proteste fermement un autre habitant. Difficile alors pour les Mahorais d’anticiper ces interruptions tous azimuts. « C’est impossible de lancer une machine, impossible d’avoir une hygiène correcte, avec la gestion des douches, des chasses d’eau, du brossage des dents, avoir des vêtements propres. C’est très difficile de rester zen quand on voit que la situation n’évolue pas », confie un homme non sans découragement.
D’après les autorités sanitaires, si l’épidémie de choléra est terminée, dans ce contexte, les maladies hydriques pourraient quant à elles ne pas avoir dit leur dernier maux.
Mathilde Hangard