Vendredi, lors d’une conférence de presse donnée sous le préau du Conseil départemental, les représentants de l’ADESFEM (l’Association pour le Développement Économique et Social des Femmes Entrepreneurs de Mayotte) ont fait ovation.
Fin mai 2024, huit membres de l’association s’envolaient vers le Sénégal pour participer à la 5ème édition de la Foire internationale des produits africains (FIPA) organisée du 1er au 9 juin à Dakar. C’est la première fois depuis l’ouverture de ce forum que Mayotte y participe. « J’ai acheté plein de photos car ce n’est pas tous les jours qu’on va en Afrique », commente fièrement Madi, artisane au sein de l’association.
Créée en 2012, l’association ADESFEM puise principalement son énergie dans le dynamisme et les pratiques des femmes de Mayotte. Parmi les membres de l’association, se trouvent des entrepreneuses, artisanes, agricultrices, enseignantes, couturières, cuisinières, et même spécialistes de la cosmétique, autant de métiers différents, à l’image de la richesse du savoir-faire local. À l’origine, leurs objectifs étaient de partager leurs savoirs et pratiques, soutenir les actions entrepreneuriales des femmes de Mayotte, et favoriser les échanges économiques et sociaux sur le département et dans l’océan Indien.
Un succès dû à « des femmes courageuses et visionnaires »
Mais depuis quelques semaines, leurs objectifs ont pris une autre dimension, non seulement, ADESFEM a gagné en popularité et en reconnaissance depuis plus d’une dizaine d’années à Mayotte et dans la zone océan Indien, mais désormais, leurs ambitions ont été entendues jusqu’en Afrique et même en Asie. « Tout s’accélère, avec le voyage au Sénégal, l’association est montée en puissance », a déclaré Lidie, entrepreneuse et membre de l’association.
Désormais l’association espère promouvoir ses savoirs à échelle internationale. » l’ADESFEM est animée par quatre objectifs. Le développement économique de l’ile pour soutenir les actions entrepreneuriales pour les femmes, la coopération internationale et commerciale, la promotion culturelle et artisanale pour soutenir les artisanes et les initiatives culturelles, et le développement durable (…) Nous soutenons les femmes agricultrices dans leur pratique respectueuse de l’environnement, capable de répondre aux défis climatiques, pour assurer la sécurité alimentaire, tout en préservant les ressources naturelles de l’île », a déclaré la fondatrice et présidente d’honneur de l’association Zakia Meresse.
Ce qui frappe lorsqu’on les voit ce sont leurs âges. Ces femmes investies dans ADESFEM sont toutes différentes, certaines sont très jeunes, d’autres plus âgées, certaines exercent toujours, d’autres sont à la retraite ou en reconversion, toutes sont unies autour d’un même cap : le partage, la pratique des savoirs mais aussi l’humour. L’une d’elles, arrivée en retard, ironise : « Désolée pour mon retard mais j’étais coincée dans les embouteillages. Pourquoi vous n’êtes pas venus me chercher en hélicoptère ? » Décomplexées, énergétiques, visionnaires, tolérantes, sont autant de qualités qu’on leur prête naturellement, et qui font d’elles, une équipe qui gagne.
Encore subjuguée par l’écho international qu’a reçu l’association au Sénégal, Zakia Meresse confie : « Je veux saluer l’engagement sans faille des femmes courageuses et visionnaires. Elles sont là, nous sommes là, tout cela c’est le travail des femmes de Mayotte, je voudrais leur adresser toute ma gratitude (…) Nous croyons fermement que le développement de notre île passe par l’autonomisation de l’île et des femmes, quelles soient commerçantes, agricultrices ou artisanes pour faire avancer Mayotte dans un esprit d’actions. »
ADESFEM s’impose sur la scène internationale
La foire internationale des produits africains est un des rendez-vous économiques les plus importants de l’Afrique de l’Ouest. Pour les huit représentants de l’ADESFEM qui y ont participé, cet événement est gravé dans le marbre. Grâce à son stand, Mayotte s’est retrouvée au centre des projecteurs, où la ministre de la Famille et des Solidarités, et le Ministre des affaires étrangères du Sénégal, se sont empressés de les rencontrer. Pour certains membres de l’association, cette aura est aussi constitutive d’une reconnaissance du territoire de Mayotte : « L’année dernière, les Comores étaient invités, cette année, en nous invitant, cela veut dire qu’ils reconnaissent Mayotte comme territoire, détaché des Comores. » Cet événement a surtout été l’occasion de promouvoir la stratégie d’ouverture de l’île et de permettre aux artisans de nouer des partenariats dans divers domaines.
« Nous avons peu entendu parler de nous dans le passé mais nous allons entendre parler de nous dans le futur »
Forts de leur succès en Afrique, les représentants de l’association ont annoncé la nomination de la conseillère départementale Hélène Pollozec, comme marraine de l’association : « Le Conseil départemental n’est pas encore un partenaire officiel de l’association mais il l’accompagne sur des actions, à travers l’Agence de Développement et d’Innovation de Mayotte. On a un territoire qui regorge de richesses et qu’il faut exporter. C’est un honneur d’être marraine de l’association », a-t-elle déclaré.
Les perspectives de développement de l’association sont prometteuses. D’ores-et-déjà, la conseillère départementale a annoncé la création de « maisons de Mayotte » au Mozambique et en Chine, pour offrir aux artisans des lieux de vente. Mais les représentants de l’association ne souhaitent pas s’arrêter-là. Pour la prochaine édition de la foire internationale des produits africains en 2027, tous souhaitent qu’elle ait lieu à Mayotte.
« Nous avons peu entendu parler de nous dans le passé mais nous allons entendre parler de nous dans le futur (…) La participation récente de notre île à la FIPA a montré à quel point les opérations de coopération sont vastes et prometteuses (…) Le positionnement stratégique de Mayotte dans l’océan Indien peut jouer un rôle central, notamment auprès de partenaires plus lointains comme la Chine et contribuer à un avenir plus inclusif, ouvert à tous (…) On peut faire de Mayotte un modèle de réussite économique social. », a déclaré Zakia Meresse.
Mais pour répondre à ces défis, l’association nécessite d’être restructurée. Lors des discussions, les membres ont insisté sur la nécessité pour l’association de pouvoir disposer de fonds propres, en permettant à la population d’y adhérer. Actuellement, la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire travaille sur les statuts de l’association. D’autre part, des recrutements seront opérés pour la gestion administrative de la structure : « On arrive à un moment où tout va s’accélérer, il faut renforcer les statuts, avoir un organigramme clair », a commenté Hélène Pollozec.
Mathilde Hangard