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Muté pour sa gestion du foncier du département, Ismaël Kordjee attaque en justice

Sur quel foncier le conseil départemental peut-il compter pour asseoir ses projets et ceux du territoire ? La réponse à cette question ne satisfaisant pas ceux qui doivent les mener, le directeur des affaires foncières a été muté.

Depuis quelques mois le conseil départemental, gros propriétaire foncier de l’île, veut inventorier les hectares qui sont dans son escarcelle. Selon l’Etablissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM), le département possède 42% du foncier public de l’île. Une richesse cependant toute relative puisque 92% de ces terres sont en zone agricole ou naturelle, donc non constructible. D’autre part, une grande partie des 15.000 hectares détenus est occupé de longue date par des personnes privées de façon coutumière. Cette absence de disponibilité des surfaces freine les politiques publiques en faveur du logement. Et à l’heure où les projets de mobilité (routes, etc.), de retenues collinaires, de forages, d’hôpital, de terrains de sport, et on en passe, sortent des cartons, la maison se réveille moins riche que prévu.

Celui qui en a la charge, Ismaël Kordjee, directeur des affaires foncières du Département de Mayotte, vient d’être indexé, et prié de laisser son poste. Salime Mdere, 1er Vice-président chargé de l’Aménagement du territoire, des Infrastructures et du foncier, s’en explique : « La mobilité c’est parfois nécessaire. Alors qu’il exerce à ce poste depuis une dizaine d’années, nous avons proposé une mutation interne à Ismaël Kordjee, sur un poste de chargé de mission du patrimoine immobilier départemental, avec les mêmes droits qu’auparavant. Car le foncier est devenu un enjeu primordial, or nous lui demandons des informations qu’il ne nous remonte pas. Nous lui demandions d’être plus performant. »

Ismaël Kordjee contre-attaque en justice (Photo d’archives)

En cause, un foncier qui a fondu comme neige au soleil, « notre vocation, ce n’est pas de vendre du foncier, mais de réaliser des projets. S’il faut régulariser des occupants présents depuis 30 ans sur nos terrains, pas de problème, mais il faut arrêter de céder nos parcelles à chaque agriculteur qui en fait la demande, notamment à Combani », poursuit l’élu.

Précisément, c’est à Combani que le projet de 2ème hôpital doit voir le jour, et le foncier qu’on pensait sécurisé à hauteur de 11 hectares, ne l’est plus. « Ce sont des privés qui sont là maintenant, le CHM est en cours de négociation avec eux. » Ce qui peut faire grimper la note.

Pas de Schéma directeur

Même problème en Vallée III à Longoni, « c’est la catastrophe là-bas. On a vendu beaucoup d’hectares à des acteurs économiques qui n’ont jamais rien réalisé dessus. Nous devons arrêter de vendre et signer plutôt des baux emphytéotiques. »

Pour l’élu chargé du foncier, il faut « mettre de la cohérence » dans l’utilisation du foncier par le Département, ce qui n’est pas le cas, notamment parce que c’est le rôle du Schéma directeur départemental du foncier et qu’il n’aurait jamais été rédigé pour Mayotte.

Beaucoup de manquements, donc, ce qui justifie pour lui de muter Ismaël Kordjee. Nous l’avons sollicité en vain pour entendre son point de vue.

La Maison départementale du foncier a plus de 10 ans

Pour autant, se séparer d’un agent demande des préalables, met en garde un juriste qui nous a alerté pour avoir suivi les multiples recours, gagnants, d’anciens agents du CD auprès du tribunal administratif contre leur employeur. « Ce qui est proposé à Ismaël Kordjee, c’est une sanction déguisée. Or, lorsqu’on a des reproches envers un agent, il faut une graduation : un avertissement pour commencer, puis un blâme, etc. D’autre part, à partir du moment où la vente du foncier s’est faite légalement, il faut savoir si des consignes de conservation du foncier lui avaient été données. »

Alors, sanction ou mutation interne ? C’est encore une fois le tribunal administratif qui devra en juger, et ce sera ce 10 mars, puisque saisi en référé par Ismaël Kordjee.

Cela ne ramènera pas en tout cas le foncier cédé.

Anne Perzo-Lafond

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