Dans un contexte mondial essuyant la continuité de crises alliée à des urgences humanitaires, sociales, climatiques, sécuritaires, diplomatiques ou encore migratoires, nombreux sont les défis au regard des légitimes aspirations de développement pérenne de nos respectives sociétés. Des sociétés et des visions politico-sociales qui se doivent d’évoluer radicalement afin de pousser le modèle unique capitaliste en une approche plus solidaire, pour ne pas dire civilisée… Et cela ne relève pas du bobotisme humanitaire ou autre fantaisie passagère, non ! L’ESS est un modèle économique international déjà implanté qui monte en puissance depuis plus de 20 ans*, soutenant de manière multilatérale et mutualisée, les entreprises, les entrepreneurs, les associations, les start-up, les coopératives, les politiques publiques et autres acteurs humanoïdes à travers le Monde.
Dans les grandes lignes c’est quoi l’ESS ?
Si on devait dégrossir la chose de manière très simplifiée, l’ESS c’est un procédé de coopération où l’argent est un moyen d’améliorer le quotidien et non un unique but à atteindre. Quel que soit le corps de métier, tout est aussi basé sur l’innovation et au lieu qu’il soit question d’intérêts profitant à un groupe restreint, on vise plutôt la répartition équitable des bénéfices profitant à tout un chacun et (re)fusionnant ainsi, tel un cercle vertueux, l’approche économique et sociale. Rien d’utopique ou d’antinomique, juste un modèle de pensée collectif qui redonne du sens et une certaine forme de valeurs au travail; replaçant par la même occasion l’Homme au centre de tout cela, dans l’intérêt aussi d’un développement sainement durable. Le modèle ESS français en chiffres**, c’est déjà plus de 10% du PIB national, 14% d’emplois dans le privé, 200 000 sociétés, 2,36 millions de salariés et 12 millions de bénévoles. Un projet solidaire appliqué majoritairement, dans l’immédiat, par des petites et moyennes entreprises mais qui tend à se développer aussi vers les grands groupes comme les banques mutualistes mais également les assureurs. En somme, un principe local et respectueux visant à répondre aux besoins et non à les créer.
Un projet graduel international aussi porté par la France
À l’image d’une noble vinification, l’appétence et les saveurs de l’ESS n’ont eu de cesse de monter progressivement en puissance, démontrant de surcroît une récente expansion notoire en période pré et post-covid. Une expansion qui n’a pas laissé indifférente la Commission européenne sachant l’exploitation sociale et économique en question (2,8 millions d’entités à travers l’U.E) dans les 27 pays membres. Mais là où le bât blesse, c’est qu’au final, bien que cela relevait pleinement de l’ESS, chacun y mettait ses propres définitions, ses modes d’emploi et pratiques, ses plans d’action voire même sa législation. C’est ainsi qu’en fin d’année 2021 fut officiellement lancée l’étude d’un plan d’action européen visant à appuyer l’essor, le développement et la pleine mise en lumière de l’ESS.
Tel un effet domino, cette première avancée mutualisée marquera le point de départ, quelques mois plus tard, en 2022, de travaux de recommandation et de reconnaissance internationale, par l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde) ainsi que l’agence spécialisée ONUsienne de l’Organisation internationale du travail (OIT). Soit 177 états membres ouvrant officiellement un débat sur l’ESS et la notion de « Travail décent » ainsi qu’une adoption de votes à l’unanimité, à l’issue de ces 2 semaines de conférence.
Un travail titanesque de fond qui ne pouvait s’arrêter en si bon chemin sachant la pleine implication de la France, aux côtés notamment de l’Espagne, du Sénégal ou encore du Chili, pour faire valoir à échelle encore plus conséquente, ce modèle économique défendu internationalement, basé, de surcroît, sur la référence législative française.
Mayotte terrain pilote et ambassadeur reconnu de l’ESS
C’est donc la semaine passée, qu’une délégation française, conduite par la secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, Marlène Schiappa, s’est envolée direction le siège des Nation Unies à New-York, rejoignant 14 autres pays porteurs de ce projet, afin de faire officiellement acter l’appellation, la visibilité et la pleine intégration législative de l’ESS — calquées sur le modèle Ocde-OIT et donc, sur la définition française — à travers les 193 pays adhérents.
Une victoire certaine, mettant à mal cette injuste idée préconçue d’une économie alternative passagère et marquant par la même occasion, le point de départ d’un grand nombre de chantiers politiques, géopolitiques et économiques pour la mise en application de tout cela.
Une mise en application et en lumière déjà bien concrète, reconnue internationalement du point de vue franco-mahorais. En effet, cocorico et mabawa ! S’il y a bien une énième fierté dont notre territoire peut se targuer, c’est justement dans le fait d’incarner la référence ultramarine et même nationale de l’ESS, en une large portée régionale océan Indien, Canal Mozambique et même Est Africaine, grâce aux missions de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) de Mayotte et à l’appui financier du Conseil départemental : « Là où d’autres territoires sont en phase d’étude et de vision, nous, nous parlons d’expérience avec déjà un certain recul et une réussite en termes de diplomatie économique et internationale et ce, malgré notre petite superficie, nos défis géopolitiques et nos enjeux » nous indique Kamal Youssouf, directeur de la Cress.
C’est donc tout naturellement que le tout premier territoire ESS français à avoir impulsé une coopération hors de ces murs insulaires et nationaux (en plus des 24 entreprises ESS créées localement), se devait d’envoyer 2 de ses représentants aux côtés de la délégation Bleu Blanc Rouge. Ce sont Djémilah Hassani, référente stratégique internationale ESS / Cress Mayotte et Ben Amar Zeghadi, délégué général Cress Mayotte et délégué national ESS France aux Outre-mer, qui sont allés présenter, outre-Atlantique, les bienfaits du modèle économique escompté ainsi que les cas pratiques et concrets : « Par le biais de la Cress Mayotte, la France a été dignement représentée au sein de cette Assemblée générale de l’ONU. C’est un moment historique et aussi un point de départ pour l’ouverture de l’ESS entre l’Outre-mer et le Monde bien que Mayotte incarne, depuis quelques années déjà, un territoire ESS innovant, ouvert, inspirant et reconnu par d’autres pays », nous confie avec joie B.A. Zeghadi.
La victoire à peine savourée, le jet lag tout juste digéré, c’est ce même dynamique duo d’ambassadeurs Cress/ESS franco-mahorais en plus d’autres membres ultramarins, français et internationaux actifs et engagés, du tissu économique social et solidaire, qui se rendront au Global social economy Forum (GSEF) 2023 de Dakar, du 1er au 6 mai prochains. Ce forum mondial dédié à l’ESS, qui aura pour thématique : La transition de l’économie « informelle » vers des économies collectives et durables pour les territoires, sera un parfait terrain pratique afin de continuer ce travail de plaidoyer, de diffusion, de recherche de coopérations et partenariats internationaux, en faveur de ce modèle de plus en plus convoité qui se veut efficace remède face aux aspects néfastes des crises actuelles ainsi que de la mondialisation.
« Seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin »; ce vieux proverbe africain, reflet de la sagesse collective, n’aura jamais autant pris tout son sens…
MLG
*Bien que les premières notions d’Économie sociale et solidaire remontent au 19ème siècle, c’est au début des années 2000 que l’ESS prendra son évolution structurelle et législative officialisant le 31 Juillet 2014 son adoption de loi en France sous la forme qu’on lui connait actuellement.
** Données du Ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.