Résiliation de la DSP du port : « Je fais partie de ceux qui pensent que la DSP doit cesser », proclame Mansour Kamardine

Dans la tribune publiée ci-dessous, l’ancien député et ex-président du conseil portuaire, revient sur le positionnement successif des élus départementaux face aux magouilles de la gestionnaire du port dénoncées par le tribunal. Il les appelle à une prise de décision qui ira dans l’intérêt des finances du Département.

PORT DE LONGONI MAYOTTE

Seules les batailles non engagées sont perdues d’avance !

J’invite tous nos élus à lire le jugement Jugement du Tribunal administratif de résiliation de la DSP de Longoni au 1er septembre 2026. J’invite plus particulièrement les élus départementaux à lire et relire cette décision avant la réunion à laquelle le président Ben Issa les convie pour décider de l’opportunité de faire appel ou pas contre ladite décision. Pour ma part je considère que l’on ne peut pas être élu pour défendre Mayotte et les Mahorais dans leurs intérêts supérieurs et envisager objectivement la poursuite de la DSP dans les conditions actuelles. Pour cela je propose au lecteur quelques éléments factuels mais faciles à favoriser la réflexion pour avoir eu l’honneur de présider pendant un peu plus d’un an aux destinées du conseil portuaire, organe en charge de donner un avis sur le fonctionnement du port.

Le 21 avril 2022, le président du conseil départemental préside une réunion d’information du groupe de la majorité dont l’ordre du jour porte sur les dysfonctionnements de la DSP au port de Longoni avec l’animation par le cabinet d’avocat qui accompagne le conseil départemental dans ce dossier. D’emblée les avocats ont planté le décor en annonçant avoir identifié plus 27 points de frictions et de dysfonctionnements dans l’exercice de la DSP, dysfonctionnements de nature à justifier une rupture du contrat pour faute. Sans tout énumérer, je retiendrai deux griefs à savoir l’opacité dans la rédaction des comptes de la DSP ce qui est de nature à porter préjudice aux intérêts financiers et budgétaires du département et la création d’une société de transit concurrente aux autres opérateurs économiques du port. Rapidement les débats ont conduit à une interférence d’intérêts au sein du groupe de la majorité, des dissentions susceptibles de priver le président d’une majorité pour engager la procédure de divorce. Rapidement et tenant compte de ce qu’il redoutait, Ben Issa a dû ravaler le chapeau de l’ambition qu’il pouvait avoir pour l’avenir de ce premier poumon économique de l’île. Il s’est alors résolu à agir au plus près du plus petit dénominateur commun. Il adresseait à MCG une lettre recommandée avec mise en demeure en reprenant la kyrielle des griefs mis en exergue par le cabinet conseil. Sûr de la loyauté d’une partie de la majorité départementale ainsi que des élus de l’opposition dans la défense de ses intérêts et au détriment de ceux de Mayotte, le délégataire n’a pas donné suite à cette mise en demeure depuis restée sans effet et sans suite. Il a fallu attendre la réaction de l’UMM (l’Union Maritime de Mayotte) et sa saisine du tribunal administratif de Mayotte pour que les intérêts de Mayotte soient entendus et pris en compte. D’ailleurs, le conseil départemental avait conclu à mon grand étonnement au rejet de la requête de l’UMM qui réclamait la résiliation du contrat. Le tribunal a suivi cette dernière en faisant droit à ses demandes. La lecture objective des motifs de la décision surprend et interroge sur les raisons du positionnement de la puissance publique tout observateur impartial qui sait ce que sont la gestion et le fonctionnement d’une délégation de service public.

Opacité de la manutention des containers par les grues et RTG de Manuport, filiale de MCG

En premier lieu le Tribunal relève que le « fonctionnement du port de Longoni, qui constitue une infrastructure stratégique dans ce département,  [traduit] une mauvaise gestion par le délégataire du service public ainsi qu’un mauvais usage des deniers publics qui y sont affectés. En particulier, l’application de tarifs illégaux depuis 2016, qui démontre une rupture du lien de confiance entre les usagers et la société délégataire, a nécessairement eu des répercussions sur le prix des biens et des marchandises et porte ainsi atteinte au bon développement de l’ile de Mayotte ». Ensuite le juge administratif a constaté avec regret que malgré l’annulation de l’arrêté du 28 avril 2016, le délégataire a continué à pratiquer ces tarifs illégaux :« La société Mayotte Channel Gateway a toutefois continué d’appliquer, à compter du 1er janvier 2016, des tarifs fondés sur l’arrêté ayant pourtant été annulé et plus élevés que les tarifs issus du « barème des tarifs d’outillages 2012 » fixé en annexe de la convention de délégation de service public, qui est devenu rétroactivement applicable. Cette circonstance est confirmée par le jugement n°2105035 du tribunal administratif de Mayotte du 24 septembre 2024, produit par l’association requérante, condamnant la société Mayotte Channel Gateway à verser à la société Maintenance Industrielle Mahoraise, usagère du port, une somme correspondant aux redevances d’occupation du domaine public portuaire indument perçues entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2021 sur la base des tarifs d’outillage publics fixés par l’arrêté ayant été annulé par la cour administrative d’appel de Paris. Il résulte de l’instruction que le délégataire a continué de se prévaloir de ces tarifs fondés sur l’arrêté du 2 septembre 2016 ayant été annulé pour obtenir le paiement des redevances d’occupation du domaine public ».

Ainsi constatant que MCG, décidé à ne faire aucun cas de la décision de la Cour administrative d’appel de Paris « le contrôle général économique et financier des ministères économiques et financiers est intervenu et a constaté que « dans certains cas, la société Mayotte Channel Gateway a facturé aux usagers du port des prestations de manutention effectuées par la société Manuport alors que la manutention était effectuée par la société Smart et que certaines prestations en matière d’autorisation d’occupation temporaire de terrains sont facturées aux usagers alors qu’elles ne correspondent à aucun contrat et qu’elles ne sont ni demandées, ni réalisées. L’association requérante fait aussi valoir, sans être contestée par le département de Mayotte et par la société Mayotte Channel Gateway, d’une part, qu’une redevance d’utilisation des grues à portique, qui ne concerne en principe que peu de conteneurs et dont les tarifs étaient fixés par l’arrêté ayant été annulé par la cour administrative d’appel de Paris, est pourtant systématiquement facturée aux usagers du port et, d’autre part, qu’une redevance de nettoyage leur est également irrégulièrement facturée ».

Ensuite, le tribunal s’est intéressé aux mouvements des fonds opérés entre les différentes sociétés de madame Nel dont Manuport et SNIE pour constater avec effarement que : « La dirigeante de la société Mayotte Channel Gateway est la seule actionnaire et qu’une convention d’avance d’actionnaire a été signée entre les deux sociétés au bénéfice de la société Manuport portant sur deux avances de 465 252 euros en 2016 et de 3 411 784 euros en 2017, rémunérées à un taux de 1%. Une convention similaire a également été signée entre le délégataire et la Société Nel Import-Export, également détenue par la dirigeante de la société Mayotte Channel Gateway et sa famille, portant sur deux avances de 2 503 480 euros en 2016 et de 4 923 098 euros en 2017, rémunérés au même taux » ; le tout au mépris des règles régissant la comptabilité de la DSP et au détriment du budget du conseil départemental. C’est dans ce conteste et à la suite d’une expertise graphologique qui a estimé que l’arrêté tarifaire produit par le délégataire est un faux. Il a alors saisi le procureur de la République et en a informé : « le président du conseil départemental a informé le société délégataire, par un courrier du 16 juin 2022, qu’il avait effectué un signalement au procureur de La République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale et l’a mis en demeure de lui indiquer l’usage qui avait été fait de cet arrêté et les mesures mises en place pour faire cesser toute illégalité qui résulterait de son application, en la menaçant d’une possible résiliation du contrat de délégation pour faute. Ces nombreux manquements de la société Mayotte Channel Gateway, qui se poursuivent depuis plusieurs années, préjudicient de manière grave et répétée au bon fonctionnement du port de Longoni, qui constitue une infrastructure stratégique dans ce département, et traduisent une mauvaise gestion par le délégataire du service public ainsi qu’un mauvais usage des deniers publics qui y sont affectés. En particulier, l’application de tarifs illégaux depuis 2016, qui démontre une rupture du lien de confiance entre les usagers et la société délégataire, a nécessairement eu des répercussions sur le prix des biens et des marchandises et porte ainsi atteinte au bon développement de l’ile de Mayotte. Si le département de Mayotte fait valoir que certaines divergences ont été soldées par la procédure de conciliation engagée avec le délégataire, le protocole transactionnel validé par le conseil départemental le 12 juin 2024 porte seulement sur le paiement de la part fixe de la redevance domaniale reversé au délégant et non sur les manquements précédemment constatés ».

DSP, Longoni, Mayotte, MCG,
Mansour Kamardine sur les quais de Longoni avait pointé la facturation abusive de l’outillage portuaire

Voilà synthétiquement rappelés les motifs qui ont conduit le Tribunal à prononcer la fin de la DSP. Les partisans de la continuation de la DSP dénoncent un complot contre Mme NEL, malgré ces graves manquements, surtout à un moment où les finances du département trouveraient bénéfice à sa gestion d’une manière plus rationnelle. Ils reprochent à ceux qui pensent nécessaire et urgent de donner un coup de fouet à cette belle infrastructure, de vendre les bijoux de famille.

Avant cette décision, ils exprimaient une peur de devoir payer des sommes importantes au délégataire. Avec cette décision de justice, cette peur doit s’évanouir. Je fais partie de ceux qui pensent que la DSP doit cesser non pas que je veuille céder à vil prix ces mêmes bijoux de famille mais simplement parce que je considère qu’ils valent plus qu’une DSP violée tous les jours et en plusieurs points.

Dans ma vie publique j’ai été confronté à une difficulté similaire lors l’externalisation des hydrocarbures (Total), EDM, la distribution d’eau ou encore France télécom, tous à cette date des services du Département. Les accusations étaient du même acabit. Je note avec satisfaction qu’il ne viendrait aujourd’hui à l’idée d’aucun élu de demander la reprise en gestion directe de ces services. J’ajoute que dans le cas du port, il y a ceux qui le regardent et voient les seuls intérêts de Manuport. De l’autre, il y a ceux, comme moi, qui en le regardant voient plutôt la vie chère qui assaille les populations locales. Nous voyons davantage ce port comme une infrastructure de promesse d’avenir et d’espoir dans le développement économique durable pour assoir Mayotte dans son espace indo- océanique. Ce fut d’ailleurs le rêve de ceux qui nous ont précédés, de faire de Longoni un grand port d’éclatement dans la sous-région. C’est ce qui explique qu’à la demande du Président Soibahadine Ibrahim Ramadani, les parlementaires de l’île, le président de l’Association des Maires de Mayotte et lui-même ont demandé en octobre 2022 au Gouvernement de le reprendre et de faire de Longoni un grand port d‘État pour le faire changer d’échelle et de faire de cet outil un objet de rayonnement et d’expression de la souveraineté et de puissance française dans cette sous-région. C’est dans ce rêve d’une Mayotte en grand que nous contemplons ce port, un rêve dans lequel j’invite nos élus départementaux à devenir les véritables artisans.

Mansour KAMARDINE, Ancien député

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