« C’est une victoire ! », a déclaré dimanche soir Badirou Abdou, le porte-parole des Forces Vives au journal télévisé de Mayotte La Première. En effet, la revendication numéro 1 des Forces Vives, à savoir l’abrogation du titre de séjour territorialisé, a été acceptée par le ministre Gérald Darmanin au terme de 4h de négociations au rectorat de Mayotte où il a rencontré les principaux leaders du mouvement dont Badirou Abdou, Safina Soula, Saïd Kambi, des représentants du collectif de Cavani et Thomas M’saïdié, expert en droit constitutionnel pour les Forces Vives. Entre autres. « Le ministre a compris que nous n’allions rien lâcher sur la question du titre de séjour territorialisé, il a donc fini par céder », nous révèle Saïd Kambi qui avoue que les négociations ont été rudes. « La solution la plus rapide et efficace serait que ce visa soit abrogé par décret présidentiel », affirme quant à lui Zaïdou Bamana. En effet, il n’est pas si simple de modifier des lois au sein de la République Française. Même chose pour l’annonce sur la fin du droit du sol à Mayotte. Soit cela passera soit par le parlement et cette nouvelle loi devra récolter les 3/5ème des suffrages, soit par un référendum. Dans les deux cas cela ne se fera pas d’un coup de baguette magique et c’est bien ce que craignent une partie des barragistes peu au fait du fonctionnement de la loi.
Des renforts et un changement de stratégie des gendarmes
Une autre partie des déçus de la visite ministérielle déplorent que trop peu d’annonces aient été faites sur le sujet de l’insécurité, pourtant fer de lance revendiqué des Forces Vives. Certes, pour elles, le retour à la sécurité passe par une régulation des flux migratoires massifs, mais il n’en reste pas moins qu’il faut trouver une solution à plus court terme pour que cesse le confinement de la population mahoraise qui n’ose plus sortir de peur de se faire attaquer. Si les annonces sur la sécurité ont fait moins parler d’elles que celles sur l’immigration clandestine, Gérald Darmanin a quand même annoncé une opération Wambushu 2. 15 gendarmes du GIGN sont venus renforcer les effectifs en place en attendant les 70 membres des « guépards », forces spéciales habituées à évoluer en « territoire hostile ». Par ailleurs, Christian Rodriguez, le directeur national de la gendarmerie, revenu à Mayotte à l’occasion du déplacement de Gérald Darmanin, a annoncé « un changement de stratégie des gendarmes » avec une moindre utilisation des gaz lacrymogènes et des poursuites systématiques des délinquants dans les bangas des hauteurs des villes.
Malheureusement, les solutions manquent toujours dans l’immédiat pour rééduquer et/ou mettre hors d’état de nuire les mineurs délinquants sur le territoire. En effet, interpeler est « bien gentil », mais si c’est pour relâcher aussi sec par manque de structure, à quoi bon ? Le ministre de l’intérieur et des Outre-mer a d’ailleurs lancé une pique aux élus dimanche soir lors de l’interview réalisé par notre consoeur Yasmine Djafar en affirmant que l’Etat « attendait toujours de la part des élus les terrains pour construire le centre éducatif fermé (CEF) et la seconde prison ». Les Forces Vives et les élus avaient aussi évoqué le fait de faire jouer la solidarité nationale en « dispatchant » les mineurs délinquants dans les CEF en métropole. Faute de temps, cette question n’a toutefois pas pu être abordée avec le ministre lors de sa réunion avec les Forces Vives.
La levée des barrages remise en question par « la base »
Si la plupart des leaders des Forces Vives souhaitaient une levée des barrages ce mercredi, une réunion à Tsingoni avec les « coordinateurs de barrages » a tout remis en question. Alors que Saïd Kambi, joint par téléphone ce lundi midi, confirmait une levée des barrages et une poursuite du mouvement sous une autre forme, il a retourné sa veste après cette réunion. « Ce qui est sûr, c’est que les barrages ne seront pas levés mercredi », a-t-il affirmé à nos confrères. De quoi en perdre son latin… ou son shimaore ! Ce retournement de situation témoigne en réalité d’un énorme déficit de confiance de la population face à l’Etat. Lassée des « promesses sans lendemain », « la base » semble visiblement souhaiter continuer le combat jusqu’à ce que des actes concrets soient visibles. Nous ne sommes donc pas sortis de l’auberge ! Toutefois, la décision définitive se prendra probablement lors du prochain congrès des Forces Vives qui se tiendra justement ce mercredi à Pamandzi.
Nora Godeau