Ce sont des millions d’euros qui ont échappé aux comptes du département, de quoi alerter le procureur financier qui avait saisi la Chambre régionale des Comptes (CRC). Le procureur demandait aux sages de statuer sur le rôle de trois comptables du Conseil général, deux hommes et une femme, sur le rôle qu’ils ont joué dans ces dossiers, ou plutôt sur les manquements professionnels qui auraient fait perdre ces sommes au Département.
Pour les comptables, la démarche pouvait être lourde de conséquence : les manquements qui leur était reprochés était «de nature à engager leur responsabilité personnelle et pécuniaire». En clair, la CRC aurait pu leur demander de régler tout ou partie de ces montants !
Ce sont trois affaires distinctes qui ont été instruites par la CRC. Les deux premières portent sur d’énormes dettes du syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM) vis-à-vis du Conseil général. Il y en avait pour 704.363,54 euros et 2.088.256 euros.
Cette dette remontait au mois de mai 2007 et, dans ce genre de dossier, elle ne peut courir que 4 ans. Passé le délai, elle est prescrite et donc perdue. Or 4 ans après, en 2011, l’argent n’est toujours pas rentré dans les caisses départementales. Pour le procureur financier, pas de doute: c’est le comptable, Monsieur X, puis son successeur, Monsieur Y qui sont responsables. Pour lui, les comptables n’ont pas accompli les «diligences prévues », autrement dit, ils n’ont pas relancé le SIEAM dans les temps. Ils sont donc coupables de manquement professionnel.
Les dettes du SIEAM
Pas du tout, tranche finalement la CRC. Dans cette affaire, la Chambre donne raison aux comptables. Les sages se sont replongés dans les comptes et dans les dossiers. On apprend ainsi, qu’à l’époque, le SIEAM devait des sommes encore plus importantes au Conseil général : plus de 3,9 millions d’euros ! Une broutille. Mais la CRC a bien retrouvé un courrier de relance établi en février 2011 par le premier comptable, soit 3 mois avant la prescription de la dette. Et parmi ces millions se trouvait bien les deux montants en cause. Le premier comptable, qui n’exerce plus depuis 2012, et le second qui a quitté ses fonctions en 2014, sont donc mis hors de cause.
L’histoire ne dit pas si, depuis, le Département a récupéré ces dettes faramineuses. La Chambre régionale des comptes reste silencieuse sur la question ce qui semblerait signifier que cet argent a bel et bien été perdu.
La caisse de retraite a remboursé
Le 3e dossier concerne Madame Z, elle aussi comptable au Département. Cette fois-ci, la dette dont elle n’aurait pas sollicité le paiement dans les temps concerne la Caisse de retraite de Mayotte. Les montants ont été réclamés entre mars et avril 2010 et là encore, 4 ans après, il n’y avait trace ni de règlement ni de relance. On parle ici d’une série de 10 lignes comptables, 10 montants impayés que le JDM a pris soin d’additionner: il y en avait au total pour 516.813,68 euros. Là encore, compte tenu des finances départementales, le manque à gagner était loin d’être négligeable.
La Chambre régionale des Comptes ne précise pas si la comptable a correctement fait son travail en relançant la caisse de retraite avant la prescription. Mais elle est, elle aussi, mise hors de cause pour une raison simple : depuis, la dette a été remboursée. Le conseil d’administration de la caisse de retraite de Mayotte a voté son paiement le 9 juin 2015, permettant ainsi au Département de recouvrer la somme.
De fausses dettes pour équilibrer les comptes
Si ces 3 dossiers concluent donc à l’absence de responsabilité des comptables, ils en disent long, à la fois sur la gestion des institutions qui devaient ces sommes au département, mais aussi sur celle du Conseil général. Un comptable a ainsi expliqué à la Chambre «l’organisation défectueuse» du département à cette époque, un Conseil général qui «a parfois émis des ordres de recettes à tort». En clair, le Département réclamait parfois des sommes qui ne lui étaient pas dues… Car, la CRC précise «qu’il ne peut être exclu que le département ait émis des titres dépourvus de fondement juridique dans le seul objectif d’afficher un équilibre apparent de ses comptes».
La Chambre régionale des comptes a déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises dans ses rapports la non-sincérité des finances des collectivités mahoraises. Grace à cet avis, nous comprenons un peu mieux ce que cela signifie.
RR
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