L’opération Wuambushu offre une tribune sans limite aux Comores. « Opération anti-migrants à Mayotte : les Comores accusent la France de vouloir semer la ‘violence’ », titre l’Obs, « Opération anti-migrants à Mayotte : la France sème la « violence », selon les Comores », rapporte à l’identique Ouest-France, « Mayotte : l’opération « Wuambushu » dans le viseur des Comores », signale le Huffington Post, quand Réunion la 1ère s’interroge, « Mayotte : que vont devenir les étrangers visés par l’opération Wuambushu ? ».
« Lancée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, l’opération anti-migrants est contestée par les Comores comme par les associations de défense des droits humains », développe le Huffington, tandis que le quotidien Ouest-France rapporte que l’opération voulue par Gérald Darmanin à partir de ce week-end, « fait vivement réagir les Comores, d’où sont issus la plupart des sans-papiers vivant à Mayotte. Ils demandent à la France d’annuler ses plans ». Les deux médias citent le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie, « Nous recommandons aux Français de renoncer vivement à l’opération Wuambushu ».
Venant d’organes de presse très professionnels, on ne peut que s’étonner de cet engouement soudain pour la parole comorienne, et d’une sous-représentation dans leurs colonnes des prises de paroles des élus mahorais. Ce sont des entrefilets pour rapporter que les députés Mansour Kamardine et Estelle Youssouffa, et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, réagissent face aux prises de position des associations de défense des droits de l’homme. Mais il est vrai, des déclarations d’élus difficiles à retranscrire pour des plumes métropolitaines moulées dans le politiquement correct. Et dont les envoyés spéciaux resteront quelques jours, au mieux des semaines, sur le territoire, et repartiront loin du quotidien de la population.
« Les étrangers reconduits ne font que rentrer chez eux »
« Je veux que cette opération aille jusqu’au bout, car au final, c’est la paix civile qui est en jeu », expliquait Mansour Kamardine dans un communiqué la semaine dernière, rapportant que ce sont « des artificiers du chaos qui s’émeuvent que l’Etat engage une reprise en main ». Sur les ondes de Sud radio ce mercredi, il expliquait aux oreilles métropolitaines les 75% de naissances à l’hôpital imputables aux femmes comoriennes, induisant la saturation des services publics rapportée dans un document du gouvernement sur la prise en charge des mineurs à Mayotte : écoles en rotation, hôpital engorgé, service de l’eau insuffisant, environnement dégradé, etc.
Comme en réponse à la question de Réunion la 1ère, le juriste et écrivain Abdelaziz Mohamed Riziki Mohamed, déclarait dans une tribune publiée par Le Mohélien (site d’information d’une des trois îles des Comores), « Les étrangers en situation irrégulière qui sont reconduits ne font que rentrer chez eux ». Un écrit utile qui permet de contrer ce qui perle sous ces porte-voix que sont actuellement certains médias nationaux français, le doute sur une Mayotte qui aurait fait le choix d’être française induisant la situation actuelle.
Soulignons que Wuambushu va reprendre pour partie des opérations de démolitions de cases en tôle qui ont déjà été menées sans que cela n’ait trop ému auparavant, et programmées de longue date soit dans le cadre de la loi Elan, soit de RHI. Nous n’avalisons pas là l’opération dans ce qui nous en est retranscrit d’éviction d’étrangers en situation irrégulière y compris ceux qui sont pacifiquement installés à Mayotte, alors qu’il faut s’en prendre aux familles des jeunes qui sèment le chaos. Et avec un retour certain sur notre île plus tard.
Mais ce que les médias nationaux doivent aller chercher, ce sont les raisons qui poussent les plus pauvres parmi les plus pauvres à prendre la mer. Et au lieu de se faire les porte-paroles du gouvernement comorien, lui demander des comptes sur ce qu’il est advenu des millions d’euros que la France lui alloue depuis des années, dont les 150 millions d’euros du plan de développement France-Comores, sur l’état de son système éducatif, de ses hôpitaux dont les patients nourrissent les kwassa sanitaires vers Mayotte, etc. Cela rendrait service à Mayotte et donc au pays, et n’attiserait pas la haine au sein de la population mahoraise qui se sentirait écoutée.
Et pour tout à fait renverser la tendance, rapportons ce que nous disait non sans ironie ce mercredi un Grand-comorien entrepreneur vivant depuis longtemps à Mayotte, « de toute façon, à la fin, les quatre îles seront françaises ! ».
Anne Perzo-Lafond