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Mamoudzou

Le Minbar de Kaweni officiellement récompensé

C’est à Dzaoudzi, dans les jardins attenant au Musée de Mayotte, que le prix « Le Plus Grand Musée de France » a été solennellement remis aux différents porteurs et soutiens de ce projet et le moins que l’on puisse dire, c’est que la légitime fierté ambiante était palpable.

Lancé nationalement en mars dernier, le fameux concours, conjointement orchestré et soutenu par La Fondation La Sauvegarde de l’Art Français et l’international groupe leader en assurance, Allianz, a eu pour effet de mobiliser durant 3 semaines plus de 80 000 votes, à travers tous les territoires français, métropolitains et d’Outre-mer, afin de soutenir la restauration d’une oeuvre locale sélectionnée par région. Après une heureuse présélection et, à l’issue, une bataille régionale des plus intensément serrées, nourrie d’un insoutenable suspens, avec La Fontaine de la Vierge à Saint-Paul de la Réunion, c’est donc notre Minbar, initialement originaire de la mosquée du Vendredi de Kawéni, et rattaché depuis 2017 au MuMa en Petite-Terre, qui a été officiellement désigné lauréat océan Indien avec 3 209 votes contre 2 936.

Récompense au moyen de ce chèque de 8 000 euros qui permettra d’investir dans la restauration traditionnelle de ce Minbar

Présentation globale et pleine symbolique locale 

Créée au sortir de la 1ère Guerre Mondiale, en 1921 dans un contexte où nombreuses étaient les destructions, tant sur le plan architectural que matériel, La Sauvegarde de l’Art Français avait pour but initial de préserver et restaurer les oeuvres rattachées au Patrimoine de nos tricolores contrées mais également d’empêcher le vol et/ou la vente sauvage destinée à l’export, de pièces artistiques, souvent religieuses. Une conservation de « trésors nationaux » donc, qui s’est majoritairement tournée vers le milieu catholique et rural au regard de notre histoire et qui a très vite bénéficié d’une reconnaissance « d’utilité publique », dès 1925.

Par petits groupes, les convives sont invités à découvrir en détail et de près cette oeuvre qui date des années 70

Dans l’évolution logique et la légitime montée en puissance qui confirme le caractère efficient de cette entité*, le projet Le Plus Grand Musée de France partage l’idée que les plus éminents chefs d’œuvres ne se trouvent pas systématiquement dans les musées de renom mais plutôt, et dans la majorité des cas, dans notre quotidien, à proximité de nos lieux de vie, voire d’habitation. Sous-valorisés la plupart sur temps, méconnus voire abandonnés, nombreux sont les témoins artistiques et religieux du Passé qui disparaissent chaque année ou qui en prennent la triste voie. Et mine de rien, mine de crayon, notre Minbar en est la parfaite illustration; lui qui a d’abord été abandonné dans la rue, après quelques annuités de service et qui s’est vu grandement dégradé, notamment à cause d’actes de vandalisme, de plein soleil mais également de pluie… Quelle ironie lorsqu’on connait son histoire et toute sa symbolique actuelle, le plaçant sous les feux des projecteurs nationaux, sous l’égide du MuMa mais également la Fédération de La Sauvegarde de l’Art Français.

Abdou Salam Boundjadi, créateur et sculpteur de ce Minbar qu’il a aussi, à l’époque, utilisé en tant que hatwiɓu

Une miraculeuse mobilisation…

Cette récompense de 8 000 euros décernée par le Groupe Allianz, en vue d’entamer les travaux de restauration nécessaires à la seconde jeunesse bien méritée de ce Minbar, n’a pas été acquise dans la facilité; par contre, il est indéniable que cette victoire est avant tout celle de l’Union. Une saine union qui fait la force et s’ouvre aux miracles car, quelles que soient les idées, les aspirations politiques, les trajectoires espérées pour notre île et tant d’autres facteurs souvent divisionnaires, eh bien incontestablement, le projet Minbar a su convaincre, rassembler et grandement mobiliser.

Une mobilisation soutenue activement par la conviction d’Abdoul Karim Ben Said, directeur du MuMa, aussi à l’origine de cette participation au concours et véritable dynamiseur de communication porteuse.

Le directeur de MuMa tient à rappeler qu’au « même titre que n’importe quel autre territoire de France, riche de son Histoire et de son Art, l’île de Mayotte n’a pas à rougir de ce qu’elle est et de ce qu’elle a, bien au contraire » et souhaite amplifier cette valorisation

C’est donc via les réseaux sociaux, les relances aux proches, aux amis, à la famille, aux moult ramifications allant même jusqu’aux plus hautes sphères, qu’il a été demandé à tous de participer, de voter et ce, même durant les dernières minutes avant clôture. Un plein investissement chronophage, comme nous le confie le précité mais qui en vaut amplement la peine, plaçant ainsi Mayotte et la représentation de son identité culturelle au devant de la scène; ce que ne manque pas de nous rappeler Arnauld Martin, conservateur du Patrimoine et représentant préfectoral : « Le choix de présenter cet objet, qui ne se veut pas forcément sacré mais qui est directement lié au culte musulman était un choix double au regard de ce concours à portée nationale. Il n’aurait pu en être autre car je pense que nous serions passés à côté de quelque chose d’identitaire et de vraiment rassembleur. Et comme il s’agissait tout de même d’une compétition, il nous fallait toucher le coeur des Mahorais et de ce qui fait le ciment de sa société ».

Dans son discours officiel, Arnauld Martin souligne qu’il était important que cette symbolique du culte musulman à Mayotte puisse être mise en valeur en France par le biais de ce concours

Le MuMa veut voir grand 

Les études de faisabilité propre à la rénovation du musée — qui se veut malheureusement fermé actuellement — ayant été menées et enfin terminées, le permis en cours d’instruction devrait pouvoir offrir un début de travaux de sécurisation d’ici septembre prochain, pour une ouverture souhaitée, dès ce mois de décembre 2023; selon l’engagement pris par le directeur et ce, même si le chantier n’est pas terminé. Ce souhait d’offrir rapidement et de nouveau un lieu de Culture, d’Art et d’Histoire, propre à notre territoire, s’inscrit dans la continuité des actions de reconnaissance du Patrimoine mahorais matériel et immatériel déjà menées en amont. Des actions tel que le symbolique Mawlida Shenge, premier élément traditionnel de notre île à figurer dans la liste du Patrimoine culturel immatériel du Ministère de la Culture et ça n’est pas rien. Cette seconde reconnaissance nationale liée au Minbar apporte au MuMa une montée en puissance  supplémentaire reconnue et justifiée, récompensant le plein engagement entrepris pas les équipes concernées. Et comme le vieil adage dit que le 2 fait toujours appel au 3, il se murmure que d’ici la fin de l’année, de très bonnes nouvelles devraient également se présenter en lien avec la pleine reconnaissance nationale et culturel du Debaa en vue de conduire tout ce beau packaging, directement aux portes de l’Unesco

De plus en plus rare dans les mosquées pour motif de gain de place, le minbar est une sorte de tribune pour l’imam qui prononce sa « hutuba » lors de la prière du vendredi ou bien les jours de l’Aïd.

Istawi le MuMa et par la même occasion, Bravo Mayotte, terre de richesses et de singularités qu’il est indispensable de valoriser. Et cela en prend le bon itinéraire grâce aux actions de la direction du musée qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, d’autres idées et dossiers sont déjà en préparation. On ne peut qu’aimer ! Marahaba MuMa et encore bravo à tous ceux qui voient grand et qui croient fort en Mayotte, bien au delà de nos cotes.

 

MLG

 

 

*Après une désignation d’association loi 1901, le statut de Fondation a été octroyé à La Sauvegarde de l’Art Français en 2017, permettant ainsi d’élargir son domaine d’actions.

Le travail calligraphique est également apprécié remontant aux années 1970-1975
Le travail technique du bois, dans sa finition et ses détails est une preuve d’un grand savoir-faire qu’il ne faut surtout pas perdre
Le Minbar observé sous toutes ses coutures
L’Iman Ahamadi Chahere, de la mosquée du vendredi de Kawéni, très ému de toute la symbolique de cette victoire pour la culture mahoraise et le village de Kawéni
Un belle mise en lumière et un beau coup de fraîcheur attendent ce Minbar qui sera une des pièces maitresse du MuMa
Nadjayedine Sidi, conseiller départemental de Mamoudzou 3 et originaire de Kawéni, très fier de l’issue de ce concours « cette victoire est une belle représentation du travail global que nous menons pour valoriser et exporter Mayotte »
Eymeric Henry, d’Allianz Mayotte « Notre groupe ne s’implante pas uniquement par intérêt, il est également soutien local et gage de valorisation d’un patrimoine local. Nous sommes très heureux et très fiers de cette victoire mahoraise »
Longue Vie au MuMa…

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