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Mamoudzou

Justice : Une querelle de voisinage jugée plus de 14 ans après !

Plus de 14 ans après les faits, la Chambre d’appel de Mamoudzou devait rejuger ce jeudi une affaire datant de 2010 concernant une querelle de voisinage qui s’est terminée par plusieurs jours d’ITT de part et d’autre de chacune des parties.

Les faits se sont déroulés au milieu du mois de janvier 2010, du côté de Passamainty. Alors qu’un homme, Monsieur P., organise une soirée chez lui avec de la musique, ses voisins commencent à voir rouge au bout d’un certain temps, excédés par les boom boom des basses. Peu avant minuit, Monsieur D., fonctionnaire de police, rentrant de son travail chez lui, où il est locataire chez les voisins excédés par la musique, décide d’aller voir Monsieur P., afin qu’il baisse la musique. Il rentre dans la cour de la maison, sans y être préalablement autorisé, quand le propriétaire le voit et vient en sa direction, visiblement éméché. « Je suis chez moi, j’ai une autorisation jusqu’ à 1h du matin. Vous n’avez rien à faire ici », aurait alors hurlé Monsieur P. Face à l’impossibilité de discuter, Monsieur D. aurait alors dit : « je vais appeler mes collègues » (ndlr, des policiers) et pris son téléphone.

En voyant cela, Monsieur P. aurait alors donné un coup sur la main dans laquelle se trouvait le téléphone et l’aurait fait tomber par terre. Voulant le ramasser, Monsieur D. se serait pris un violent coup de bâton par Monsieur P. en se relevant. Monsieur D. ripostant, s’en suit une altercation entre les deux individus juste avant que les policiers de la BAC (brigade anti criminalité) n’arrivent pour interpeller de façon musclée Monsieur P., qui les auraient par ailleurs menacés. Les deux protagonistes ont eu plusieurs jours d’ITT chacun et ont reconnu avoir porté des coups l’un et l’autre.

Trois témoins ont tenté d’éclaircir les faits plus de 14 ans après

La question était de savoir qui a porté les coups en premier, car à en croire certains témoins, Monsieur D., en pénétrant chez son voisin aurait mis violemment la main sur l’épaule de ce dernier lorsqu’il est arrivé vers lui. L’affaire aurait pu en rester là, mais en 2015, 5 ans après, Monsieur P. apporte de nouveaux éléments au dossier nécessitant de réexaminer l’affaire. En 2020, le couperet tombe et le policier, Monsieur D., est reconnu coupable des faits de violence suivi d’incapacité supérieure à 8 jours à l’encontre de Monsieur P. Il est ainsi condamné à 1 an de prison avec sursis, à payer 7.000 euros au titre d’indemnité provisionnelle et à verser 3.000 euros à Monsieur P., qui lui sera en revanche entièrement relaxé des faits reprochés. Suite à cette décision Monsieur D. avait donc décidé d’interjeter appel.

Chacun défend son pré carré, c’est parole contre parole

Aucun des deux protagonistes n’était présent à l’audience. En revanche, plusieurs témoins en faveur de Monsieur D. étaient là afin d’éclaircir les faits. Sauf que plus de 14 ans après, face aux questions de la présidente du tribunal ou à celles de l’avocat de Monsieur P., la mémoire a parfois un peu flanché. Qui a porté le premier coup ? Monsieur D. a-t-il agi en cas de légitime défense et a donc riposté ? Chacune de partie a ainsi plaidé sa cause, à commencer par Me Ahamada, conseil de Monsieur P.

« C’est une affaire qui va se solder 14 ans plus tard après les faits. C’est une justice très lente… », a-t-il regretté. Puis d’asséner que « la justice a souvent du mal avec les affaires impliquant des policiers. Monsieur D. a commis une bavure, c’est tout ! En première instance mon client a été relaxé, innocenté, il n’est coupable de rien. Il s’agit d’une affaire de querelle de voisinage avec des gens qui ne s’entendent pas et qui ont des rapports exécrables entre eux. Le policier a abusé de son autorité en pénétrant au domicile d’autrui ». Puis se tournant vers les témoins en faveur de Monsieur D., il lance : « C’est du pipeau votre version, ce n’est pas la vérité ! ». Considérant que le policier est l’auteur de l’agression, il a demandé une provision de 10.000 euros et 5.000 euros pour les frais de justice dus « aux nombreux renvois voulus par Monsieur D. ».

Me Albert Cantinol, l’avocat général, a déploré qu’une affaire de cette nature encombre encore le tribunal

L’avocat général, Albert Cantinol, à l’accoutumée éloquent et parfois prolixe, semblait un peu dépité que cette affaire soit encore jugée. « On ne peut que regretter la durée de la procédure…mais aussi qu’une affaire de cette nature encombre encore le tribunal ». Toujours est-il qu’il a suivi la décision de première instance en considérant que Monsieur D. était coupable de faits qui lui sont reprochés, mais en demandant une peine de 6 mois de prison avec sursis au lieu de 1 an. « Ce sera justice 15 ans après », at-t-il conclu.

Me Molina, avocat de Monsieur D., qui lui pour le coup a été prolixe, a mis en avant dans sa plaidoirie « le jugement carencé et lacunaire de 2020, en première instance. Je n’ai pas compris la relaxe de Monsieur P. et la condamnation de mon client. Ce dossier est confus… ». Avant de s’interroger sur la mansuétude des magistrats en première instance à l’égard de Monsieur P. « Ce jugement de première instance est critiquable, et c’est un scandale sur le plan juridique. Il n’y a pas de motivation, de fondement et de motif dans ce jugement ». Puis il a fait valoir les excellents états de service de son client, « 23 ans au service des autres… ». Il a donc demandé la relaxe, la dispense de peine et l’absence d’inscription à son casier judiciaire.

La décision du tribunal a été mise en délibéré au 7 novembre prochain.

B.J.

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