Pauvreté, chômage et isolement freinent l’avenir des jeunes à Mayotte, alerte le COJ

Le 11 juillet 2025, le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) a adopté un rapport intitulé "Jeunes d’Outre-mer : garantir l’égalité des chances pour tous", qui dresse un état des lieux précis des inégalités persistantes rencontrées par les jeunes ultramarins et propose des solutions concrètes pour y remédier. La situation à Mayotte y est jugée particulièrement préoccupante.

Le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) a adopté, le 11 juillet 2025, un rapport intitulé « Jeunes d’Outre-mer : garantir l’égalité des chances pour tous », qui dresse un état des lieux précis des inégalités rencontrées par les jeunes ultramarins. Ce travail s’appuie sur la consultation de 2.653 jeunes, des auditions d’acteurs de terrain et les réflexions collectives des membres du Conseil.

Un rôle de conseil auprès du Gouvernement

Créé par décret le 12 octobre 2016, le COJ a pour mission de coordonner, évaluer et proposer des politiques publiques adaptées aux jeunes de 16 à 30 ans. Placée auprès du Premier ministre, l’instance rassemble 108 membres issus de huit collèges : État, collectivités territoriales, jeunes et organisations de jeunesse, associations et mouvements d’éducation populaire, insertion des jeunes, partenaires sociaux, membres associés et personnalités qualifiées.

Le Conseil conseille le Gouvernement sur les projets législatifs ou réglementaires relatifs à la jeunesse, à l’éducation populaire et à l’insertion, et peut proposer des mesures de sa propre initiative pour améliorer les politiques en faveur des jeunes.

45 % des jeunes ultramarins font face à des difficultés d’accès à l’emploi

Le COJ est une commission administrative consultative placée auprès du Premier ministre. Elle est chargée de créer de la cohérence et de la transversalité dans les politiques publiques concernant les jeunes.

Dans le rapport adopté le 11 juillet dernier, le COJ a identifié quatre axes principaux d’action : l’éducation et la formation, le développement économique et l’emploi, la mobilité, ainsi que l’amélioration des conditions de vie, notamment l’accès au logement, aux services numériques et à la santé mentale.

Sur l’ensemble des Outre-mer les résultats montrent que beaucoup de jeunes trouvent des formations adaptées (77 %), mais plus de la moitié rencontrent des freins liés au coût, à l’offre limitée, au logement ou à la mobilité. Les stages en entreprise sont fréquents (86 %), mais souvent difficiles à obtenir.

Pour l’emploi, 45 % des jeunes font face à des difficultés d’accès à l’emploi, surtout à cause d’une offre insuffisante ou d’un manque de qualification. Près d’un sur cinq déclare avoir subi des discriminations liées à son origine ultramarine.

Côté mobilité, la majorité des jeunes ultramarins n’a jamais eu d’expérience de mobilité vers l’Hexagone, sauf en Guadeloupe. Ceux qui partent le font surtout pour les études. Seuls 34 % utilisent les aides disponibles, notamment via la LADOM, encore trop peu connues.

43 % des jeunes interrogés déclarent avoir des difficultés à se loger, en raison du coût trop élevé du logement (39,4 %), des difficultés d’accès au logement social (31,4 %) et du manque d’offre disponible (28,5 %). Par ailleurs, 26 % rencontrent des difficultés pour accéder aux soins, principalement dues au manque de professionnels de santé (plus de 30 %), au coût des soins (19,7 %) et aux délais d’attente (19,1 %).

Mayotte : une situation alarmante

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Les difficultés d’accès à l’emploi selon les jeunes interrogés à travers les Outre-mer (COJ).

Le rapport met en évidence la situation particulièrement préoccupante des jeunes à Mayotte, confrontés à l’isolement géographique, à des conditions de vie précaires et à un accès limité aux services essentiels. Le taux de pauvreté des moins de 30 ans dépasse 70 %, et plus de la moitié de la population a moins de 18 ans. Le chômage des 15‑24 ans atteint 59 %, contre 18,7 % en moyenne nationale.

Les difficultés sont multiples. L’accès à l’éducation est limité par le décrochage scolaire et les longues distances entre domicile et établissement. Le marché de l’emploi est restreint, rendant nécessaire le renforcement de la formation professionnelle et le soutien à l’entrepreneuriat. La mobilité, locale ou internationale, reste un obstacle aux opportunités de formation et d’emploi. Enfin, les conditions de vie sont souvent précaires, avec un accès restreint au logement, aux soins, à la santé mentale et aux services numériques.

Le rapport souligne également les inégalités dans l’accès à la culture et au sport : moins d’un Mahorais sur dix est allé au cinéma, seulement 4 % ont visité un musée et 2 % ont assisté à un spectacle au théâtre. Les infrastructures sportives sont également limitées, avec 12 équipements pour 10.000 habitants contre 33 à La Réunion. Ces chiffres illustrent l’urgence de mettre en place des politiques publiques adaptées aux spécificités locales.

« Répondre à la détresse des jeunes d’Outre-mer n’est pas une option, c’est un impératif républicain », insiste le COJ, appelant à une mobilisation immédiate et coordonnée de l’État et des collectivités pour garantir l’égalité des chances.

Les principales recommandations

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Les propositions à mettre en place selon les jeunes interrogés à travers les Outre-mer (COJ). L’accès à l’emploi et aux formations sont les deux besoins qui ressortent le plus.

Dans le domaine de l’éducation, le COJ recommande de repenser les programmes scolaires pour mieux refléter les réalités locales et de renforcer la formation des enseignants afin de mieux accompagner les élèves confrontés à des situations difficiles. Il suggère également des mesures concrètes pour lutter contre le décrochage scolaire, comme le déplacement de certaines classes pour réduire les trajets trop longs entre domicile et établissement.

Sur le plan économique, le rapport insiste sur l’adaptation de l’offre de formation aux besoins du territoire et sur le soutien à l’initiative individuelle. Encourager l’entrepreneuriat et les projets locaux est présenté comme un levier essentiel pour créer des opportunités là où le marché du travail reste fragile.

La mobilité constitue un autre enjeu majeur. Le COJ préconise de faciliter les déplacements, qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux, afin d’élargir l’accès à la formation et aux expériences professionnelles souvent situées hors du territoire d’origine.

Enfin, le rapport souligne l’importance des conditions de vie dans l’égalité des chances. L’accès au logement, aux soins, à la santé mentale et au numérique doit être amélioré pour permettre aux jeunes de développer leurs compétences, de construire leur projet et d’envisager un avenir autonome.

Au total, 21 recommandations concrètes sont formulées pour orienter les politiques publiques, notamment en préparation du prochain Comité interministériel aux Outre-mer (CIOM).

Victor Diwisch

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