Après quelques minutes d’entretien, Antuya Saïd, 26 ans, a le sourire aux lèvres. La jeune femme, originaire de Dzoumogné, vient d’obtenir une place en formation pour devenir agente de propreté et d’hygiène, un soulagement pour elle. Mère de quatre enfants, et demandeuse d’emploi elle enchaînait les petits boulots pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. « Je suis très contente, jusqu’à présent je tournais en rond chez moi à la maison, je me sens mieux », se réjouit-elle.

Suite à une formation d’assistante de vie aux familles, et un service civique dans l’accompagnement scolaire, Antuya n’avait pas trouvé d’emploi, cette fois-ci elle espère que cette formation sera la bonne. « Avec mes enfants qui grandissent je ne peux me permettre de choisir mon travail, je prends ce qui est possible pour moi. Je me suis dit qu’avec mon expérience, la propreté et l’hygiène est un secteur dans lequel je peux trouver ma place ».
C’est la première fois qu’elle participe à un tel forum, habituellement elle démarche directement les entreprises dans l’espoir d’obtenir une réponse qui ne vient que très rarement.
Un forum inédit par son format et sa taille
Briser ce cercle, qui entraîne une sortie du « système » de la part de nombreuses personnes, c’est tout le but de ce forum, organisé et financé par France Travail dans le cadre du programme « Mayotte Debout ». En rassemblant tous les acteurs, centres de formation, conseillers France Travail, et demandeurs d’emploi, l’idée est de réduire les délais de traitement des dossiers et de faire entrer un maximum de participants en formation le jour même.

Avec la présence de 7 centres de formation, proposant 15 offres qualifiantes dans des secteurs clés, notamment pour la reconstruction du territoire, comme le bâtiment, le transport et la logistique, le social et le médicosocial, la télécommunication et la transition écologique, les places sont nombreuses. L’objectif est de montrer que dans ces domaines il y a une forte demande des entreprises, prêtes à recruter et que c’est le moment de suivre une formation dans les prochains mois.
« C’est une première de cette envergure et dans ce format là. Une fois la matinée terminée on pourra déjà identifier le nombre de sessions de formation qu’on va ouvrir, c’est énorme ! », s’enthousiasme Gabrielle Kuola, directrice du partenariat de la transformation et du développement de compétence à France Travail Mayotte, qui remercie la Communauté des agglomérations du Grand Nord (CAGNM), la Mission locale, le Conseil départemental, Akto le Carif-Oref et le RSMA, partenaires du forum.
« Le territoire du Grand Nord compte près de 50.000 habitants. Parmi eux, environ 80 % des jeunes sont non-formés et résident dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville, il faut saisir toutes les opportunités pour les accompagner et favoriser leurs insertions », insiste Toumbou Saindou, chargé de la culture, du patrimoine et de l’animation au sein de la CAGNM.
Du concret pour rompre le sentiment d’abandon

Une opportunité encore trop rare dans le nord du territoire, souligne Anli, qui se définit comme un grand-frère au sein de la commune et qui est venu avec un groupe d’une dizaine de jeunes pour participer au forum. « Certains jeunes ici sont exclus de la société très tôt car ils n’ont pas d’accompagnement adéquat. Dès l’école les conditions scolaires ne sont pas optimales, les redoublements ne sont pas tolérés, ensuite sur le marché du travail il arrive que le nom du village d’origine joue sur les embauches. Petit à petit cela créer un sentiment d’abandon chez la jeunesse », analyse Anli. « Un sentiment qu’il est ensuite difficile de surpasser et la plupart ne croient pas qu’il existe des débouchés pour eux. Le manque de confiance fait qu’ils ne se projettent pas ».
« Aujourd’hui je leur explique que ce forum c’est du concret, que les entreprises sont prêtes à les accueillir », poursuit Anli. « Au-delà de l’insertion, ce genre d’initiative joue un rôle de prévention. Si des jeunes de Dzoumogné ou Bandraboua deviennent chauffeurs de bus, par exemple, cela peut prévenir la violence et montrer qu’ils peuvent réussir. Ils deviennent un exemple pour les autres jeunes ».

Après avoir postulé aux formations, certains demandeurs passent des tests de français, mathématiques et autres compétences pour valider leur candidature. Certains ne sont pas retenus et sont guidés vers les conseillers France Travail pour trouver des solutions adaptées. « 40 % des personnes reçues ont obtenu une formation. Pour les autres, nous essayons de les orienter vers des stages de remise à niveau ou des immersions afin qu’ils puissent l’obtenir la prochaine fois », explique Moinahmis Attoumani, conseillère à l’agence de Combani.
Au volant d’un chariot élévateur, mobilisé pour le forum par le centre de formation Mayotte Formations Pro, Kyliane Ahmed, 21 ans, manœuvre sur le parking à côté des stands. Le jeune homme sans emploi, s’imagine travailler dans la logistique. « Après un contrat d’insertion à la mairie de Sada, il n’avait pas trop d’idée, ce n’est pas simple de trouver un travail mais j’espère qu’il obtiendra sa formation, ça l’air de lui plaire », se réjouit sa mère en le filmant.
Tous deux sont venus exprès de Sada pour participer au forum, signe que ces évènements sont très demandés à travers le territoire. Dans quelques mois France Travail a prévu d’organiser un forum similaire, cette-fois ci dans le Sud de Mayotte.
Victor Diwisch