C’est dans sa maison située à Mamoudzou que Fayçoil Zoubert nous a accueilli pour nous parler de son recueil de poèmes-témoignages. « Ce livre se présente comme une parole poétique née du choc des vents et du courage des hommes, un véritable chant de mémoire et de solidarité », nous explique-t-il. À travers la métaphore du miroir, il fait entendre la voix d’une île blessée mais encore et toujours debout.
Écrire pour combler des frustrations

Deux éléments déclencheurs ont poussé Fayçoil Zoubert à écrire ce recueil de poèmes. Tout d’abord la frustration de ne pas avoir été sur le territoire avec ses proches et sa famille lorsque Chido s’est abattu sur l’île. « Je n’étais pas à Mayotte au moment du passage du cyclone. Je suis parti en métropole le 11 décembre car j’avais une formation à Sciences Po durant deux jours, les 12 et 13. J’aurais dû rentrer à Mayotte le 14 », nous raconte-t-il. « J’ai quitté mes enfants le mercredi et je n’ai pu revenir sur le territoire qu’une semaine après. Quand je les ai quittés c’était des enfants joyeux, heureux, mais à mon retour ce n’était plus les mêmes personnes, ils avaient le visage marqué par ce qu’ils avaient vécu ».
Et un an après Chido, le traumatisme est encore présent chez eux nous confie l’auteur. « Dès qu’il y a de la grisaille, de la pluie, ou de l’orage ils ont peur et il est difficile pour eux d’aller à l’école… ils ont été marqués psychologiquement. J’ai donc voulu quelque part, en écrivant ce livre, extérioriser, faire ressortir comme un exutoire, cette frustration de ne pas avoir été là auprès de mes proches ».
Laisser une empreinte, un témoignage
La seconde raison pour laquelle Fayçoil Zoubert a écrit ce livre est qu’i voulait laisser quelque chose à la postérité. « À cette époque j’étais en formation et je m’employais à mon mémoire… j’étais donc dans un travail d’écriture et je l’avais presque terminé mais il me manquait quelque chose, je ressentais comme un besoin d’écrire sur ce qu’il s’était passé, j’avais comme un vide, je tenais à laisser une empreinte, un témoignage, un écrit intemporel accessible à tous, aussi bien aux enfants qu’aux adultes », se souvient-il.

Ce recueil, c’est aussi une forme de remerciement. « Je voulais remercier les gens qui se sont mobilisés pour venir en aide à Mayotte et aux Mahorais, tant au niveau national qu’international… Au départ je pensais écrire une bande dessinée mais je me suis dit après coup que cela s’adresserait à un public limité. Puis j’ai pensé à faire un écrit orienté politique… et finalement j’ai décidé d’écrire un livre accessible à tous, facile à lire, pas trop lourd, avec des vers libres qui racontent des histoires et renferment des messages ». Ainsi au travers des quelque quatre-vingt pages de ce recueil de poèmes, Fayçoil Zoubert décrit l’arrivée du cyclone, le traumatisme apporté, les attentes mais aussi les remerciements. « Je remets en cause, je dénonce aussi, mais j’exprime également la gratitude et je montre qu’un monde solidaire existe encore ».
« Mayotte a du talent »
La publication de ce recueil a sans doute révélé une passion chez son auteur. « L’écriture de ce recueil de poèmes était une belle aventure, c’est la première fois que j’écrivais. Chaque expérience et moment de vie nous font grandir. Le cyclone et la formation que j’ai suivie à Sciences Po m’ont marqué et m’ont fait réfléchir différemment… Il faut s’attacher à travailler pour l’intérêt général car il y a beaucoup de choses à faire sur ce territoire, mais Mayotte a du talent ! ».
L’auteur réfléchit à faire deux autres versions de ce recueil : une en shimaoré et une autre en kibushi « et pourquoi pas même une troisième en arabe, pour les anciens », ajoute-t-il. Mais ce que souhaite Fayçoil Zoubret avant tout, c’est que cet ouvrage puisse servir… « C’est une œuvre pleinement accessible, j’ai tenu à marquer un temps d’arrêt, avoir une vision prospective. J’incite les gens à le lire et à le critiquer car c’est cela qui permet d’avancer ».
B.J.


