C’est ce que l’on pourrait appeler un « Wuambushu économique » que demandent plusieurs chefs d’entreprises – ils sont dix à l’avoir cosigné – au sein d’une lettre ouverte en mode bouteille à la mer. Marcel Rinaldy, pour la CCI, et Christophe Lemoosy, restaurateur, en seraient les instigateurs.
Les crises successives que le monde économique a encaissées ces dernières années l’ont sans doute durablement marqué et sont retranscrites dans les études menées. L’Institut d’émission des Départements d’outre-mer (IEDOM) le retrace dans sa synthèse annuelle de l’activité économique de 2023, que résume son directeur Patrick Croissandeau : « Ces chocs successifs ont dégradé progressivement à la fois la confiance des chefs d’entreprise mais également le moral des ménages ». On y retrouve l’insécurité bien sûr qui oblige à la fermeture de rideau avant la tombée de la nuit, les crises sécheresse puis hydrique, le blocage social de l’île, etc.
Pour aider les entreprises à faire face, l’accompagnement du gouvernement est vu comme un ensemble de « mesurettes », « dont le cumul coûte cher à la collectivité ».
Ce que ces chefs d’entreprises demandent (lire ci-dessous) c’est un écosystème leur permettant de rendre le territoire économiquement attractif : une zone franche globale sur le plan fiscal et social, et un renforcement du Crédit Impôt Compétitivité (CICE) avec un taux porté à 14%. Il s’agit également d’une demande d’accompagnement dans les efforts à fournir pour un alignement du SMIC sur la métropole inscrit au projet de loi Urgence pour Mayotte, avec l’augmentation des cotisations patronales inhérentes. `
Il serait difficile à comprendre que des décisions aussi fortes qu’une suppression du droit du sol soit avancées, et que le secteur privé, également fortement concurrencé par l’informel à Mayotte et sur lequel tout le monde mise pour résorber le chômage, ne fasse pas aussi l’objet d’une mesure coup de poing.
A.P-L.
Lettre ouverte des forces économiques de Mayotte
Nous sommes des chefs d’entreprise, nous sommes des employeurs et nous sommes avant tout des mères et des pères de famille. A tous ces titres, nous avons à cœur la sécurité de nos familles et de celles nos collaborateurs ainsi que la construction et le rayonnement de notre département. La situation désastreuse de Mayotte réclame sans délai des actions fortes et enfin efficaces afin de redresser son économie, relancer sa croissance sur des bases saines et créer des emplois essentiels à la compétitivité des entreprises, à l’inclusion sociale génératrice de paix civile et au développement du territoire.
Nous avons pris connaissance des contributions économiques portées par la mairie de Mamoudzou et le Département de Mayotte. Les trois recommandations phares qui sont exprimées sont le fruit d’une concertation large avec les acteurs du monde économique.
Ces trois propositions tiennent en trois mesures conjuguées dans un dispositif complet : l’instauration d’une zone franche fiscale générale couplée avec une zone franche sociale emportant exonération des charges sociales patronales et jumelée avec la prorogation du Crédit Impôt Compétitivité avec un taux porté à 14%.
Nous marquons notre vif intérêt et notre forte motivation à nous engager dans la mise en place de cet outil. Seule une zone franche globale exemptant les entreprises de tout impôts, taxes et cotisations sociales patronales pendant une durée de cinq ans à minima est à même de produire le choc nécessaire à la relance. Un tel dispositif tryptique absorbera le coût de l’alignement du SMIC local sur le SMIC national et le coût inhérent à l’application effective des conventions collectives à Mayotte. Calibré après une étude d’impact, il apparaît propre à accélérer la convergence des droits sociaux. Il présente le mérite d’anéantir les distorsions de concurrence avec les entreprises du secteur informel. Il créé un cadre propice à l’assainissement du tissu économique et à la protection des travailleurs en faisant entrer les entreprises informelles dans le secteur formel.
Quant à la pérennisation du CICE et à la majoration de son taux de 9% à 14%, nous voyons là l’occasion d’optimiser le levier de la zone franche globale fiscale et sociale. Seul ce taux significatif allège suffisamment le coût du travail et incite à l’embauche. Ce faisant le dispositif satisfait à une grande revendication d’égalité sociale et favorisera la relance économique par la politique de la demande. Il faut en finir avec les mesurettes, dont le cumul coûte cher à la collectivité. Elles n’ont aucune efficacité et ne répondent pas aux problèmes graves de Mayotte.
Confiants dans la volonté affichée du gouvernement, nous attendons de l’État la mise en place de cette réforme immédiatement tant elle est facile et rapide à mettre en œuvre. Il s’agit simplement d’étendre et de rationaliser, en les conjuguant et en les adaptant à la situation locale, des dispositifs que les nécessités du moment rendent impérieux : la transformation de la zone franche d’activité nouvelle génération, trop étriquée, en une zone franche globale et la pérennisation du CICE existant en relevant son taux à 14 %.