Il y avait beaucoup d’ambiance hier en Petite-Terre pour célébrer la fête de la musique. Plusieurs instruments traditionnels de la région de l’océan indien étaient exposés au sein de l’office de tourisme. « C’est la première fois que nous organisons ce type de manifestation depuis l’ouverture de nos locaux au mois d’août de l’année dernière, indique Bibi-Riziki Ousseni, responsable de projets au sein de l’office de tourisme de Petite-Terre. Le fait de célébrer la fête de la musique aujourd’hui est l’occasion de valoriser la musique en elle-même mais aussi les instruments. Beaucoup de Mahorais ignorent, malheureusement, leur patrimoine culturel musical. Pour cela nous avons regroupé une vingtaine d’instruments de musique traditionnelle grâce à l’aide du Musée de Mayotte (MuMA) et à des associations afin de faire connaître ses instruments auprès de la population ».
Et pour le coup, de nombreux curieux de passage ou non se sont arrêtés à l’office de tourisme pour en savoir davantage. Les visiteurs ont ainsi pu découvrir des gabussi, des tari, des dori, des dzendzé ou encore des mkayamba et des fumba…Il y en avait pour tous les goûts, les âges, et les oreilles.
Mayotte et la musique une histoire inséparable
Comme le rappelle Djamadar Saindou, chef de service programmation, partenariat et développement des publics au sein du MuMA, « La musique et les chants traditionnels font partie de la culture mahoraise. On les utilise dans la religion, notamment dans le soufisme, cela permet d’élever les esprits, de purifier son âme, et de rentrer dans une certaine spiritualité en utilisant sa voix, son corps, les chants et les danses. Mais on les utilise aussi dans les cérémonies de mariage par exemple. Les instruments exposés ont pour origine l’Afrique de l’Est ou Madagascar à l’image du dzendzé », complète Djamadar. Le mkayamba est ainsi composé de petites graines noires, également appelées « les graines du diable », que l’on secoue pour obtenir un son. Avec ce type d’instrument chacun peut jouer à sa façon et en nombre illimité. Les instruments se marient ensemble à l’image des membranophones (tambour…) ou des idiophones comme le mkayamba.
« Le fait de regrouper tous ses instruments en un même lieu pour la fête de la musique est une formidable opportunité de mettre en valeur notre patrimoine et de rappeler les coutumes mahoraises », se félicite le chef de service programmation du MuMA. Le musée a ainsi mené une enquête auprès des populations de l’océan indien (Tanzanie, Zanzibar, Mayotte et La Réunion) afin de voir si les gens connaissaient ses instruments, mais aussi dans le but de les valoriser en transmettant les connaissances. Ce que déplore notamment Djamadar, c’est que « Les traditions et les savoir-faire se perdent. Aujourd’hui il y a très peu d’artisans qui fabriquent encore ce type d’instruments. Aussi un espace est réservé avec des panneaux où l’on peut voir tout le processus de fabrication d’instruments comme le tari, le masheve ou encore le mkayamba. Sur la fiche de l’instrument figure un artisan qui en fabrique et avec lequel vous pouvez apprendre à en réaliser un ».
Pour cette première édition, les organisateurs n’ont pas lésiné sur les animations. Ainsi, à 10 heures, 11 heures 30 et 14 heures étaient organisés des ateliers de démonstration (mkayamba, gabussi, ngoma et mbiwi) ; et de 15 heures à 17 heures, une animation scénique avec les artistes Komo, Bouhoury et Diho.
Les femmes mahoraises davantage sensibles à la musicalité
Quant à savoir qui des hommes ou des femmes jouent le plus d’instruments de musique à Mayotte, la réponse de Bibi-Riziki et Djamadar est unanime : « Les femmes jouent plus ! Même si cela à tendance à changer, modère le représentant du MuMA. Les hommes jouent souvent du même instrument, ils ont moins de pratique que les femmes. Par exemple le deba est seulement pratiqué par les femmes », explique-t-il. Ce que confirme Bibi-Riziki. « Plus jeune je faisais du deba dans une association. J’ai appris quand j’étais petite, toute seule, avec d’autres filles et avec ma famille. On chante, on a une gestuelle particulière avec parfois une certaine sensualité, sourit-elle. Dans les Maoulida Chengué, les hommes et les femmes jouent du tari, du fumba et du dori. De nos jours, il y a moins de déséquilibre, on assiste à une démocratisation de la pratique de certains instruments en quelque sorte. Mais je pense que le tari reste encore l’instrument de musique le plus pratiqué à Mayotte », précise-t-elle.
Pour marquer le coup de cette première édition l’artiste Bouhoury, que l’on ne présente plus, a donné une représentation. « Je suis dans la musique depuis 1965…Je suis batteur à l’origine mais je fais un peu de tout avec mon groupe, raconte le musicien multi instrumental. Nous sommes une dizaine, nous jouons de la musique traditionnelle mahoraise avec des instruments différents. J’accompagne également avec le gabussi ». Bouhoury, a appris à utiliser ses instruments quasi tout seul, il est en quelque sorte autodidacte. « Ça fait longtemps que je joue ! dit-il. J’ai appris dans la rue en regardant les autres. Il n’y a pas d’école pour apprendre ça ! ».
Bouhoury a aussi la particularité de chanter et de mélanger les instruments de musique moderne comme le piano ou la flûte par exemples, avec des instruments traditionnels comme le gabussi ou le mkayamba. « Je suis un des rares à faire cela, car je tenais que ce soit ainsi », conclue-t-il.
B.J.