« Nous avons un volcan exceptionnel », des étudiants de Mayotte à bord du Marion Dufresne pour observer le Fani Maoré

Quatre étudiants de Mayotte participent à la 33ᵉ campagne scientifique MAYOBS du REVOSIMA, à bord du navire Marion Dufresne. Depuis 2019, la mission scrute le volcan sous-marin Fani Maoré, à l’origine de séismes fréquents sur le territoire, en collectant des données sur le fond marin et la colonne d’eau. Une immersion unique qui leur permet de découvrir concrètement le travail des chercheurs et l’importance de mieux comprendre l’activité volcanique de l’archipel.

« Ça va de mieux en mieux, mais au début, j’avais le mal de mer  », confie Aboubacar Abeine, le sourire aux lèvres. Étudiant en troisième année de licence Histoire-Géographie Aménagement du Territoire à l’Université de Mayotte, ce jeune homme de 22 ans fait partie des quatre étudiants de l’île embarqués à bord du navire océanographique Marion Dufresne pour participer à la 33ᵉ campagne scientifique MAYOBS, coordonnée par le REVOSIMA, le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte.

Prélèvement du fond marin, mesure des paramètres de l’eau, un suivi en direct

Faymida Mouhoussouni, originaire de Kani-Bé et Aboubacar Abeine de Mtsahara, 22 ans tous les deux.

Depuis mai 2019, cette mission étudie l’activité volcanique et sismique autour de l’archipel, en se concentrant particulièrement sur le volcan sous-marin Fani Maoré, situé à une trentaine de kilomètres de Petite-Terre. À bord du Marion Dufresne, navire polyvalent à la fois ravitailleur pour les îles subantarctiques françaises et plateforme scientifique pour des campagnes océanographiques, plus d’une trentaine de chercheurs récoltent des données sur le fond marin et la colonne d’eau. Cette année, la mission se concentre dans la zone du « Fer à Cheval », entre Petite-Terre et le volcan. Une tâche ardue puisque certains instruments de relèves sont situés entre 1.500 et 3.500 mètres de profondeur.

Ce dimanche 5 octobre, place de la République à Mamoudzou, à l’occasion de la journée nationale de la résilience, l’équipage a fait escale pour présenter l’avancée des recherches et sensibiliser le grand public. Ce bref retour sur terre fait du bien à Aboubacar, mais le jeune homme, qui rêve de devenir cartographe après ses études, apprend beaucoup à bord et attend déjà avec impatience de retrouver le navire pour poursuivre sa mission.

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La CTD Rosette, la sonde qui permet de recueillir des échantillons d’eau et de mesurer leurs paramètres sur différentes profondeurs.

« À l’intérieur du navire, tout est bien organisé. La journée est divisée en tranches horaires de quatre heures et les scientifiques se relaient pour récolter les données. J’ai pu participer à plusieurs opérations, comme le dragage ou la CTD Rosette, pour prélever la colonne d’eau sur la profondeur », explique-t-il.

Le dragage permet de récupérer des organismes et des sédiments du fond marin afin de les étudier, tandis que la « CTD », une grande sonde plongée dans la mer, fixée à un cadre en métal appelé « Rosette », permet de recueillir des échantillons d’eau à différentes profondeurs tout en enregistrant des paramètres physico-chimiques comme la température et la salinité. Ces données sont essentielles pour suivre l’activité volcanique et sismique ainsi que pour comprendre l’environnement marin autour du volcan et notamment le gaz qui s’en échappe.

« Les gens ne doivent pas avoir peur de se lancer dans la science »

« Quand je suis arrivée sur le bateau je me demandais comment ils font pour obtenir toutes ces données précises ? Comment font-ils par exemple pour mesurer le relief de la mer ? Je suis fascinée par tous ces instruments », raconte Faymida Mouhoussouni, 22 ans, originaire de Kani-Bé, étudiant en 3ème année de licence en Sciences de la Vie.

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L’intérieur du Marion Dufresne qui peut accueillir plus d’une centaine de personnes sur 9 ponts différents. Les étudiants vivent sur le bateau toute la durée de la mission, jusqu’au 15 octobre.

« Souvent à Mayotte quand je dis que je m’intéresse à la science, on me signale que c’est contraire à la religion. Mais les gens ne doivent pas avoir peur de se lancer dans la science, ce n’est pas du tout contraire. La science permet de dire comment les choses fonctionnent, ça ne dit pas que c’est Dieu ou ce n’est pas Dieu », insiste Faymida, qui rappelle qu’à Mayotte une légende locale explique l’activité sismique par la présence d’une vache sous la surface qui, en bougeant ses longues cornes, provoquerait des secousses à travers l’archipel.

« Après mes études mon but est de travailler dans l’enseignement pour donner envie aux élèves de se lancer dans la science, pour transmettre cette envie aux plus jeunes », poursuit la jeune femme. « Nous avons un volcan exceptionnel à Mayotte !« .

Malgré leur observation directe de l’activité volcanique à bord du navire, Aboubacar et Faymida confient qu’ils ne craignent pas les séismes. « Depuis qu’on est tout petit on voit des fissures sur les maisons, sur les bâtiments, comme au Lycée du Nord », se rappelle Aboubacar.

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Une maquette de Mayotte et des fonds marins adjacents, avec le Fani Maoré en rouge.

« C’est sûr qu’on y pense, car on n’a pas de maisons construites pour résister aux fortes secousses », répond Faymida, « mais à Mayotte on n’est pas exposé aux mêmes gros séismes qui peuvent arriver au Japon, donc ça va », constate-t-elle.

En effet, l’île n’est pas située sur une zone de subduction majeure, ce qui limite la magnitude des séismes. Le principal danger reste le volcan sous-marin récemment formé, découvert en 2018, la possibilité de tsunamis locaux en cas de glissement de terrain sous-marin, et donc aussi éventuellement l’émanation de gaz. Un dernier point qui retient toute l’attention des chercheurs.

Une mission pour surveiller les émanations de gaz

« Le gaz s’échappe de zones de stockage du magma situées entre 15 et 50 km de profondeur à Mayotte, c’est en quelque sorte la respiration du volcan. On cherche à surveiller si cette respiration s’emballe. En 2018, il n’y avait pas de panage de CO₂ sur la zone du Fer à Cheval, désormais il y en a. On est passé de deux à 23 sites actifs en 2024 », détaille Jean-Christophe Komorowski, responsable scientifique des Observatoires volcanologiques et sismologiques au REVOSIMA. « Contrairement aux émanations de gaz terrestres, qui peuvent être dangereuses, ces gaz sous-marins restent pour le moment stables et faibles. Nous sommes bien en dessous des situations qui seraient problématiques », précise-t-il.

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Isabelle Thinon, chercheuse au Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) qui a joué un rôle clé dans la découverte du Fani-Maoré et Jean-Christophe Komorowski, responsable scientifique des Observatoires volcanologiques et sismologiques au REVOSIMA.

Concernant les séismes, il souligne l’importance des témoignages de la population en cas de secousses, qui permettent de mieux comprendre et suivre le phénomène via le site France Séisme. Les instruments endommagés par le cyclone Chido – séismomètres, capteurs de déformation, GPS et stations sur les îlots – sont actuellement en cours de réparation, de même que la plateforme du lac Dziani. « Malgré les dégâts, nous n’avons jamais perdu le signal sur l’activité sismique. Le glider (robot d’exploration) a été placé en profondeur et protégé », ajoute-t-il.

Pour les scientifiques et les quatre étudiants, Faymida, Tristan, Philippe et Aboubacar, la mission, commencée le 25 septembre dernier, se poursuivra jusqu’au 15 octobre. Une vidéo récapitulative de leur expérience sera publiée après leur retour, pour permettre de découvrir leur immersion à bord du Marion Dufresne.

Victor Diwisch

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