Si la Chambre Régionale des Comptes dans son dernier rapport fait remonter la création de la MDPH à 2016, contre 2006 dans les autres départements français, en réalité, la Maison des personnes handicapées (sans le D) a été montée en octobre 2010 par Evie Faugas, qui accompagnait son mari alors SGAER à la préfecture de Mayotte, François Mengin-Lecreulx. Grâce à elle, le handicap à Mayotte n’était plus « attribue? aux esprits maléfiques ou a? une manifestation divine », comme l’avait mis en évidence le président de ce qui était encore le conseil général, Ahamed Attoumani Douchina.
Depuis, la lettre « D » s’est rajoutée et avec elle, l’espoir de davantage de moyens liés à la départementalisation.
La MDPH est un groupement d’intérêt public (GIP) qui constitue un guichet unique auprès duquel toute personne handicapée ou sa famille peut trouver l’accueil, l’information et la possibilité de formaliser ses demandes en matière d’orientation et de prestations. Elle regroupe le Département, l’État, l’agence régionale de santé (ARS) et la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Des représentants du secteur associatif participent à sa gouvernance et aux décisions prises par une commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
Mais la Maison Départementale des personnes handicapées (MDPH) a souffert longtemps d’un défaut de gouvernance. Perte de dossiers, délais de traitement des cas à rallonge… Les dysfonctionnements étaient importants avec une forte instabilité de sa direction et « des effectifs conduisant à une quasi paralysie à certaines périodes et par conséquence à une méconnaissance des droits de personnes handicapées », rappelle la Chambre régionale des Comptes dans le rapport de contrôle des comptes et de la gestion de la MDPH sur les exercices 2016 et suivants.
Toujours une inégalité de traitements avec le national
Face au désastre d’alors, le pôle social du précédent exécutif du conseil départemental sous la férule du vice-président de l’Action sociale Issa Issa Abdou, a repris les choses en main, salué par la CRC : « Le recrutement d’une nouvelle direction à partir de 2020, la mise en place d’un plan d’actions pour redresser l’activité, l’investissement des personnels et l’appui de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ont permis l’examen des demandes en attente depuis plusieurs années et la mise en place d’une organisation plus performante s’inscrivant dans les projets nationaux notamment en matière de modernisation des outils informatiques. La MDPH dispose désormais d’une autonomie lui permettant d’exercer ses attributions », salue la CRC. De quoi satisfaire celui qui poursuit favorablement cette action le vice-président Madi Moussa Velou.
Mais dans ce domaine aussi, la convergence avec le national reste à mener, déplore la CRC, « Si ses règles de fonctionnement relèvent du droit commun, les droits et prestations ouverts aux personnes handicapées ne s’alignent que progressivement sur le droit national affectant ainsi son activité ». Ainsi, le contrôle de la MDPH a été l’occasion de relever que « le champ du handicap est marqué par des particularités et une complexité juridique qui font de Mayotte un territoire pour lequel l’égalité de traitement des personnes handicapées avec celles des autres départements reste à atteindre ».
Idem, en matière d’emploi, il n’existe pas d’établissement ou de service d’aide par le travail (ESAT), « et le dispositif de contrat de rééducation professionnelle implique pour le bénéficiaire de se rendre en métropole ». L’absence de dispositif de formation et emploi en milieu ordinaire met en difficulté à la fois les personnes handicapées mais également les centres de formation et les employeurs.
Le traitement des dossiers plus rapide qu’en métropole
Peu de mauvais points pour le conseil départemental qui la gère, mais parmi eux, le schéma départemental de l’autonomie, document d’orientation et de planification de la mise en œuvre de la politique du département, qui n’a pas été renouvelé, et des enregistrements informatiques imparfaits jusqu’en 2019, qui implique « un travail de fiabilisation des données à achever ».
Plutôt des satisfécits : « Au premier trimestre 2022, la qualité de service, mesurée au travers de plusieurs indicateurs nationaux, est satisfaisante. Le délai moyen de traitement des demandes de 3,3 mois, inférieur au délai réglementaire de 4 mois et à la moyenne nationale de 4,6 mois, résulte notamment de choix organisationnels clairs. «
La déficience de l’adressage à Mayotte plombe également la prise en charge des personnes à prendre en charge, « notamment pour la phase d’instruction des demandes qui nécessite plus de temps que dans les autres départements ». La solution des Maisons France services en proximité avec la population a été retenue avec la mise en place de permanences, et l’ouverture d’une antenne à Dembéni en septembre 2022. « Sous réserve de disposer des moyens suffisants, ce déploiement se poursuivra dans les prochaines années afin d’offrir des guichets de proximité sur toute l’île ».
En septembre 2022, le nombre de bénéficiaires de droits ouverts par la CDPAH (Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) qui décide des droits de la personne handicapée, est de 13.569 et l’objectif est de doubler cette prise en charge pour atteindre 28.892 personnes d’ici fin 2024.
Chacun doit mettre la main à la poche
A ce titre, le Fonds départemental de compensation du handicap (FDCH), qui a pour vocation d’apporter un financement complémentaire aux prestations légales en faveur des personnes handicapées, effectif depuis le dernier trimestre 2021, n’a examiné que 17 dossiers au cours des 6 premiers mois de fonctionnement, « son activité est modeste au regard des besoins du territoire ». Outre le CD, il est abondé par la CSSM et la DEETS.
Afin d’avoir une vision pluriannuelle, la Chambre propose au conseil départemental de s’appuyer davantage sur ses partenaires au sein de la MDPH, notamment « sur ce qu’ils sont prêts à financer ». A ce titre, le Code de l’action sociale et des familles prévoit la signature d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens et d’avenants financiers entre les parties.
En conclusion, les observations de la chambre soulignent « la qualité du travail accompli pour redresser l’activité et mettre en place un mode de fonctionnement s’inscrivant dans le droit commun », et invite le conseil départemental à solliciter ses partenaires sur le plan de financement.
Anne Perzo-Lafond