Si la Société Immobilière de Mayotte (SIM) est vue comme un investisseur de premier plan avec des défis énormes de production de logements à relever, elle a moins bonne presse en matière de gestion de son parc immobilier. Nombreux sont ceux qui se plaignent d’une fuite, d’un portail défectueux, etc. Nous nous en étions fait l’écho par le passé, et ça continue, nous avons été interpellés par un locataire des Hauts-Vallons à ce sujet. L’occasion de faire un point sur les capacités de la société à absorber les demandes.
Philippe Messelier est le directeur de la gestion locative. Il évoque une révolution en marche depuis un peu plus d’un an. « Lorsqu’ils avaient des réclamations à faire, les résidents envoyaient des mails ou profitaient d’un passage à Mamoudzou pour s’arrêter à la SIM. Les demandes étaient enregistrées, mais ne nous remontaient pas toujours. J’ai donc décidé de mettre en place un Centre de réclamation clients. Depuis février 2023, toute réclamation administrative et technique y est enregistrée. Il suffit de composer le 0269 61 50 02. Ce centre a les mêmes outils de gestion que nous, il enregistre immédiatement la réclamation ».
Fin du circuit parallèle
Et il l’assure, les délais sont accélérés, « dès que la réclamation est enregistrée, elle doit être prise en compte dans les deux jours ». Avec des nuances, « nous avons un fort panel de réclamations. Selon l’urgence, la majeure partie doit être traitée sous 5 jours. Tous les lundis matins, nous dressons la liste des réclamations à traiter dans la semaine. »
Mais il y a encore des couacs. « Il arrive que des réclamations suivent encore un circuit informel, par mail par exemple, et qu’elles ne soient pas traitées, on en a eu un exemple la semaine dernière encore. Un circuit parallèle que je supprime dès aujourd’hui. Il ne faut donc plus envoyer de mails mais uniquement appeler le numéro indiqué », précise Philippe Messelier.
Ça, c’est pour le traitement des réclamations. Reste à en assurer le suivi, souligne-t-il, « nous n’évaluons pas encore la qualité du travail effectué ». Or, des réparations mal faites peuvent engendrer de nouvelles réclamations, induisant un cercle vicieux en surcharge de travail. « Nous commencerons à mettre ce service en place fin août-début septembre 2024, nous allons contacter chaque client. »
Ce qui est rare est très cher à Mayotte
Des réclamations d’un autre ordre nous sont parvenues, l’augmentation faramineuse de certains loyers. « Alors que j’allais déposer un chèque de caution de 1.200 euros pour une maison pointe de Koungou, la SIM m’a informé que le loyer passait à 1.500 euros, soit une hausse de 25% ! », nous informe une personne en attente de logement. Il y a quelques semaines un message nous était adressé pour rapporter que, alors que ses meubles étaient en cours d’acheminement vers un logement, son loyer avait fortement grimpé, « on a eu l’impression d’avoir le couteau sous la gorge ».
Le responsable de la gestion locative s’en explique. « Les loyers peuvent augmenter de deux manières différentes. La première, quand un locataire est sous contrat, ils sont réévalués en suivant l’Indice de Référence des Loyers, l’IRL, qui était bloqué depuis deux ans à + 2,5% par la loi. La seconde, lors d’un réajustement des écarts entre logements d’une même zone. J’ai fait réaliser un audit il y a deux ans, qui montrait que sur un même ensemble immobilier, de gros écarts de loyer existaient, pouvant aller du simple au double. Cela s’expliquait par l’absence de mise en place de politique tarifaire. Sous l’impulsion du directeur général de la SIM et de la direction Outre-mer de CDC Habitat, nous avons réajusté les écarts en nous rendant sur place avec le directeur du patrimoine, en intégrant le plan prévisionnel des constructions sur les années à venir. »
D’où les réévaluations douloureuses pour les futurs locataires, « et encore, nous avons maintenu un prix unique au mètre-carré en dessous du prix du marché chez les privés ». Et le prix du mètre-carré est très cher à Mayotte en raison d’un déséquilibre entre le volume de maisons en dur, et celles en tôle.
Philippe Messelier prend un exemple de leur réévaluation le quartier des 100 Villas à Mamoudzou. « Le prix du marché est à 21 euros le m2*, nous sommes à 17 euros. Mais certains loyers ont été réévalués de 900 euros à 2.000-3.000 euros en fonction de la superficie habitable, qui grimpe vite dans ce quartier. Pour nous, la relocation est la seule opportunité de reniveler le parc locatif. »
Des évolutions qui en appellent une autre, celle de la communication pour que les mesures soient comprises par tous.
Anne Perzo-Lafond
*Pour comparaison, le prix moyen d’un loyer au mètre carré à Cayenne (Guyane) est de 15 euros/m2 à Kourou