Alors que sur notre sol les besoins médico-soignants ne cessent de s’accroire de manière exponentielle à proportion justifiée d’un développement démographique toujours aussi rythmé, il est une réalité sécuritaire et sociétale qui ne plaide guère en l’attractivité même du territoire. En somme, les serpents du caducée mahorais qui se mordent la queue ! Et c’est bien dans cette optique, allié au souhait premier de garantir des conditions de travail viables et la saine ataraxie de nos professionnels de Santé, que le préfet et le directeur de l’ARS Mayotte ont co-signé très récemment un engagement de sécurisation.
Étude et présentation du terrain
C’est à l’initiative des infirmiers de notre département que les débats sécuritaires, au regard de leurs respectives conditions de travail, se sont officiellement ouverts, générant pleine écoute et concrétude dans la mise en action des moyens, de la part du préfet et du directeur de l’Agence régionale de santé de Mayotte, donc, mais aussi des forces de sureté intérieure; effectifs Police et Gendarmerie confondus. Ayant été fait un état des lieux récent de notre territoire, dans le cadre des besoins et de la mise en place de ce plan S.U.R.E.T.É, une enquête* auprès de 400 professionnels de santé a permis de relever que 86% d’entre eux « évaluent négativement la qualité de la sécurité à l’extérieur de leur domicile » et que 69% des infirmiers « déclarent avoir déjà été victime de violence dans le cadre de leur exercice ».
De tristes faits que confirme Faissoili Douhoucham, infirmier depuis plus de 10 ans à Mayotte :
« J’ai connu une époque où l’on pouvait se rendre sans crainte chez nos patients et ce, même à des horaires décalés comprenant l’aube ou bien même la nuit. Caillassages, effractions de nos véhicules, violences verbales et même physiques avec vol en bande, font désormais partie de notre quotidien mais c’est invivable ». Une situation invivable liée directement à l’aspect sécuritaire personnel qui constituerait, sans surprise, toujours selon cette même enquête, le 1er facteur de départ des professionnels de santé allié à cette éternelle problématique de notre fort turn-over local.
À cette instabilité se greffe également un ralentissement de l’engouement, même intérimaire et CDD, de notre île pour causes d’informations et de faits divers peu réjouissants relayés par la presse nationale : « La une du magazine Paris-Match en fin d’année dernière a eu un effet incroyablement délétère pour notre territoire », nous indique Olivier Brahic, directeur ARS Mayotte, avant de poursuivre,
« cela a impacté directement les recrutements des professionnels de santé censés venir prendre leurs fonctions. Ils ont été au final, entre 10 et 20% à se rétracter par peur ». Une peur qu’il faut donc désormais amoindrir et combattre en mutualisant les divers moyens déjà existants et en complétant d’autres axes qui le nécessitent car « la sécurité c’est l’affaire de tous », comme le rappelle Thierry Suquet, préfet de Mayotte.
Les 6 axes du plan d’action S.U.R.E.T.É.
La mise en place de ce 1er plan d’action se veut avant tout accessible, exécutable mais aussi évolutive. La dynamique initiale aspirant justement en une cohérente mise en place de moyens concrets à court voire très court terme. « S.U.R.E.T.É » qui signifie tout bonnement les 6 axes suivant :
- Sensibiliser
- Unir
- Remonter
- Établir
- Tester
- Et enfin Équiper.
Dans les grandes lignes, ce plan offrira aux personnels soignants libéraux mais aussi d’institutions hospitalières publiques, de pouvoir être sensibilisés et d’échanger lors de réunions d’accueil en présence des forces de l’ordre, de suivre des formations courtes de self-défense et 1er réflexes par des professionnels de Défense, de bénéficier d’une ligne directe dédiée, en cas de problématique, ou encore d’être acteur et de faire remonter des informations visant la mise en place d’une cartographie régulièrement actualisée de zones et lieux problématiques et/ou dangereux.
À ces différents dispositifs, pour lesquels patrouilles de police et gendarmerie établiront et renforceront aussi des tournées, notamment en des zones hospitalières et soins exposées à des faits de violence, se greffera un aspect purement logistique et sécuritaire, financé par l’ARS, visant à équiper tous les véhicules des professionnels de santé, libéraux inclus, de films protecteurs pour les parois vitrées afin d’éviter les risques de blessure lors d’attaques intentionnelles, notamment de jets de pierres. Il est à noter qu’une expérimentation se mettra d’ici peu en place, en une partie précise du territoire, équipant nos personnels de santé (toutes spécialités confondues) d’un système de Push Alert (Bip Action) qui permettra en 2 étapes de suivre la sécurité et les besoins du personnel ayant activé ce Bip. La première étape relevant d’une société de sécurité privée, la seconde étant le relais établi directement auprès des forces de l’ordre.
« À travers tout le bénéfice de ce dispositif qui se concrétise, et pour lequel nous remercions les services de l’État, nous espérons sincèrement que nos conditions de travail très difficiles vont enfin s’alléger », nous confie avec émotion Saindou Allaoui, représentant des infirmiers civils libéraux de Mayotte.
Des professionnels libéraux recensés à près de 389 sur notre territoire, selon les chiffres 2021 de l’ARS, mais qui tendraient à diminuer pour les raisons sécuritaires évoquées. Espérons que ce fort engagement de terrain redonne regain d’espoir aux différents services des ressources humaines de santé de notre territoire mais aussi regain d’envie et courage aux personnels déjà présents et ceux à venir, qui aspirent à une expérience indéniablement dépaysante mais, avant tout, intensément humaine.
MLG
*Enquête faite par le Comité intersectoriel mahorais pour l’attractivité, l’installation et la pérennisation des professionnels de santé de Mayotte (Cimaipps). Travail partenarial de l’ARS Mayotte dans ses missions prioritaires d’activité de notre territoire.
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