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Mamoudzou

Journée droits des femmes : comment être « plus nombreuses aux postes de direction »

La salle mariage de la mairie de Mamoudzou ressemblait à un arc-en-ciel, un panel de couleurs revêtues par autant de personnalités fortes. Loin des beaux discours et des grandes théories, on parlait du rôle des femmes actives et de leur montée en puissance à Mayotte ce vendredi 8 mars, graphiques à l’appui.

Quelques heures avant que le scellement de l’IVG dans la Constitution soit activé par le ministre de la Justice sur la place Vendôme, la grande salle mariage de la mairie de Mamoudzou s’était féminisée, tailleurs et robes se mariaient aux salouvas.

« Vous savez que nous pouvons faire et défaire la politique », lançait un tantinet provoc en introduction Zaitouni Ali, directrice de cabinet du maire de Mamoudzou, invitant dans un clin d’œil à soutenir l’élu lors des prochaines municipales. On ne peut que constater qu’Ambdilwahedou Soumaila conjugue les compétences au féminin, le tableau récapitulatif de ses agents nous en donne une idée. « Sur 1.333 agents à la mairie, CCAS et Caisse des écoles, la répartition homme-femme est équivalente, avec deux emplois fonctionnels sur sept occupés par des femmes, deux DGA et 14 directrices », détaillait Nicole Abdou, Responsable carrière et paye à la mairie, sur un air de « on peut encore mieux faire ».

Elues et agents territoriaux avaient répondu présents pour échanger sur ces thématiques

Et tout le monde en tire bénéfice, « dans notre municipalité, les hommes peuvent compter sur 28 jours de congés paternité, comme en métropole, alors que la législation à Mayotte n’en est pas encore là », rajoutant, « bon, j’espère qu’ils ne les prennent pas pour aller à Madagascar ! », provoquant l’hilarité dans la salle.

A l’échelle du territoire, c’est dans la fonction publique hospitalière que l’on compte le plus de femmes, 78%, en raison de la féminisation des métiers dominants ici, sage-femmes, aides-soignantes, assistantes maternelles, suivie par la fonction publique territoriale, composée à 60% de femmes, puis la fonction publique d’Etat, 57%.

« Pas là que pour pondre des enfants ! »

Delfina Houdjatte, présidente de l’association des DRH de Mayotte, zoome au sein de la fonction publique territoriale pour évaluer le profil des postes occupés par les femmes. « Sur la période 2020-2023, sur 7.400 agents, 3.600 sont des femmes, dont 67 occupent des postes de direction. 11 sont sur des postes fonctionnels en 2023, comme la DGS du conseil départemental, la directrice du cycle de l’eau, ou de l’aménagement, de l’urbanisme, ou des ressources Humaines, ou encore du Développement de l’activité économique, ou de la construction des bâtiments. Constat, mais elles ne sont pas assez nombreuses aux postes de direction. »

Delfina Houdjatte : « Onze femmes sont sur des postes fonctionnels dans la fonction publique territoriale à Mayotte »

Les freins diagnostiqués sont nombreux. De l’extérieur, « les recruteurs craignent encore que nous tombions enceinte, ou que nous prenions des jours pour un enfants ou un parent malade, mais nous ne sommes pas là que pour pondre des enfants ! », lâchait Mariame Madi, Responsable des concours au Centre de Gestion. Mais aussi de l’intérieur, comme le soulignait Fatou Chauveau, Directrice Jeunesse, Culture et Politique de la ville à la mairie, « nous sommes nos propres ennemies, c’est dans notre tête. Nous devons prendre confiance en nous, communiquer sur la manière différente des hommes de régler des problèmes. Et il faut se moquer du qu’en-dira-t-on, des rumeurs qui dénigrent les réussites en parlant de ‘promo canapé’. Et souvent, nous sommes les premières à relayer ça. Chacun doit faire avec sa conscience, et portons-nous mutuellement de la bienveillance plutôt. »

Passer par la formation est naturellement la voie conseillée, « certaines sont de haut niveau, comme l’Institut national des études territoriales de Strasbourg qui propose ‘Stratégie publique et management’ délocalisé en outre-mer. En 2022-2023, il y avait parmi les 20 stagiaires, 7 agents de Mayotte, dont 4 femmes. »

De salariés à bénévoles à partir du 6 novembre

Pour y arriver, le partage des tâches ménagères et familiale est un préalable, « nous ne sommes pas seules dans nos foyers, si monsieur semble frileux, vous vous enfermez dans une chambre pendant une heure pour travailler votre concours, il sera bien obligé de gérer ! », recommandait encore la très pragmatique Mariame Madi. Qui en appelait aux femmes pour intégrer également les jurys de concours.

L’écart de rémunération est ancré dans les mentalités, en témoigne cette réaction d’un agent de sécurité que nous avons rencontré, « on gagne plus que les femmes, mais c’est pas grand-chose, environ 15 euros de plus » ! Sur le plan national, calcul a été fait de la différence. Le différentiel est tel que, ramené à 12 mois, cela revenait à dire qu’à partir du 6 novembre, les femmes travaillaient gratuitement.

Safina Soula saluée pour son rôle de meneuse du dernier mouvement social

Un sujet qu’ont pris à bras le corps les intervenantes qui constatait une moindre différence à travail égal au sein de la mairie, « 20 euros d’écart », qui peut s’accentuer lorsqu’on monte vers les postes de direction, « les hommes bénéficient de davantage de primes », soulignait Nicole Abdou. Des contrôles périodiques sont effectués pour gommer cette différence, « il faut aussi rédiger un guide de recrutement pour stopper les préjugés. Nous allons proposer une journée portes-ouvertes pour montrer aux jeunes filles l’étendue des métiers. »

Un combat contre les inégalités relayées par Wardati M’lamali, déléguée syndicale UNSA Territoriaux, « les conditions de travail justes et équitables entre les hommes et les femmes, ce ne sont pas des privilèges, mais des conquêtes justes. »

Un biais n’a été que peu développé, la vulnérabilité aux pratiques de corruption. Pourtant, les femmes sont très minoritaires dans les jugements de délinquance en col blanc, et pas seulement parce qu’elles sont moins aux postes électifs. Le « tu as mangé, tu sors » est davantage pratiqué au sein de sphères masculines. En tout cas, un rayon d’espoir germe avec la sentence de Zaitouni Ali : « La représentation des femmes dans le milieu politique est un des ressorts de transmission pour que les jeunes s’investissent davantage dans la voie politique. »

Anne Perzo-Lafond

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