Dès qu’on arrive sur la place du Congrès, on entend la musique qui résonne et on aperçoit au loin les grands chapiteaux blancs installés pour l’occasion. Autour, des groupes en t-shirts colorés, bleu, rose, vert, animent les stands, distribuent des flyers ou invitent les passants à venir tester un atelier. L’ambiance est joyeuse, conviviale, presque festive. Beaucoup ne savaient pas qu’un événement se tenait ici. « Je passais juste par là, j’ai vu la musique et les tentes, alors je suis venue voir », raconte une habitante de Pamandzi, sourire aux lèvres. Sous les tentes, le ton est plus sérieux mais toujours accessible : prévention, dépistage, conseils santé… tout est pensé pour informer sans faire peur. Le mot d’ordre de cette journée : bouger, bien manger, prévenir.
Apprendre à reconnaître les signes avant-coureurs
À l’intérieur des stands, les ateliers sont organisés pour apprendre à détecter les Accidents vasculaires cérébraux (AVC) et comprendre comment les prévenir mais surtout connaitre la maladie. C’est justement pour changer cela qu’Ali Taïwani, enseignant en activité physique adaptée au SSR (service de suite et de réadaptation), et son équipe ont choisi de placer cette deuxième édition sous le signe de la prévention. « Les gens ne savent pas qu’en bougeant un peu plus et en mangeant mieux, ils peuvent limiter le risque d’AVC », explique-t-il, insistant sur la nécessité de lever les peurs et les idées reçues qui entourent la maladie. Le jeune homme a également tenu à souligner que les personnes touchées peuvent se faire soigner sur le territoire. « On a des moyens à Mayotte, dans les services, on a des kinés qui sont là pour la rééducation à Mamoudzou, des ergothérapeutes, des psychomotriciennes. Ils vont prendre en charge ces gens-là dans les services. Suite à cela, s’ils sont rétablis, ils rentrent à la maison ». Il ajoute aussi pour les personnes qui auraient de fortes séquelles : « Il y a la suite chez nous au service de suite et de réadaptation qui se situe ici en Petite-Terre où on peut garder les personnes en général sur les périodes de deux à trois mois, le temps qu’il faut pour améliorer la qualité de vie et améliorer leurs capacités ».
Le premier atelier, animé par les équipes du CHM, visait à expliquer ce qu’est un accident vasculaire cérébral, à montrer les signes qui doivent alerter et rappeler les bons réflexes à adopter. Ils ont donc mis en place un mannequin pour montrer comment la maladie peut se former dans le corps et des brochures ont été distribuées pour que les visiteurs puissent en parler autour d’eux. Car sur l’île, près de 300 cas sont recensés chaque année, un chiffre élevé, et surtout des cas plus précoces qu’en métropole, parfois dès 40 ans au lieu de 73 ans, qui est l’âge moyen, et comme chaque maladie plus vite elle est soignée, mieux c’est. « Les patients arrivent souvent trop tard à l’hôpital, et c’est ce qui cause des séquelles lourdes, donc avec les stands on essaye de les sensibiliser à prévenir la maladie mais aussi à réagir au plus vite », souligne Ludivine Payot, ergothérapeute au CHM.
Sport adapté et immersion dans le quotidien post-AVC

Un peu plus loin, sous un autre chapiteau, on apprenait qu’il n’est pas nécessaire de courir pour “faire du sport”. « Beaucoup pensent qu’activité physique rime avec footing et ils n’aiment pas courir, alors que marcher, faire la cuisine, aller cultiver au champs, ce sont déjà des gestes qui comptent », explique El-Karim Abdou, enseignant en activité physique adaptée. Avec d’autres intervenants, il a cherché à déconstruire les idées reçues et à montrer que le plus important, c’est de bouger peu importe la forme. Pour cela, El-Karim Abdou a préparé des cartes de quizz ainsi que plusieurs images montrant différentes activités physiques locales. La clinique Uhaju proposait d’ailleurs plusieurs petits parcours pour tester l’équilibre, l’endurance et le renforcement musculaire. « Après un AVC, on doit réapprendre à bouger, à retrouver son corps », détaille Sonia Uwimbabazi, coordinatrice de la clinique. « Le but, c’est de redonner de l’autonomie aux patients, de leur permettre de refaire les gestes simples du quotidien ». Juste à côté, la Maison Sport Santé avait installé un atelier de sarbacane, un sport handisport utilisé ici pour travailler la respiration et la circulation sanguine. « Ça peut sembler ludique, mais c’est très efficace », raconte Mélanie Lebigre, chargée de mission. « Ça aide les patients à se remobiliser doucement et à retrouver confiance », ajoute-t-elle.

Dans le même esprit, Hassane Afaidine de la structure Profession sport et loisirs (PSL) Mayotte proposait un parcours interactif immersif dit « parcours moteur », où les participants se mettent à la place d’une personne post-AVC. Ils doivent enjamber des obstacles, faire un slalom et monter ou descendre des escaliers fictifs. « Pour nous c’est un parcours simple hyper facile mais pour les personnes qui ont été atteintes de cette maladie c’est tout un effort, car certains ne sentent plus une partie de leur corps et d’autres ont une baisse de la vue », explique le coach sportif. Pour simuler les séquelles, ils portent des poids au niveau de la jambes et des lunettes qui brouillent la vue, reproduisant la lourdeur et les troubles visuels que certaines personnes peuvent rencontrer après un accident cérébral. « C’est impressionnant de ressentir le poids et la difficulté à se déplacer », confie Faouzia Madi, venue tester le parcours. « On comprend mieux les séquelles et l’importance de la rééducation ».
Bien manger pour prévenir l’AVC

Non loin des parcours sportifs, le public pouvait s’arrêter au stand des diététiciennes du CHM. Roukyat Hamidou, Zineïda Mkidachi et Bashra Ousseni encadraient les visiteurs pour leur expliquer comment l’alimentation joue un rôle clé dans la prévention de la maladie. À l’aide d’activités ludiques telles que des cartes représentant des aliments, les participants devaient composer un repas équilibré tout en repérant les erreurs ou excès à éviter. « Beaucoup de patients ne savent pas comment bien manger pour réduire leur risque d’AVC », explique Roukyat Hamidou. Les conseils étaient concrets et adaptés au contexte local : diminuer la quantité de sel, limiter les matières grasses et privilégier des huiles de bonne qualité, comme l’huile d’olive, de coco ou de noix. Les professionnelles de santé ont également insisté sur la réduction des produits ultra-transformés, trop riches en sel, en sucre ou en graisses ajoutées. Pour les boissons, l’eau reste l’option principale, avec la possibilité de préparer des jus de fruits maison sans sucre ajouté.
Les participants réagissaient souvent avec étonnement, mais sans jugement. « La madame m’a appris comment faire des assiettes saines, et que boire du coca ou manger trop gras n’est pas bon pour la santé », confie Halima Souradje. Certains avaient déjà des notions, mais l’atelier permettait surtout de mettre en pratique et de comprendre concrètement le lien entre alimentation et risque d’accident vasculaire. Les visiteurs pouvaient repartir avec des flyers explicatifs et des astuces simples à appliquer au quotidien, chez eux, pour eux-mêmes et leur famille.
En plus de l’aspect sportif et nutritionnel il y’avait aussi du numérique. Le stand du GCS TESIS présentait le carnet de santé numérique « Mon Espace Santé ». Grâce à cet outil, tous les documents médicaux sont centralisés et accessibles aux professionnels de santé, facilitant le suivi des patients, notamment après un AVC. Faiz Ali, qui découvrait l’outil, témoigne : « Je ne connaissais pas le carnet de santé numérique, mais à ce stand ont m’a aidé à l’activer. C’est pratique pour suivre ma santé et celle de ma famille ». Les intervenants aidaient également les participants à créer leur compte sur place et expliquaient comment l’utiliser au quotidien. Une des professionnelle a tenu a souligné l’importance de ce dispositif. « C’est un outil très important et facile à utiliser. Pour l’activer, il faut juste avoir votre carte vitale ça prend cinq minutes. Ce carnet facilite la vie parce qu’il simplifie les interactions avec les médecins et même vous pouvez y ajouter des pathologies. Il peut aussi être nécessaire en cas d’accident pour savoir si vous êtes allergique à une médicament par exemple », conclut-elle.
Des élèves du lycée de Petite-Terre en classes de seconde et de terminale, issus d’une section journalisme, étaient également présents. Ils ont suivi les ateliers, pris des notes et des photos pour réaliser un reportage sur le sujet. Une des lycéennes a partagé son expérience : « J’ai appris que l’AVC peut-être provoqué par plein d’autre maladies comme le diabète, l’hypertension… du coup faire du sport et manger sainement peut aider par rapport à la maladie ». La matinée s’est clôturée sur une note musicale, avec une séance de fitnesse collective rassemblant participants et personnels de santé.
Shanyce MATHIAS ALI.


