Les prud’hommes officiellement sur les rails à Mayotte après de multiples reports

Officiellement installé en l'absence du ministre de la Justice, le conseil des prud'hommes de Mamoudzou marque la fin d'un long processus, qui a permis une préparation optimale. L'audience d'installation de cette nouvelle juridiction se tenait vendredi dans une salle comble.

« Nous sommes à l’achèvement d’un processus initié il y a près de 10 ans ». Dans sa robe rouge, le premier président de la cour d’appel de St Denis, dont dépend le tribunal de Mamoudzou, mesure la solennité du moment. « On a l’habitude d’installer des magistrats, mais une nouvelle juridiction, c’est une première, et ça ne se renouvellera peut-être pas » abonde la procureure générale Fabienne Atzori.

Avec l’installation du conseil des Prud’hommes, Mayotte rejoint le droit commun, et une institution nationale créée en 1806 par Napoléon à Lyon, et aujourd’hui forte de plus de 14 000 conseillers dans 202 juridictions qui traitent pas moins de 200 000 affaires par an.

Ainsi ce 18 février était « à marquer d’une pierre blanche pour Mayotte » selon la présidente élue du conseil des prud’hommes Gaelle Biguet.

D’autant plus que le processus a été long et semé de rebondissements. Prévu depuis une décennie avec la départementalisation, cet alignement sur le droit commun a été repoussé en 2015 par une loi qui en prévoyait la création en 2018, puis de nouveau en 2017 avec une échéance en 2022. La date approchant, le conseil devait être installé en présence du ministre de la Justice Eric Dupont Moretti, le 4 février, puis le 14, puis le 18… Le ministre n’étant pas venu, l’installation s’est faite sans lui.

« C’est toujours émouvant d’assister à une naissance »

Qu’à cela ne tienne, l’attente valait le coup selon Dominique Ledemé, chargé de projet du ministère du Travail qui a multiplié les missions à Mayotte pour préparer la création des Prud’hommes.

Dominique Ledemé aux côtés du sénateur Abdallah

« C’est la dernière étape d’un long processus, les partenaires sociaux comme les services de l’Etat se sont mobilisés. Je retiens cette mobilisation de l’ensemble des acteurs, qui a été bien au delà de nos espérances. On a monté une adaptation a avec deux sections qui correspondant à la réalité de Mayotte, des formations sur mesure et chaque conseiller va pouvoir durant l’année aller en observation dans un autre conseil. La naissance de ce conseil des prud’hommes est un moment important. On est arrivés à un groupe de 28 conseillers, ayant conscience de leurs responsabilités. A titre personnel c’est un aboutissement, c’est toujours émouvant d’assister à une naissance. Et le fait que ça soit 6 femmes qui soient présidentes, ça s’inscrit aussi dans l’histoire de Mayotte. C’est une étape, il y aura d’autres à Mayotte » assure le chargé de mission, qui évoque notamment le sujet des conventions collectives, actuellement applicables sur la base du volontariat, mais pas encore obligatoires.

Et si le fonctionnaire parle à « titre personnel », c’est qu’il connaissait déjà Mayotte depuis près de 30 ans. « Y retourner en 2016 a été un moment fort » se souvient-il. Surtout quand le préfet de l’époque « m’a qualifié d’amoureux de Mayotte, ça m’a donné encore plus envie d’y aller ».

Après six ans de travail, les reports successifs ont porté leurs fruits selon lui. « J’ai milité pour le report parce qu’il me semblait que c’était faire un cadeau empoisonné que de mettre en place un nouveau code du travail et de demander le même jour aux partenaires de juger sur la base de ce code. On aurait pu le faire mais le cabinet du Premier ministre nous avait dit, OK pour le report mais ne venez pas nous dire dans quatre ans que vous n’êtes pas prêts. Pendant quatre ans on a vraiment travaillé à une vraie préparation. »

La présidente Gaëlle Biguet

Quatre années qui ont permis des formations au droit du travail mais aussi des sessions dispensées par l’école nationale de la magistrature, des stages, « tout ça, il fallait lui laisser du temps. La crise sanitaire a compliqué les choses mais malgré ça on a réussi. Si on avait eu le CPH au premier janvier 2018, on n’aurait pas eu le temps de cette préparation et on aurait peut être pris le risque de vivre ce qui s’est passé en Guyane, où le conseil des prud’hommes n’a pas pu fonctionner et où c’est le tribunal judiciaire qui en a repris les compétences. C’est un peu un traumatisme, des conseillers démissionnaient, il y avait des problèmes de respect de la déontologie… On voulait surtout éviter ça. »

Préparés et motivés, les conseillers ne vont pas tarder à prendre les dossiers en main. « Tous les paramètres sont réunis pour rendre la justice avec zèle, intégrité et dans le respect du secret des délibération » a conclu Gaelle Biguet.

Y.D.

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