C’est dans l’amphithéâtre du CUFR de Dembéni que le recteur avait donné rendez-vous aux acteurs du monde institutionnel de l’île, à l’instar du préfet, Thierry Suquet, mais aussi à l’’ensemble des chefs d’établissements scolaires du 2nd degré du territoire. « L’Éducation est un enjeu majeur pour notre jeunesse, ici à Mayotte. C’est une mission d’instruction, il est donc nécessaire d’avoir le bien-être à l’école pour mieux apprendre et réussir sa vie, et ainsi tendre vers l’excellence », a indiqué en préambule de son discours Jacques Mikulovic.
Rendre le système éducatif mahorais attractif pour tous les élèves
Le projet académique présenté par le recteur vise plusieurs objectifs. Il s’agit tout d’abord, et c’est une priorité, de renforcer l’acquisition des savoirs fondamentaux : lire, dire, écrire, compter. Pour cela, un inspecteur général va être détaché, à partir du mois de septembre dans l’île, afin de former les enseignants à des techniques et des méthodes d’apprentissage spécifiques, en utilisant la méthode « NEO ». « Les résultats scolaires de nos élèves ne sont pas bons, constate le recteur. Les tests de lecture que nous avons faits ont montré que 43% des élèves sont en situation d’illettrisme quand ils ne sont que de 4,6 % en métropole. Aussi dès la rentrée de septembre, nous allons mettre en place le mois de l’écriture afin de favoriser le goût pour les lettres. L’objectif est qu’à la fin de la 3e l’ensemble des élèves aient acquis les compétences pour lire, écrire, compter », explique Jacques Mikulovic. Et de rappeler que 80 % des Mahorais lauréats du brevet des collèges (DNB) n’ont pas acquis les compétences nécessaires en français en fin de 3e que leurs homologues métropolitains ont acquis en fin de 6e. « Cela monte à 92 % en mathématiques. L’écart est donc considérable ! », s’alarme-t-il.
Le recteur souhaite ainsi une nouvelle organisation du collège pour l’année scolaire 2023-2024 en instaurant des groupes de niveau et en proposant un parcours adapté pour chacun. « Nous devons travailler avec les différents acteurs du territoire pour mener une réflexion sur les besoins de formations, a-t-il insisté. Pourquoi ne pas faire émerger un conseil d’orientation stratégique de l’académie, composé d’une vingtaine de personnes représentant les forces vives du territoire afin d’avoir une approche complémentaire et décliner ainsi une politique d’éducation pour notre jeunesse ? », a-t-il suggéré. Proposition à laquelle le préfet, Thierry Suquet, a répondu favorablement en étant prêt à « rassembler les forces vives autour des formations utiles sur notre territoire et aussi accompagner les acteurs de l’Éducation nationale et ceux de la société civile en permettant un meilleur fonctionnement de l’école ».
Le second objectif du projet académique est de développer et d’étoffer les filières technologiques et professionnelles à Mayotte. « Nous devons identifier les formations à proposer. Elles sont insuffisantes dans notre territoire alors qu’il y’a d’énormes besoins, constate le recteur. Nous devons donc développer la voie professionnelle en travaillant en partenariat avec d’autres académies par exemple, et ce dès la 3e. Pour cela, nous devons définir les besoins avec l’ensemble du monde économique et les différents élus de l’île », a souligné le recteur. A cet égard, le CUFR de Dembéni deviendra, à compter du 1er janvier 2024, l’Université de Mayotte et sera donc plus autonome. Le recteur souhaite ainsi voir se développer une offre de formations concernant les secteurs de l’agroalimentaire et de l’agriculture, mais aussi la création d’un IUT (Institut universitaire de technologie).
Enfin, dernier objectif qui tient à cœur au recteur : Développer le numérique, mais aussi « Tendre vers l’excellence scientifique en offrant des perspectives à la jeunesse mahoraise. Cela passe par l’accompagnement des élèves méritants, la méritocratie, dans leur parcours scolaire ».
Investir dans de nouvelles infrastructures en dépit d’un foncier restreint
Autre enjeu majeur du projet académique et du contrat de plan pour 2027, le nombre d’élèves qui ne cesse de croître. Selon le secrétaire général du rectorat, Dominique Gratianette, ce sont en moyenne 3,6% à 5% d’élèves en plus chaque année dans le premier degré. Cela représente en moyenne 3200 élèves supplémentaires. « L’augmentation du nombre d’élèves chaque année est une réelle préoccupation, raconte-t-il. Notre objectif à court et moyen termes est d’avoir une capacité d’accueil suffisante par rapport aux effectifs. Nous faisons des efforts importants pour la livraison des établissements scolaires comme les lycées et les collèges ». Ainsi, le collège de Brandraboua devrait voir le jour d’ici 2027. Il sera construit sur une annexe du lycée de Dzoumogné et pourra accueillir 500 élèves. Concernant le collège de Vahibé, les travaux devraient commencer l’année prochaine. Un autre collège de 600 élèves verra également le jour dans le cadre d’une extension du lycée du bâtiment de Longoni en cité scolaire, en 2026. Les établissements de Tsararano et Cavani sortiront de terre d’ici 2027.
« Nous manquons cruellement de foncier, notre objectif est donc de densifier au maximum en mutualisant les équipements et les moyens », complète le secrétaire général. Un lycée est également prévu à Mtsangamouji qui pourra accueillir près de 2600 élèves. Des internats vont également être construits à Chirongui et à Kawéni, ainsi que des cuisines « satellites ». « Notre objectif est que tous les élèves mangent à Mayotte, en ayant des plats chauds notamment. Nous souhaitons mettre en place les conditions d’accueil pour qu’ils puissent manger correctement. C’est un enjeu de santé », a insisté Jacques Mikulovic. Ainsi douze cuisines seront livrées d’ici 2027 sur les vingt-quatre prévues à ce jour, a précisé Dominique Gratianette. Enfin, d’autres établissements devraient sortir de terre dans les prochains mois et les prochaines années comme la construction du pôle des métiers et de l’aérien (livraison du bâtiment prévue en septembre 2024), le pôle des métiers de la mer et du littoral (encore en projet), le nouveau bâtiment du CUFR de Dembéni, ou encore la création prochaine d’un IFP (Institut de formation professionnelle) à Mayotte.
Enfin comme l’a souligné le recteur, le système scolaire est en difficultés partout sur le territoire national. « Mayotte est un lieu d’expérimentation de nouvelles formes d’apprentissage qui pourront peut-être se décliner en métropole… Il y a une corrélation entre le nombre de jours scolaires et la réussite aux examens. Nous devons éviter de perdre des jours d’école et maintenir l’accès à l’école pour tous. Car l’objectif principal est la réussite de nos élèves ».
B.J.