Voilà donc la grande mobilisation générale tant attendue et confirmée avec faste, par Philippe Vigier, lors de sa dernière visite ministérielle sur le territoire du 101ème département français qui tire quelque peu la langue au regard de cette sécheresse qui n’en finit guère. Quelques timides gouttes çà et là ont fait leur apparition depuis ce début du mois de novembre mais rien de bien probant allant dans le sens de l’hydrique rémission et les retenues collinaires, depuis quelque temps déjà, offrent un spectacle plutôt désolant bien plus proche de la désertique aridité que de la verdoyante oasis ( taux de remplissage annoncé lors dernier rapport Cons’Eau du 13/11/2023 : 6,8% pour Combani et 5,8% pour Dzoumogné ). Caribou donc au Sahara mahorais où les regards sont plus que jamais tournés vers le ciel et Météo France !
Bien que son empreinte carbone soit quelque peu discutable au regard de la densité rapprochée de ses allers-retours aériens, s’il y a bien quelque chose que l’on peut reconnaitre à ce nouveau ministre délégué aux Outre-mer, c’est le souci de l’efficacité concrétisée. Elisabeth Borne l’avait annoncé en octobre dernier, Philippe Vigier l’a indirectement fait acter ce lundi à raison d’un litre d’eau en bouteille par personne et par jour.
Dans le calme et la patience
Il n’est pas encore 9h et quelques personnes se présentent déjà au niveau du petit chapiteau éphémère installé derrière la mairie de Ouangani. Certaines d’entre elles s’étaient enregistrées la semaine passée et d’autres arrivent plus ou moins armées de leurs divers justificatifs en vue de décrocher le fameux sésame : la carte de distribution des bouteilles d’eau. Le concept est simple : pas de carte, pas d’eau ! Monsieur M. vient s’inscrire mais il n’a sur lui ni justificatif de domicile ni livret de famille et/ou acte de naissance confirmant le nombre d’enfants qu’il déclare; il devra donc revenir dans la journée s’il en a le temps; dans tous les cas, la priorité de distribution est donnée à ceux qui possèdent déjà leur carte et qui ont fait le nécessaire en amont.
En somme, la loi de la queue ! Déjà près de 200 personnes sont attendues ce jour rien que pour le village chef lieu. En effet, la commune a fait le choix de dispatcher ses points de distributions en ses 3 localités que sont Ouangani, Barakani et Kahani. Une logistique qui n’est pas une mince affaire sachant que les premiers milliers de litres d’eau sont stockés dans des containers au niveau du CCAS du village voisin. « Tous nos agents techniques sont mobilisés et nous avons même demandé aux personnels administratifs de venir en renfort sur les points de contrôle ou d’enregistrement. On assure l’état civile minimum au sein de la mairie mais pour le reste, tout le monde est sur le pont pour ce lancement d’opération et cela représente beaucoup de logistique et de manutention », nous indique Ibrahim Tounga, directeur général adjoint en charge du pôle aménagement. Si l’affluence est encore timide, c’est que la livraison des 2 containers était attendue plus tard; pourtant elle a eu lieu hier, dimanche 19 novembre et un 3ème se veut même déjà en route.
En plus de la trentaine d’agents, ce sont donc les personnels du CCAS, de Maison France services, des contrats Parcours emploi compétence (PEC) mis à disposition par la préfecture et l’ARS de Mayotte qui viennent gonfler les rangs aux côtés de 5 jeunes détachés du RSMA, en charge du dépotage, du chargement des camionnettes navettes et de la distribution à la population sur Barakani. En ce point névralgique justement, c’est un peu plus la course et le bouche à oreille fait vite son effet. Ici, on gère aussi pour les 2 autres villages en plus du cheminement classique.
L’affluence est légèrement plus conséquente mais tout se passe dans le calme et avec une certaine fluidité. Du côté de Kahani, la file d’attente est déjà un peu plus impressionnante et nombreuses sont les personnes à attendre. Pas de camions ni de bouteilles d’eau en vue et pour cause, en à peine 1 heure, ce sont déjà 552 packs qui ont été distribués. On attend donc massivement la 2ème tournée. Il est principalement question de femmes, à pieds et pour les plus chanceuses aguerries, la brouette de circonstance les accompagne. À 11h, il est annoncé que le 1er container est déjà vide…
Du presque 2 en 1
Il va sans dire que le précédent dispositif qui avait été mis en place en fin septembre dernier, et qui ciblait exclusivement les publics fragiles et éligibles, s’en est allé. Exit donc les 2 litres par jour et par personne dédiés aux 50 000 bénéficiaires et tout le monde se voit logé à la même hydrique enseigne. Une compréhensible légitimité au regard de la masse logistique globale que tout cela représente.
On conscientise et c’est (presque) non négociable
Concernant cette démultiplication pharaonique du contenant plastique qui s’abat désormais en masse en notre petite et insulaire contrée, à raison de 3 à 7 bouteilles (en fonction de leur capacité initiale de litrage) pour/par, au minima officiel et hebdomadaire, 310 000 habitants, on image aisément les potentielles pyramides de ces dérivés de pétrole finissant leur course dans notre lagon. Pour prévenir ce KO écologique et ajouter une énième crise à celles déjà existantes, les municipalités se mobilisent avec fermeté. Ici, à Ouangani, un container est justement dédié à la récupération des bouteilles vides. « Nous avons 2 options pour l’évacuation de tout ce plastique. La première qui était déjà en place en lien avec le tri sélectif propre au précédent dispositif de distribution d’eau justement. En gros, lorsque nous commençons à avoir beaucoup de sacs remplis, nous appelons les équipes de Citeo pour qu’elles viennent les récupérer. La seconde et nouvelle option est la mise à disposition par roulement de containers exclusivement dédiés au stockage des bouteilles vides qui nous seront ramenées. Si une bouteille manque, cela sera un litre en moins fourni à la prochaine distribution. Dans l’ensemble, les gens jouent bien le jeu » nous explique Tawabou Madi, conseillère au CCSA de Ouangani.
Deux salles, deux ambiances
Du côté de la commune de Sada, les festivités du jour se sont centralisées au village de Mangajou et niveau organisationnel, rien à dire; c’est du carré de chez carré ! Le point d’enregistrement se voulant volontairement différent de celui du pointage et de la distribution. Sur le parking attenant au plateau sportif, c’est un peu un concept de drive sous l’efficiente régulation des services de la police municipale et notamment des agents de surveillance de la voie publique (ASVP). À l’exclusive manutention, pas de personnels techniques de la mairie mais 5 jeunes volontaires du RSMA qui ne chôment pas. Les voitures s’enchainent, les coffres s’ouvrent, le chargement est réactif. Dans l’immédiat, pas de populaires files d’attente et de brouettes à l’horizon; l’ambiance est un peu plus huppée. Les autres villages de la commune, dont Sada même d’ailleurs, commenceront leur distribution à partir de ce mardi 21 novembre.
MLG