D’après nos informations, à l’issue des 2h30 de réunion, toujours aucun texte n’a été présenté par le gouvernement contrairement à ce qui était prévu initialement. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il s’est passé exactement ?
Mansour Kamardine : Disons qu’il y a eu un certain « retard à l’allumage » de la part du gouvernement. Après nous avoir écouté longuement au cours de la réunion, le chef de l’Etat a pris conscience que le texte du projet de loi Mayotte prévu par le gouvernement était très loin de correspondre aux attentes des Mahorais. Pour éviter qu’il soit encore refusé, il a préféré poursuivre les échanges afin de l’enrichir. Par ailleurs, le projet de loi constitutionnelle proposant l’abolition du droit du sol à Mayotte se heurte encore trop à l’opposition de certains membres du gouvernement, même au sein du parti Renaissance du président. Pour remédier à ces 2 problèmes, le chef de l’Etat nous a proposé 2 réunions qui se tiendront dans 15 jours, sûrement le même jour. La première se tiendra sous sa présidence avec les présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale et les présidents des commissions. Elle offrira l’opportunité aux élus mahorais de les convaincre d’élargir la base de la loi constitutionnelle en les faisant réfléchir sur la condition des mineurs à Mayotte, sur le droit d’asile ainsi que sur l’accès aux minima sociaux. La deuxième réunion sera un séminaire gouvernemental en présence des élus mahorais et des ministres du gouvernement pour mieux leur faire prendre conscience des enjeux de la situation à Mayotte, car pour l’instant beaucoup d’entre eux ne la mesurent pas véritablement.
Au sujet du projet de loi Mayotte, pouvez-vous donner des exemples des points de désaccord entre le gouvernement et les élus mahorais ?
Mansour Kamardine : Les deux contrats de convergence et de transformation de 2019 et 2024 prévoient d’investir 1,6 milliard d’euros pour la gestion de l’immigration clandestine en construisant des écoles et des logements sociaux. Or s’il y avait un véritable contrôle des frontières, nous n’aurions pas besoin de ces nouvelles écoles et de ces logements sociaux. Ce que les Mahorais souhaitent réellement, c’est la convergence sociale. Celle-ci nécessite encore 242 millions d’euros qu’il va falloir trouver pour nous montrer que nous ne sommes pas « des citoyens de seconde zone ». Cette logique actuelle nous laisse à penser que l’Etat investit prioritairement dans la gestion de l’immigration clandestine au détriment du développement de Mayotte.
Cet énième report de présentation des textes de loi vous semble donc finalement une bonne chose ?
Mansour Kamardine : Oui, dans la mesure où ce temps en plus que prend le gouvernement a pour objectif de rapprocher les différents points de vue. Le chef de l’Etat nous propose une réelle co-construction de ces deux textes afin qu’ils correspondent aux attentes des Mahorais tout en étant acceptables par le gouvernement. C’est donc positif, nous avons senti de la part d’Emmanuel Macron une réelle volonté de nous écouter. Maintenant, nous verrons dans 15 jours s’il y a aussi une vraie volonté de réussir ! En tout cas, dès la fin de la réunion de ce vendredi, j’ai reçu une invitation à discuter de la situation de Mayotte de la part du garde des Sceaux. D’autres rencontres avec les différents ministres du gouvernement suivront sans doute au cours de ces 15 jours précédents les 2 réunions officielles. Les discussions sont réellement enclenchées avec l’ensemble des membres du gouvernement et, si tout se passe bien, les 2 textes de loi seront prêts d’ici un mois, car il faudra encore 15 jours pour achever de les écrire.
Propos recueillis par Nora Godeau