Le Directeur Culture, Patrimoine, Loisirs et Sports de la CADEMA a passé la porte de la MJC de M’gombani pour assister à ce qu’il pensait être une réunion de programmation de la Communauté d’agglomération Dembéni Mamoudzou. Mais c’est une standing ovation qui attendait le champion du monde master de javelot des plus de 60 ans, titre remporté la semaine dernière à Göteborg en Suède. Enthousiasmant de voir ainsi les élus et agents mettre en avant un talent, la démarche de la CADEMA doit être soulignée.
D’autant que ses vice-présidents et vice-présidentes mettaient en avant la valeur d’exemple d’Alain Guicharrousse, « c’est une première à Mayotte ! Il faut que vous serviez de vitrine de la CADEMA », « cela doit encourager la jeunesse à se tourner vers le sport, facteur de cohésion, d’entente et de fraternité, valeurs importantes en ces périodes troubles à Mayotte ». On sent l’envie de rebondir vers des perspectives nouvelles pour le territoire, et le représentant du Conseil départemental n’était pas en reste, « c’est un exploit ! J’espère que cela va encourager les élus à s’apercevoir qu’il y a du potentiel à Mayotte », et s’adressant directement à l’athlète, « tu as ta place aux Jeux de l’océan Indien, c’est la preuve que malgré l’âge, on peut obtenir des médailles. »
L’âge du médaillé incitait le sous-préfet à la cohésion sociale Laurent Alaton à dériver sur le sport-santé, « la preuve que l’on peut continuer le sport longtemps, et avoir des résultats en séniors et vétérans ». Le représentant de l’Etat se réjouissait de cette « mise en lumière positive de Mayotte », couronnée par la manifestation du jour « avec la complicité des élus. »
Un rugbyman lanceur de javelot
Cerises (au pluriel) sur le gâteau, la famille d’Alain Guicharrousse était à ses côtés pour cette célébration méridienne de son exploit ce mercredi. L’occasion pour lui de les remercier ainsi que son entraineur et Sébastien Synave, à la tête du Comité départemental d’athlétisme de Mayotte (CDAM), « qui m’a fourni du matériel de haute compétition pour m’entrainer. »
Il revenait sur son parcours, celui d’un homme qui se forge son destin au gré des rencontres. C’est tardivement, à 17 ans, qu’il se met à l’athlétisme après 5 ans de sport en foyer rural. De son accent transparait le pays du rugby, la section paloise, qu’il a pratiqué, et qu’il ne lâchera jamais tout à fait. « L’athlétisme, je m’y suis lancé avec la perche, mais il a suffi d’une fois de planté à côté du tapis, ce qui peut être dangereux, pour que j’arrête. »
Alors étudiant à la fac de Talence (Bordeaux), il côtoie sur un terrain un entraineur de lanceur de disque de niveau olympique, il se met au javelot où il s’améliore rapidement, avant de déménager à Nantes, où il continue le rugby faute de terrain d’athlétisme à proximité, notamment comme entraineur. « Sur l’autre partie du terrain, un jeune lanceur de disque s’entrainait, je lui ai proposé de l’accompagner, et deux ans après, il était finaliste au championnat de France cadet ». L’occasion pour lui de renouer à 50 ans avec les pistes de lancer de javelot, et c’est l’enchainement des titres, 8 de champion de France, et 2 d’Europe, et termine 3ème aux Championnats du monde à Malaga. Et cette année, c’est la consécration avec une médaille d’or en Suède !
Les athlètes de Mayotte, une grande famille
Une histoire de famille, puisqu’au gré des compétitions, c’est l’occasion pour sa femme Karine de voir du pays. Elle nous confiait d’ailleurs avoir été séduite par la Suède.
C’est malgré tout l’aboutissement d’un travail quasi-quotidien, « je m’entraine une à deux heures, 5 à 6 jours par semaine, en salle, en footing, et pour les lancers, en bordure du terrain du Baobab », même combat que pour l’autre lanceur de javelot médaillé de Mayotte, Soultoini Ali, « nous nous entrainons ensemble », qui nous expliquait les difficultés à avoir des équipements adéquats à Mayotte. Ce que confirme Alain Guicharousse, « seul le stade de Labattoir est équipé d’infrastructures de lancer, mais le club est en sommeil ».
Sa préparation, son voyage et son séjour sur place, il se l’est auto-financé, « et le Club d’Athlétisme de Mamoudzou ainsi que le Comité départemental d’athlétisme ont participé à l’hébergement. »
Au micro, celui qui est aussi Directeur Culture, Patrimoine, Loisirs et Sports de la CADEMA relativise déjà sa prestation, « ce ne sont que les championnats master », pour mettre en valeur Raphaël Mohamed, « il a fait 4ème aux Championnats du monde, et demi-finaliste aux JO de Paris », et l’accompagnement dont il doit faire l’objet : « Il n’a pas la chance comme moi d’avoir un bon métier, et dépend de l’aide de son club le RCM. Il va falloir l’aider ! »
Surtout qu’après ce joyeux break de festivités autour d’un buffet, il va falloir s’y remettre, « il faut enchainer les compétitions pour battre des records ! »
Anne Perzo-Lafond