Connu pour la densification de ses embarcations, son activité halieutique et traditionnelle de manière globale mais également son impressionnant envasement à marée basse, on peut dire que la mouvance des pêcheurs de Mtsapéré est plutôt restreinte et complexe au regard de la configuration actuelle de leur petit port. C’est très simple, dès que les eaux de notre lagon commencent à tirer leur aquatique révérence, le temps s’arrête et plus personne ne bouge. Une délicate configuration que la Cadema a également inscrite dans son plan modernisation et rénovation grand tout, propre à son littoral, qui implique donc l’élaboration future d’un vrai ponton de pêche tenant justement compte des problématiques actuelles.
Pour patauger dans la gadoue…
Avant d’envisager quoi que ce soit comme grandes lignes d’un chantier maritime, il est évident qu’une complète visibilité se doit d’être, partie immergée de l’iceberg mahorais inclus. Du moins partie vaseuse et ce, grâce à un précis état des lieux. Pour ce faire, c’est là que l’entreprise d’origine normande Ceres intervient.
Plutôt coutumière des courants revigorants du Grand-Nord hexagonal, il n’en demeure pas moins que son expertise est sollicitée à travers les eaux chaudes et internationales du globe et Mayotte n’est pas une première : « Nous étions déjà venus l’an passé pour sonder toute la partie portuaire de Longoni et assurons d’ailleurs 2 missions distinctes cette fois-ci, dont celle de Mtsapéré. Nous rentabilisons légitimement les déplacements et condensons au maximum notre travail. Nous avons été notifiés en mai dernier de l’obtention de ce marché. Au regard des besoins, il a été évalué qu’il serait bien plus pertinent pour nous d’attendre ce calendrier des hautes marées pour justement pouvoir mettre en place tous les moyens techniques dont nous avons besoin » nous explique Marie Sciboz, directrice de l’entité concernée et hydrographe 1er classe.
C’est donc les pieds bien enfoncés dans le fertile limon, et plus si affinités, que nous retrouvons notre équipe en train d’installer le matériel. Il n’y a pas intérêt à être fangophique*, c’est moi qui vous le dit ! Au programme de ce vendredi après-midi qui suscite l’interrogation des badauds — ça n’est tous les jours qu’on voit des mzungus jouer les Petula Clark** dans la bouillasse du lieu-dit— c’est atelier acoustique et sondage de sédiments.
Le but étant de cartographier au plus précis tous les pourtours de la darse, respectant de surcroit l’écosystème ambiant composé de petites aires de mangroves. Une configuration très loin d’être facile y mêlant également les embarcations amarrées çà et là sur zone qui, ’’normalement’’, auraient dû être déplacées/retirées le temps de l’intervention. C’est un peu dans les starting-blocks, attendant les premières rentrées d’eau qu’Alexandre Chesné, chef de projet, finit les derniers préparatifs : « En plus du calcul évident de la hauteur de l’eau, notre travail se porte là sur l’évaluation de celle de la vase. Le sondeur de sédiments enregistre en continue en même temps qu’il envoie des fréquences, il dessine des lignes qui permettront de tracer un profil des fonds. Le but étant justement de trouver la partie dure sous tout cela ». Une mission qui n’est pas des moindres et qui relèverait presque de l’approche archéologique au regard de l’aspect trouble voire parfois visqueux de l’eau et de tout ce qui se trouve en dessous…
Et c’est pas fini !
Dans cet état des lieux sous-marin relevant donc de la partie intra-portuaire, se greffe également tout le pourtour extérieur définit dans le cahier des charges initial, relatif à la zone d’accès du petit port. Un pourtour et/ou chenal dont il est important d’avoir des éléments précis et actualisés en termes de profondeurs. Pour cette étape, il est utilisé un sondeur bathymétrique qui, grâce à son système acoustique et moderne multifaisceaux permet en un seul passage de tracer et mesurer une cartographie plutôt limpide du relief immergé; hauteur d’eau incluse et ce, quel qu’en soit l’indice de la marée, justement grâce à une correction automatisée des données.
Ce genre de relevés est extrêmement important lorsque l’on décide d’entreprendre des travaux sous-marins mais également en navigation et d’autant plus dans une manoeuvre technique quasi millimétrée comme il est cas à Longoni; unique port commercial de notre territoire qui centralise toutes les arrivées maritimes et massives des marchandises. En ce sens, l’autre mission de ces techniciens Ceres, indépendamment de celle en cours, se centralise donc de nouveau au nord de notre île, afin de mettre à jour toute la cartographie bathymétrique de la zone portuaire dont la capitainerie a indiscutablement besoin. Sans pour autant être marin, si l’on sait qu’à tel endroit le fond est de 30 mètres et que mon tirant d’eau*** plutôt chargé est de 29 mètres, j’attendrai peut-être que la marée soit plus haute ou je passerai légèrement ailleurs !
Pour notre pré-étude Mtsapéré destinée aux services de la Cadema, c’est donc un rapport technique, analysé et complet qui sera transmis d’ici un mois afin de pouvoir l’inclure dans le maillage du projet global à venir. Dans cette idée de facilitation d’accès des pêcheurs mais aussi de modernisation et embellissement de la zone, la logique prochaine étape se voudrait géotechnique en vue de curer et draguer ce massif amoncellement vaseux, plutôt paralysant pour nos usagers actuels, afin de leur offrir ce joli port tant espéré, tant aspiré, eau incluse et ce, même pendant la basse marée. À l’image d’un sous-marin, la Cadema poursuit dans l’ombre ses divers et nombreux chantiers pour l’amélioration de la qualité de vie de ses concitoyens mahorais.
MLG
* Fangophique se dit d’une personne qui a une peur viscérale et exagérée de la boue
** Petula Clark était la chanteuse du célèbre titre écrit par Serge Gainsbourg en 1966 : La Gadoue
*** Le tirant d’eau est la profondeur nécessaire à la flottaison normale d’un bateau. Il s’agit de la partie verticale immergée de sa coque