«Depuis Chirac, nous n’avons plus de président qui gère l’Outre-mer». Prononcée à Mayotte, cette petite phrase de Nicolas Dupont-Aignan a de quoi faire bondir ceux qui défendent le bilan du quinquennat Hollande. Ceux-là ne manqueront pas de mettre en avant les avancées sociales obtenues par Mayotte, le volontarisme dans le combat contre la vie chère ou encore la loi pour l’Egalité réelle. Mais cette phrase en dit long, à la fois sur l’enjeu que représentent les Outre-mer dans une élection nationale et… sur le fait que nous n’avons pas de candidat qui connaisse réellement l’Outre-mer.
Cependant, tout le monde peut apprendre! A Mayotte, les journalistes se souviennent de la première visite de Victorin Lurel, alors porte-parole du candidat Hollande : «Vous devez avoir environ 150.000 électeurs», estimait-il alors. Celui qui allait devenir ministre des Outre-mer ne connaissait pas du tout Mayotte.
Bien sûr, l’élection présidentielle se joue essentiellement en métropole. Mais en 2017, ils se pourrait que chaque voix compte car les sondages actuels dessinent un scénario: ça sera serré pour décrocher une place au second tour, face à Marine Le Pen, donnée systématiquement qualifiée. Cela se jouera peut-être à quelques centaines voire dizaines de milliers de voix. Et elles pourraient se trouver en Outre-mer.
7% de l’électorat
L’élimination de Lionel Jospin en 2002 a laissé des traces. Il avait manqué 200.000 voix au candidat socialiste pour être présent au second tour, doublé à la surprise générale par Jean-Marie Le Pen. Dans la majorité des territoires ultramarins, il avait été devancé par Jacques Chirac, dont évidemment en Guyane où Christiane Taubira avait fait le plein.
La clé d’un scrutin serré se trouve donc peut-être à des milliers de kilomètres de la métropole. Pour les candidats, il est donc nécessaire de prendre l’avion et tenter d’aller convaincre les 1,6 millions de citoyens inscrits sur les listes électorales ultramarines. D’autant qu’en y ajoutant les membres des «diasporas» en métropole, l’Outre-mer représenterait 3 millions d’électeurs, soit 7% de l’électorat français. Impossible de faire l’impasse : le poids de l’Outre-mer est équivalent à celui d’une région métropolitaine comme la Bretagne.
Le club des trois
La différence réside dans la très grande hétérogénéité des territoires, du point social, économique… et démographique. Quand le candidat voyage, soit il choisit d’aller partout et cela s’organise longtemps à l’avance, soit il fait un choix stratégique.
L’exemple de François Fillon est très parlant. En visite dans l’océan Indien, il parle de Mayotte… depuis La Réunion. Nos voisins sont en effet le territoire d’Outre-mer le plus peuplé électoralement avec 578.355 inscrits lors de la présidentielle précédente en 2012. Avec la Martinique (302.700 inscrits) et la Guadeloupe (298.169), c’est le club des DOM incontournables… A côté, Mayotte compte peu. Avec nos 77.500 inscrits, nous représentions en 2012, sept fois moins d’électeurs potentiels que La Réunion.
Des poids électoraux différents
Mayotte est le 4e Outre-mer le plus petit en termes inscrits. Nous sommes certes devant Saint-Pierre et Miquelon (4.922 inscrits) et Wallis-et-Futuna (8.942), mais loin derrière tous les autres, y compris la Polynésie (186.938), la Nouvelle-Calédonie (165.338). En 2012, pour la première fois, nous avons doublé la Guyane qui comptait alors 77.089 inscrits.
Mais Mayotte a une autre particularité, difficile à saisir pour les candidats: elle vote toujours de façon un peu particulière. Nous avons placé Nicolas Sarkozy en tête quand François Hollande gagnait. Nous avons majoritairement voté pour Ségolène Royal quand Sarkozy décrochait l’Elysée. Pour mémoire, François Fillon a obtenu 1,5% des voix mahoraises lors du 1er tour de la primaire de la droite et du centre… nous ne sommes que rarement en phase avec l’élan national.
Des propositions passe-partout
Quant aux programmes pour les Outre-mer des candidats, ils développent évidemment des propositions… qu’il est bien difficile d’attribuer à l’un ou à l’autre, tant les mesures proposées semblent pleines de bon sens: faire baisser le chômage des jeunes, investir dans la formation, ouvrir les Outre-mer sur leur région, accélérer la transition énergétique, mettre le paquet sur la lutte contre la délinquance… De grandes idées qui révèlent la complexité de dresser des propositions pour des territoires spécifiques alors que le projet des candidats est avant tout national.
Bien sûr, chacun a tout de même sa proposition pour marquer les esprits. Marine Le Pen veut (re)créer un ministère «de la mer et des Outre-mer», François Fillon propose que le droit du sol soit révisé à Mayotte et en Guyane, Benoit Hamon promet de limiter le nombre d’élèves par classe de CP à 20 et veut garantir un droit à la scolarisation dès l’âge de 2 ans… Pas sûr que tout ceci puisse devenir réalité en cas de victoire des uns ou des autres. On attend les «punchlines» d’Emmanuel Macron au mois de mars lors de sa visite dans notre département.
RR
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