Les messages de vigilance jaune Fortes pluies et les ondées de ces derniers jours nous ont redonné le moral et permis de croire que c’était possible, oui, notre territoire peut de nouveau être arrosé ! Une nouvelle quasiment stratégique dans cette période de pénurie d’eau. Et les prévisions de Floriane Ben Hassen, Responsable du Centre Météo France de Mayotte, restent bonnes. Actuellement, nous ne sommes pas encore au début de la saison des pluies, notre meilleur ami du moment s’appelle « dipôle de l’océan Indien ». Petit coup de chapeau pour les prévisions établies au mois d’août, date de notre dernier point météo, elles se sont avérées plutôt fidèles à la réalité.
Il pleut de nuit et de jour depuis la semaine dernière. Des nuages généreux annonciateurs de la saison des pluies ?
Floriane Ben Hassen : Non, nous sommes dans une intersaison en ce mois de novembre, mais il n’y a pas encore de flux de mousson. Les pluies que nous avons eues sont liées à un contexte climatique global qui provoque des phénomènes convectifs*. Qui prend deux formes : les pluies diurnes, de jour, conséquences du réchauffement de la terre, et les orages qui se déploient au large des côtes malgache, c’était le cas des pluies de la nuit. Mais elles ont été moins intense que prévues car c’est le type de précipitations le plus difficiles à prévoir. Après leur formation à l’Est de notre île, elles peuvent se décaler au Nord ou au Sud, d’où les avis de vigilances un peu au dernier moment. C’est ce qu’on va connaitre demain et après-demain.
Les prévisions sont-elles toujours bonnes pour le mois de novembre ? Le début de la saison des pluies avait été annoncée pour mi-novembre.
Floriane Ben Hassen : Les probabilités, qui nous servent de base de travail sur les modèles à grande échelle, montrent un mois de novembre plus favorable que la normale sur l’archipel des Comores, il est plus humide. Pour autant, nous n’avons pas encore de vision du flux de mousson (qui marque la saison des pluies, ndlr) car le dipôle** de l’océan Indien est encore trop puissant. Tant qu’il sera fort, nous n’aurons pas de descente et de formation de la Zone de Convergence Intertropical, également appelé talweg de mousson qui lance la saison des pluies. Le dipôle doit logiquement diminuer courant novembre pour laisser la place au kashkazi (vent de mousson de Nord-Ouest, ndlr).
Je précise que si sur les prévisions de la semaine, nous utilisons un modèle déterministe, de résolution d’équations, sur le mois nous travaillons sur des probabilités. Ce ne sont donc que des prévisions.
Pour l’instant, nous connaissons un mois de novembre plus arrosé que la normale, non ?
Florien Ben Hassen : Oui, même si nos 11 pluviomètres donnent une tendance contrastée. Rien que sur les 5 premiers jours du mois, on enregistre sur Combani et Coconi 45% de précipitations en plus que la normale sur l’ensemble des mois de novembre précédents, et sur Dzoumogne, 30%. Par contre, la façade Est est moins arrosée.
Les instruments sont répartis sur l’ensemble du territoire ?
Floriane Ben Hassen : Non, des zones ne sont pas couvertes, c’est le cas de Sada, Mtsangamouji et la baie de Chirongui. Nous allons déployer d’autres pluviomètres pour un meilleur maillage du territoire.
La tendance à trois mois donne-t-elle toujours des précipitations plus abondantes que la normale ?
Floriane Ben Hassen : Nous allons l’actualiser la semaine prochaine, mais nous avons toujours une anomalie humide sur le Nord du Canal du Mozambique pour les mois de novembre, décembre et janvier.
Du côté des températures, tous les habitants se plaignent de la chaleur. Par le passé, les records furent nombreux. C’est toujours le cas ?
Floriane Ben Hassen : En effet, les températures sont plus élevées que la normale. Ce fut le cas de mai à juillet, et depuis, nous n’arrêtons pas de battre des records. Ces mois de septembre et octobre furent les plus chauds jamais enregistrés à Mayotte. En octobre, les températures étaient de 2 degrés supérieures aux normales, nous sommes sur des moyennes mensuelles de 28,6°.
Par rapport à des normales qui intègrent elles-mêmes les hausses de ces dernières années !…
Floriane Ben Hassen : Oui, ce sont les températures de 1991 à 2020. Un débat est d’ailleurs mené sur le plan national sur l’intégration des températures pré-réchauffement climatique ou pas.
Des températures hautes qui provoquent à la fois une accélération de l’évaporation des masses d’eau mais donc aussi, la formation de nuages ?
Floriane Ben Hassen : Ces chaleurs accentuent les phénomènes convectifs, engendrant en effet des précipitations, mais l’évapotranspiration est dommageable chez les humains, comme pour les animaux ou les végétaux qui souffrent.
En conclusion de cet entretien, si les pluies sont susceptibles de recharger les rivières et les retenues collinaires, l’apport peut s’évaporer dans les jours qui suivent. Notre salut viendra alors des nappes aquifères souterraines, qui se rechargent par infiltration, et qui sont exploitées par des forages.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
*Transfert d’énergie qui dans ce cas voit la chaleur s’évaporer et se transformer en nuages
** Différence de température de surface de la mer entre l’Est et l’Ouest de l’Océan Indien