« Dimanche soir, 60 Somaliens sont arrivés au stade, escortés par les gendarmes. C’est ce qui a mis le feu aux poudres : trop c’est trop ! Aujourd’hui encore (NDLR : mardi) il y a eu d’autres arrivées. Maintenant ils arrivent tous les jours par dizaines ! Il faut que ça s’arrête ! », s’est exclamée Madame H. qui fait partie du groupe de manifestantes occupant le rond-point et les rues autour du stade de Cavani. En journée, elles ne sont qu’une petite poignée, mais leur nombre croît le soir quand se termine la journée de celles qui travaillent. « Nous n’avons pas grand-chose à dire, si ce n’est que nous ne quitterons pas ces lieux tant que le camp d’Africains n’aura pas été levé ! », a-t-elle martelé. Par ailleurs, elles sont déterminées à empêcher toute nouvelle installation de réfugiés venus d’Afrique au sein du stade de Cavani. « Ces personnes chassent nos enfants du stade, nous insultent et nous provoquent en permanence. Ils viennent ici avec des maladies : ébola, le sida. Ils risquent de propager ces maladies à Mayotte, il faut absolument que ce camp soit démantelé », affirme quant à elle Madame E. Le groupe de femmes, seulement cinq en journée, histoire de marquer une présence, ne déloge pas jusqu’à environ 3 heures du matin de peur « que les gendarmes n’amènent de nouveaux réfugiés pendant la nuit ». Le soir, les bandes de jeunes du quartier s’en mêlent, prenant le parti des habitants de Cavani contre les réfugiés Africains. Les jets de pierre fusent, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre.
Des forces de l’ordre qui restent bien silencieuses en ces temps troublés. Nous n’avons pas réussi à joindre la Direction Territoriale de la Police Nationale (DTPN), ni la Direction du cabinet de la Préfecture afin qu’elles confirment ou infirment l’affirmation selon laquelle plusieurs dizaines de réfugiés venus de l’Afrique des grands lacs arriveraient chaque jour pour être « parqués » au stade en attendant que leur dossier soit étudié. Deux réfugiés congolais nous ont toutefois affirmé que « ce n’est pas tous les jours, mais c’est vrai qu’il y a eu une arrivée de 60 Somaliens dimanche. Ils sont en effet arrivés escortés par les gendarmes sinon ils se seraient faits attaquer par la population », ont-ils ajouté.
« Nous, on ne veut pas rester à Mayotte ! »
Gloire, 25 ans et Fiston, 39 ans, sont tous deux menacés de mort par le Gouvernement congolais et recherchent une terre d’accueil où ils seraient protégés. Leur but, c’est l’Hexagone, pas Mayotte. « Nous on ne demande que ça de partir ! On ne veut pas rester ici car on y trouve les mêmes problèmes de sécurité que chez nous. Ici on n’a pas la paix, on est attaqués et insultés en permanence ! Mais l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) met très longtemps à traiter les dossiers, c’est ça le problème ! Là on attend nos extraits de naissance et nos titres de séjour pour pouvoir partir », nous a confié Fiston. « C’est la France qui nous protège, c’est donc en France métropolitaine que nous voulons aller ! », a-t-il ajouté. Il nous a également alerté sur la catastrophe humanitaire en cours au sein du camp de réfugiés improvisé du stade de Cavani. « On ne vit qu’avec 30 euros par mois, on a faim, des maladies commencent à se développer au sein du stade. Personne ne nous vient en aide à l’exception de Solidarité Mayotte et de quelques Mahorais. Certains sont bons, ils ne sont pas tous xénophobes », a poursuivi le réfugié.
Gloire et Fiston ont nié les accusations de violence à leur encontre proférées par une partie de la population de Cavani. « Nous ne sommes pas violents, nous n’avons agressé personne. Par contre nous avons malheureusement été amenés à nous défendre ces derniers jours car nous étions attaqués. C’est normal ça, non ? On ne peut pas se laisser agresser sans se défendre, c’est simplement de l’instinct de survie ! », a-t-il expliqué. Il a concédé toutefois qu’il y avait davantage de problèmes avec la communauté somalienne : « Le problème c’est que les Somaliens ne parlent pas français donc ils prennent rapidement la moindre parole pour une insulte. Mais s’ils sont devenus comme ça c’est à force d’être maltraités. Ils n’étaient pas comme ça au début », explique-t-il.
Malgré le conflit, les réfugiés et les riverains sont néanmoins d’accord sur le fait que la situation actuelle ne peut pas durer. « On va mourir dans ce stade si on attend encore ! », se désespère Fiston.
Nora Godeau