Dans un communiqué diffusé le dimanche 21 septembre, le syndicat SUD éducation Mayotte répond à une lettre de la rectrice de l’académie de Mayotte, Valérie Debuchy, adressé aux chefs de services, chefs d’établissements, inspecteurs d’académie et directeurs et directrices d’établissements, le 28 août dernier. Le courrier, rappelait le devoir de réserve en période électorale qui s’applique aux agents de la fonction publique.

« Son objectif est de s’assurer qu’aucun fonctionnaire ou agent public ne fera usage de sa fonction à des fins de propagande électorale », relevait la rectrice dans le courriel. Valérie Debuchy demandait aux agents de faire « preuve de réserve », sur la communication, la neutralité des locaux, le comportement au sein des établissements, mais surtout elle indiquait que les agents publics doivent éviter les prises de position trop marquées, « en dehors du service ».
Le syndicat questionne le caractère intimidant du courrier
Un dernier point qui a particulièrement éreinté le syndicat. « Nous est-il interdit d’exprimer des opinions politiques en dehors de nos établissements scolaires ? », questionne-t-il. « Elle nous demande d’éviter les prises de position trop marquées sur les réseaux sociaux. Elle assure : Une simple publication, un « like » ou un partage d’information, peuvent suffire à créer une confusion entre ses convictions personnelles et sa fonction publique », continue le syndicat.
Ce dernier insiste, « il n’existe aucun texte interdisant aux fonctionnaires d’exprimer des opinions politiques hors de leur lieu de travail ». Le syndicat utilise ensuite l’article L111-1 du code général de la fonction publique qui dispose que, « la liberté d’opinion est garantie aux agents publics », pour appuyer son argumentation.
« Notre rectrice voudrait-elle intimider tous nos collègues en cette période de campagne pour les élections municipales ? Nous lui demandons de retirer publiquement ce paragraphe illégal », lance le syndicat. « À Sud-éducation, nous rappelons également que le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie ne sont pas de simples opinions politiques. Toute expression (publique ou privée) raciste, antisémite ou xénophobe reste punie par la loi. Mais ça n’a rien à voir avec le « devoir de réserve en période électorale », titre du courrier de la rectrice« .
Que dit le droit ?

En France, les agents publics bénéficient d’une liberté d’opinion garantie par l’article L111-1 du Code général de la fonction publique (CGFP). Cela signifie qu’ils ont le droit de former et d’exprimer des convictions politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques, y compris en dehors de leur service. Cette liberté doit cependant se concilier avec certains principes fondamentaux de la fonction publique, comme la neutralité, la dignité et la loyauté, tels que rappelés par l’article L121-1 du même code. Ces obligations s’appliquent strictement dans l’exercice des fonctions de l’agent.
Hors service, les agents publics peuvent adhérer à un parti politique, participer à des activités syndicales ou associatives, se présenter à des élections et exprimer leurs opinions dans la sphère privée ou publique, y compris sur les réseaux sociaux.
Le devoir de réserve, tel qu’énoncé dans les articles L. 312-1 et L. 312-2 du CGFP, concerne uniquement le comportement dans l’exercice des fonctions et impose aux agents de respecter la neutralité et de ne pas instrumentaliser leur fonction à des fins politiques. Les guides et fiches de la DGAFP, comme la fiche sur les droits et obligations des agents en période électorale ou le Guide de l’encadrant sur l’usage des réseaux sociaux, donnent des recommandations pratiques pour éviter toute confusion entre rôle public et opinions personnelles, mais ces documents n’ont pas de valeur légale contraignante. Aucune loi ne permet à l’administration d’interdire ou de sanctionner l’expression d’opinions personnelles en dehors du service.
Les agents publics doivent donc respecter la neutralité lorsqu’ils exercent leurs fonctions, mais ils conservent leur liberté d’expression politique dans leur vie personnelle et sur les réseaux sociaux, même pendant les périodes électorales. Ainsi, les paragraphes du courrier de la rectrice invitant notamment à « éviter les prises de position trop marquées sur les réseaux sociaux », relèvent d’une interprétation ou recommandation, mais n’ont pas de fondement juridique contraignant.
Victor Diwisch