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Mamoudzou

Sous le soleil, la pénurie

Quand le sage montre le ciel, l’avisé guette les nuages à Mayotte ! Au déficit de production par potabilisation de l’eau du syndicat des Eaux de Mayotte, s’ajoute une pluviométrie défaillante. Nous sommes allés chercher un semblant d’espoir du côté des travaux de l’augmentation de production de la ressource et des prévisions de vaches maigres de Météo France en cette fin de saison des pluies.

A Mayotte, la population consomme 39.000 à 40.000 m3 par jour. En face, la production journalière moyenne est de 38.000 m3, qui peut monter à 39.500 m3 dans les situation les plus favorable, avait indiqué le syndicat des eaux, mais la croissance démographique maintient ce contexte de sous-production.

Nous bénéficions de 4 types de ressources en eau potable : les prélèvements en rivières, les forages dans les nappes aquifères souterraines, les deux retenues collinaire et l’usine de dessalement. En saison des pluies, ce sont les deux premières sources qui nous alimentent, ainsi que pour 5% de la production, l’usine de dessalement. En saison sèche, nous puisons dans les retenues collinaires.

Or, nous l’avons constaté, il a très peu plu en février, mois central de la saison des pluies. Météo France chiffre ce déficit : « Après une saison des pluies 2021-2022 copieusement arrosée sur le département de Mayotte, le bilan pluviométrique du deuxième semestre 2022 est largement déficitaire. Ces déficits n’avaient pas atteint de tels niveaux depuis 2016. Les mois de janvier et février 2023 n’ont pas permis de rattraper le déficit accumulé. Si sur le secteur de Mamoudzou il ne manque au maximum qu’un quart des pluies, le reste du territoire affiche un déficit pluviométrique compris entre 25 % et 50 % ». Un déficit particulièrement marqué sur les deux retenues collinaires du territoire, celle de Combani n’est pleine qu’à 33%, contre 105% en 2022 à la même date (en raison de la rehausse), et celle de Dzoumogne à 19%, contre 60% il y a un an.

Le déficit de production doublé de celui de la ressource a maintenu les coupures bihebdomadaires que nous connaissons chaque année, et qui sont normalement stoppées en février.

La sécheresse au menu des prévisions de Météo France

Le syndicat des Eaux épaulé par l’Etat

Le syndicat Les eaux de Mayotte, qui agit pour les communes et les interco, tente de rattraper son retard d’investissement lié à des malversations passées. Plusieurs plans et subventions du gouvernement n’avaient pas été utilisés. Cette fois, le Contrat de progrès 2022-26 de 411 millions d’euros, signé le 23 août 2022, est en cours d’engagement. Le syndicat nous a indiqué que les emprunts correspondants aux opérations à mener étaient « en cours de contractualisation ». Quant au fonds européen Feder, dont les axes du programme opérationnel recoupent ceux du Contrat de progrès, « les préfinancements sont en cours de signature avec l’AFD pour engager les travaux avec les entreprises », nous avait indiqué la direction de la structure. Sont en cours d’exécution : des travaux de forages (réhabilitations et travaux neufs) mis en service à partir de fin 2023 jusqu’en 2025, l’amélioration de l’usine de dessalement de petite terre avec une livraison envisagée fin 2023, et le projet de la nouvelle usine de dessalement de grande terre en cours d’étude pour une production fin 2026.

Les deux premiers investissements directement opérationnels sont donc les forages et l’extension de l’usine de dessalement de Petite Terre pour 4 millions d’euros, qui devrait nous apporter 2.500m3 supplémentaires par jour, de quoi combler le déficit entre production et consommation à l’instant T. Mais à T+1, la population aura déjà augmenté de 3,8% par an, d’autres investissements doivent donc être menés.

Répondant à une question du député Kamardine sur le déficit en eau potable, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, en charge des Outre-mer, se disait vigilant quant à efficacité du syndicat, « Une convention d’assistance à maitrise d’ouvrage DEAL-Les Eaux de Mayotte a été signée en janvier 2022. L’Etat met également en place un portage salarial de 4 Equivalents Temps plein, placés directement auprès du syndicat pour 300.000 euros, renouvelable une fois. Les recrutements sont en cours ». Des moyens supplémentaire financiers et humains dont on espère qu’ils seront plus efficace que le comité de pilotage qui était censé cadrer le mandat de Bavi. Mais c’est une autre époque.

Attendre début avril

retenue collinaire, Mayotte, comité de la ressource en eau
La retenue collinaire de Combani à un des ses plus bas niveaux

La population elle, veut avoir de l’eau au robinet, et le problème va s’accentuer au mois de juillet, si aucune dépression ne touche Mayotte avant la fin de la saison des pluies, marquée par la remontée de la Zone de convergence intertropicale. Car dès fin juin, nous allons puiser dans des retenues collinaires très déficitaires.

Un semblant d’espoir vient de Météo France. Début mars, le come-back inattendu du cyclone Freddy après son « touch and go » sur le Mozambique, a aéré notre quotidien avec des vents de Nord. S’ils ont été bénéfiques en faisant tomber un peu la température la semaine passée, ils ont drainé toute la couverture nuageuse dans le sillage de Freddy, nous privant de pluies salvatrices. Depuis que le cyclone est descendu vers le Sud, l’absence de vent et de pluies laissent le champ libre à un soleil de plomb, nous faisant subir de grosses chaleurs, nuisible aux cultures et facteur d’évaporation dans les rivières et retenues collinaires. Une chaleur qui provoque l’augmentation de la température de l’eau… jusqu’à provoquer la naissance d’une perturbation ? Météo France évoque, « la formation d’un autre système plus à l’est, dans les environs des Mascareignes, même si la probabilité est estimée faible. Retour au calme envisagé ensuite pour la deuxième quinzaine de mars, avant un possible regain d’activité début avril sur la partie ouest du bassin. »

En attendant, c’est toute une éducation qui est à mener pour à la fois économiser la ressource, en menant des campagnes sur les bons gestes (ne pas laisser couler l’eau au robinet), en incitant fiscalement à se doter de cuves de récupération des eaux de pluies (la Région Martinique subventionne des aides jusqu’à 90% en fonction des revenus), et en programmant des replantations végétales sur l’ensemble d’une île dont le couvert forestier a été abîmé. A ce titre, la première assemblée générale de la Réserve naturelle forestière de Mayotte que nous avons couverte ce vendredi, est encourageante, il faut maintenant décliner les moyens.

Notre avenir immédiat en matière d’eau potable est donc dépendant de ces projections peu optimistes sur les semaines à venir, toute incantation pour faire venir la pluie est donc la bienvenue !

Anne Perzo-Lafond

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