Les faits remontent à plusieurs années maintenant lorsque le rectorat de Mayotte fait un signalement auprès des autorités concernant une fillette qui a été agressée sexuellement par son oncle quelques années auparavant, lorsqu’elle avait 3 ou 4 ans. En effet, c’est lors d’une sensibilisation sur le thème du harcèlement sexuel faite en milieu scolaire que la jeune fille a commencé à faire des crises d’angoisse pendant le cours. Ne se sentant pas bien son professeur lui dit de se rendre à l’infirmerie et c’est là qu’elle avoue, en pleurs, à l’infirmière qu’elle a subi une agression sexuelle étant plus jeune. Des souvenirs ont soudainement ressurgi puisqu’elle aurait dit à l’infirmière : « mon oncle a fait des choses… ».
Elle ne voulait pas porter plainte car son oncle est handicapé mental, de plus, il n’avait jamais recommencé et était gentil avec elle. En mai dernier, elle est auditionnée par les enquêteurs à qui elle va raconter qu’étant petite elle restait chez sa grand-mère pendant que ses parents travaillaient. Un jour elle a voulu rentrer chez elle pour attendre ses parents (ndlr, toute la famille habite dans le même bâtiment) mais qu’étant trop petite pour ouvrir la porte c’est son oncle qui l’a aidée, puis ils seraient allés tous les deux dans la chambre… Selon les conclusions des médecins qui l’ont examinée par la suite, elle avait « tous les symptômes d’une victime de violences sexuelles durant son enfance ».
Un prévenu difficile à juger
Dans cette affaire, au-delà du fait que l’agresseur est un proche de la victime et qu’ils vivent encore actuellement dans le même bâtiment, la difficulté résidait dans le fait qu’il est atteint d’un handicap mental. Lors de l’audience son tuteur était à ses côtés afin d’être sûr qu’il comprenne ce qu’on lui reprochait et de pouvoir répondre aux questions du tribunal. Par moment ce fut assez laborieux puisqu’il ne souhaitait/ ne pouvait pas répondre ou bien ne se rappelait plus des faits, déconcertant plus d’une fois les membres du tribunal. Les experts, psychologue et psychiatre, qui ont examiné le prévenu en ont conclu « qu’il était conscient de son geste malgré sa déficience mentale, et qu’il en avait honte ».
Pour la procureure, Fanny Gauvinsp, « Cette audience est un peu déconcertante, le prévenu est taiseux… », puis elle a rappelé à l’ordre son tuteur afin qu’il ne réponde pas à la place du prévenu, « Il va au-delà de son rôle, il n’est pas son avocat ! Je veux que le prévenu réponde lui-même à mes questions », a-t-elle insisté. Autre complication dans cette affaire, le prévenu avait reconnu les faits lors de son audition devant les enquêteurs ainsi que devant les experts médicaux. Or à la barre, il n’avait pas l’air de bien comprendre et faisait preuve de mutisme. Difficile donc pour le tribunal d’avoir un avis précis.
Dans son réquisitoire, la procureure a rappelé que la peine encourue était de 10 ans de prison pour de tels faits. Toutefois, elle a pris en considération le handicap du prévenu et n’a pas sous-estimé le traumatisme subi par la jeune fille. « Elle a été victime d’une injustice… Il faut lui permettre de se reconstruire maintenant, c’est le but de cette audience… Aussi ce sera une peine d’avertissement ». Elle a donc requis 3 ans de prison avec sursis, l’impossibilité d’exercer une activité bénévole ou autres avec des mineurs, une inéligibilité pendant 5 ans, et l’inscription au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS).
Dans son délibéré, le tribunal a considéré que le prévenu était coupable des faits qui lui étaient reprochés et a suivi entièrement les réquisitions du ministère public.
B.J.