Des lieux-communs, des perles, des non-dits, depuis son stand place de l’ancien marché à Mamoudzou, la directrice du Centre d’Information des Droits des femmes et des Familles (CIDFF) en collectionne à la pelle. Laoura Ahmed nous livre une kyrielle de situations, qui s’avèrent être au final autre chose que de l’absence d’information en cette Semaine de la contraception : « Une jeune fille est venue nous dire que son copain ne voulait pas mettre de préservatif, ‘t’inquiète, je me retirerai au dernier moment’, ce qui ne fut évidemment pas le cas. La voyant inquiète le lendemain soir, il l’invite à passer dans son collège pour voir l’infirmière et prendre la pilule du lendemain. Elle y est allée le lundi pour un rapport qui a eu lieu le jeudi… »
Et dans ce cas, tous les conseils des personnes âgées ne sont pas non plus bons à prendre, « nous, on n’en parlait pas. On était consentante et puis voilà ».
Une femme est arrivée au stand en lui faisant part de son inquiétude, « ‘j’ai un stérilet, mais pourtant, je n’ai plus mes règles, je pense que je peux l’enlever, je ne crains plus rien, je dois être ménopausée’. Je l’ai aussitôt envoyée voir le stand des sage-femmes de la PMI ». Les cas s’additionnent, « une femme qui portait un implant contraceptif était persuadée qu’on lui diffusait du poison. »
Les femmes doivent s’attendre à tout
Pour Laoura Ahmed, tout se joue au sein du couple, « certains maris remplacent la pilule de leur femme par d’autres comprimés, parce qu’ils estiment que la décision d’enfanter ou pas leur revient, que cela touche à leur masculinité ». On atteint un phénomène de société qui s’il s’essouffle quelque peu est encore prégnant, assure-t-elle : « Une femme est venue nous expliquer que sa maman a été contactée par son mari parce qu’elle lui demandait de se protéger. ‘Vous êtes d’accord avec votre fille ?!’, l’a-t-il interpellée. Certains hommes veulent encore tester la fécondité de leur femme avant de se marier. Ils veulent maitriser le sujet, ne veulent pas que leur femme ait leur mot à dire ».
De ce constat, nous l’avons interpellé sur la nécessité de sensibiliser aussi les milieux d’hommes, en entreprise ou dans les collectivités. « Nous l’avons fait chez TotalEnergies sur les violences sexistes, ils ont répondu, ‘si les femmes font des métiers d’hommes, il faut qu’elles s’attendent à ce qu’il y ait des gestes déplacés’, et au conseil départemental, mais là, ce sont surtout des femmes qui sont venues. »
Le CIDFF intervient dans les établissements scolaires du secondaire surtout. « Nous expliquons que tous les rapports sexuels doivent être consentis avant et pendant, par l’homme et la femme. Et qu’une femme peut dire je ne veux plus, il faut la respecter. Et la maternité doit être consciente, pas accidentelle. Elle doit être choisie par les deux, on doit pouvoir appuyer sur un bouton ON et OFF. Pour avoir des enfants ou pas. Sans cela, les grossesses peuvent être rapprochées, on n’a plus le temps de s’occuper des enfants ».
Chatouiller les mentalités
Et à Mayotte, dans un cas sur trois, le mari va quitter le domicile puisqu’un tiers des familles est monoparentale à Mayotte, c’était en 2017. Et 38.000 enfants mineurs vivaient dans une de ces familles monoparentales. (INSEE) « Alors que l’exercice du droit parental doit être exercé par le couple. »
Sur un territoire où les enfants sont un défi, dans leur prise en charge comme pour leur avenir, et où les chatouilleuses et leurs descendantes revendiquent de forger le destin de l’île, le combat du changement de mentalité est encore à mener. « Une assistante sociale qui passe dans les familles pour informer les femmes de leurs droits, a été pointée du doigt dans son village, ‘c’est toi qui dis à ma fille de décider de sa maternité ?!’ ».
Laoura Ahmed continue à se battre pour que « les femmes aient la maitrise de leurs corps, de leur fécondité et de la maternité ».
La dizaine de stand présents sur la place de l’ancien marché propose différentes formes de sensibilisation. Des jeux comme le Chamboul’tout avec certaines boites « à question », sur la contraception pour Santé Sud du Groupe SOS, ou chez EVARS (Mlézi Maore, groupe SOS), un jeu du type petits chevaux, avec des pions en forme de trompes ou de stérilets, qui enchaine sur des questions-réponses, « quelle est la meilleure contraception pour les hommes ? », ou « Que dois-je faire si j’ai oublié de prendre la pilule ? ».
Ce sont essentiellement des visiteuses qui se sont rendues sur la place de l’ancien marché. Un changement de sensibilisation s’impose en direction de la gent masculine.
Anne Perzo-Lafond