Depuis le lancement des études pour la mise en place de lignes maritimes reliant le Nord et le Sud à Mamoudzou en 2017, le projet n’a jamais été aussi près de sa réalisation. En effet, les concepteurs du projet, le groupement Suez Consulting, Univert durable et JVO3, viennent de rendre leurs premières conclusions sur sa faisabilité. « Depuis maintenant 2019, nous avons acquis assez de données et fait assez d’études pour que ce projet aboutisse. C’est un projet qui avance, il ne reste plus que la mise en place d’une délégation de service public (DSP), qui est en cours, ainsi que les dernières études environnementales qui devraient être finies en avril 2025 », indique Rémi Chauveinc, Directeur des opérations chez Suez Consulting agence de La Réunion-Mayotte.
Désengorger le réseau routier menant à Mamoudzou
Le réseau routier mahorais est saturé à l’approche de la commune chef-lieu. Près de 11.000 véhicules par jour rejoignent Mamoudzou, dont environ 60% proviennent du Sud et 40% du Nord, sur des heures de pointe de plus en plus étendues allant au moins de 5h30 à 9h30 puis de 15h30 à 18h. Aussi, selon une étude de la DEALM (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, du Logement et de la Mer) de Mayotte, menée il y a quelques mois, 60% des automobilistes accepteraient de changer leur mode de transport actuel pour celui des navettes. Ce projet de navettes fluviales prévoit donc la construction de trois gares maritimes pour la mise en service de deux lignes de transport par bateaux, reliant Mamoudzou (place du marché) à Dembéni (plage d’Iloni) et à Koungou (port de Longoni), et dont les objectifs sont multiples.
« Le premier objectif est de baisser le temps de trajet. Il faudra ainsi compter 30 à 35 mn pour relier Longoni à Mamoudzou et quasi le même temps pour aller à Mamoudzou depuis Iloni. Ce projet prévoit ainsi un réseau de transport fiable et sécurisé, durable et respectueux de l’environnement, assure Rémi Chauveinc. Il est primordial de sortir du tout voiture et de baisser ainsi le nombre de véhicules se rendant à Mamoudzou », poursuit-il. Autres points positifs de ce projet est qu’il ne nécessite pas la construction de grosses infrastructures pour accueillir les passagers et que l’entretien des navettes pourra se faire à Mayotte, exit donc l’envoi des bateaux à Maurice…
Des navettes en rotation toutes les 15 minutes
Selon Suez consulting, deux types de navettes seront utilisés pour les trajets. « Un bateau de 12 à 20 personnes maximum sera en rotation toutes les 15 minutes pour les heures pleines. Une plus grosse navette, avec une capacité de transport de 50 personnes, sera quant à elle disponible toutes les heures », explique le directeur des opérations. Ces navettes transporteront uniquement des passagers qui pourront emmener avec eux des bagages ou même leur trottinette. Un autre avantage de ce projet sera la possibilité de rajouter ou d’enlever des navettes en fonction de la demande. Quant au tarif, il faudra compter entre 4 et 5 euros par trajet.
« Le tarif de la traversée sera aligné sur celui du trajet en taxi. Nous ne leur ferons pas de concurrence, insiste le représentant de Suez Consulting. L’idée est de déplacer le pôle de transport vers un endroit aménagé notamment avec le pôle d’échange multimodal prévu dans le projet Caribus. Iloni et Longoni seront ainsi connectées au système d’échange évitant ainsi la construction d’infrastructures routières littorales ».
Selon les estimations du maître d’oeuvre, environ 5.000 personnes devraient emprunter ce moyen de transport chaque jour. Les navettes fonctionneront ainsi du lundi au samedi, de 6h à 20h, et des parkings-relais sécurisés d’environ 50 places seront à proximité des gares maritimes. « Nous allons faire des petits parkings car l’idée est que la population utilise au maximum les transports en commun et le covoiturage. Nous ne voulons pas construire des hectares de parking ».
Protéger la faune du lagon
Comme le confie Rémi Chauveinc, la vulnérabilité de ce projet est la faune maritime. De nombreuses études environnementales ont été faites et d’autres sont encore en cours afin de mesurer l’impact écologique pour la biodiversité. « C’est la première fois qu’un dossier est déposé avec de nouvelles manières de calculer les zones de compensation… Un chenal de navigation sera ainsi balisé dans le lagon afin de limiter les risques de pollution. Ainsi il y aura par exemples de la transplantation de coraux, la surveillance des plages de pontes pour les tortues, la protection des hélices des navettes, ou encore la mise en place de récifs artificiels ». A terme, des bateaux solaires devraient assurer les rotations, limitant ainsi l’impact sur la biodiversité du lagon.
Ce projet, d’un coût total de 30 millions d’euros, a pour ambition d’être opérationnel à la fin de l’année 2026. L’objectif étant que les deux pontons, celui d’Iloni et celui de Longoni ouvrent en même temps, même si l’aménagement à Iloni nécessitera de plus amples travaux. L’entreprise qui exploitera ce service, via une DSP, aura la charge de recruter le personnel adéquat, de gérer les parkings et les infrastructures, ainsi que la navigation. En outre, le Conseil départemental est en train de voir avec le rectorat le développement d’une formation pour l’obtention du brevet de capitaine afin de piloter les navettes, car le but est également de recruter à Mayotte autant que possible.
B.J.
*Pour donner votre avis sur ce projet : consultation.mayotte.fr