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Sur le grill devant le CESEM, Olivier Brahic annonce un Projet de santé Mayotte et un bateau sanitaire

La position n’est jamais confortable, mais le préfet et le recteur s’y prêtent chaque année : rendre des comptes sur les politiques publiques devant les représentants de la société civile que sont les membres du Conseil économique et social. Depuis que l’ARS est devenue autonome, c’est la 1ère fois qu’un directeur s’y pliait. Tous les thèmes ont été abordés, sans tabou.

« Madame la ministre, avions nous interpellé Georges Pau-Langevin alors à l’outre-mer en novembre 2015 lors de sa venue à Mayotte, les mahorais ont de plus en plus de mal à bénéficier d’un service public efficace, notamment sous l’effet d’une forte pression migratoire également en grand besoin ». Si le préfet Seymour Morsy avait esquissé un sourire de compréhension, la ministre avait fait un bond sur sa chaise, s’énervant, « nous avons fait beaucoup », répondait-elle. Le JDM avait alors titré sur « Un dialogue de sourd avec la presse ».

Mayotte subissait alors la double peine, prise en enclume entre la pression migratoire et une dotation de santé insuffisante pour avoir hérité d’une petite miette d’ARS, une Agence régionale de Santé Océan Indien, installée par Chantal de Singly à La Réunion. On sait depuis que nous n’avons bénéficié que de subsides, et si cela se savait dans le domaine médical, rien ne fuitait. C’est le Conseil économique social et environnemental de Mayotte (CESEM) qui avait cuisiné le directeur régional de l’ARS OI de l’époque, François Maury, qui avait lâché le morceau. On apprenait que les dépenses de santé étaient de 900 euros par habitant à Mayotte contre 3.000 euros à La Réunion, et que Mayotte bénéficiait de seulement 9% du Projet régional de santé, qui définit la politique de santé sur les territoires. Le CHU de La Réunion pouvait ainsi justifier d’une activité importante, recevant notamment des EVASAN depuis Mayotte où l’offre de soins était sous-dotée.

Ce qui incitait la population à descendre dans la rue en 2018, notamment pour demander une ARS propre à Mayotte, qu’elle obtenait quasiment aussitôt. Depuis, le Fonds d’intervention régional a été plus que doublé pour atteindre 33 millions d’euros.

Les élus du CESEM bombardaient de questions Olivier Brahic, sur tous les sujets de politique de santé à Mayotte

« Je ne vais pas attendre 2023… »

Dans le cadre des échanges sur les projets structurants pour le territoire, le CESEM reçoit les représentants des services de l’Etat. C’est peu de dire qu’Olivier Brahic était attendu sur les réponses à apporter aux défis de santé à Mayotte, « Dominique Voynet n’avait pas jugé bon de répondre à notre invitation », lâchait un des membres du CESEM.

Il ne faut pas sous-estimer la tâche de l’ex-directrice au moment de la crise Covid en importation de vaccins ou en dépistage, soulignait Olivier Brahic, tout en indiquant qu’il n’était pas là pour faire le bilan des deux années passées. Et alors que le président Abdou Dahalani enchainait les thématiques à aborder, effet de l’autonomie de l’ARS sur l’organisation de ses services, perspectives du développement de l’offre de soins, enjeu de la prévention en santé, attractivité du personnel sur le territoire, climat social à l’ARS, etc., le directeur s’en sortait plutôt pas mal, en livrant des annonces de nature à rassurer.

Tout d’abord, il y aura un Projet Régional de Santé (PRS) propre à Mayotte, une demande du personnel de l’ARS et des syndicats que n’avait pas satisfaite Dominique Voynet. « Je ne veux pas attendre le terme de l’actuel en 2023 pour proposer un projet propre au territoire. Nous avons monté il y a quinze jours trois groupes de travail qui étudient tous les champs, l’attractivité du personnel de santé, le numérique, les transports sanitaires, la santé mère-enfant, etc. Les travaux seront présentés à la Conférence Régionale de Santé et d’Autonomie début juillet, puis, à la rentrée de septembre, nous engagerons les concertations avec les élus et notamment le CESEM ».

La question est de savoir si les compétences locales sont sollicitées, « il faut valoriser les cadres locaux », assénait à plusieurs reprises le président Dahalani, pas seulement pour son épouse, mais aussi pour l’ex-adjoint de Dominique Voynet, régional de l’étape, pour ancrer les politique de santé, notamment communautaire, qui n’a pas été évoquée au cours des deux heures d’échange.

« 40% du budget santé réservé aux non assurés sociaux »

Carla Baltus lâchait une bombe sur les 40% de budget santé alloués aux non assuré sociaux

C’est une politique d’anticipation qui est attendue et non curative avec des pansements posés ça et là. « Depuis toujours, nous ne faisons que gérer les conséquences de la pression migratoire, sans l’anticiper. Il faut configurer l’offre de santé aux 700.000 habitants annoncés en 2050. Il ne faut pas uniquement mettre l’accent sur la maternité. Les mahorais veulent se reconnaître dans leur ARS », alertait Abdou Dahalani. Une situation confortée par le témoignage de Carla Baltus, présidente du Medef : « J’ai siégé dans toutes les instances de santé, et si je peux rapporter qu’il y a bien eu une évolution depuis deux ans, et que dans certains domaines nous n’avons pas à rougir par rapport à la Guyane mon territoire d’origine, il est constamment admis que 40% du budget en santé alloué à Mayotte est réservé aux non assurés sociaux. » Une information qui rend urgente la mise en place de l’Aide médicale d’Etat qui prendra en charge cette part considérable de non assurés sociaux, et soulagera l’hôpital.

En réponse à la sous-structuration du territoire, en bâtis et en hommes, Olivier Brahic reprenait les travaux à venir, avec les échéances : « Cette année, en 2022, 30 millions d’euros sont débloqués pour les travaux d’urgence au CHM, notamment en maternité, néonatalité et psychiatrie. A moyen terme, sur 2023, 200 millions d’euros sont débloqués pour sécuriser la prise en charge des patients au CHM, dans les 4 centres médicaux de références qui deviendront des hôpitaux de proximité et les deux dispensaires, puis, ensuite, l’arrivée d’une clinique privée à Chirongui. L’implantation du 2ème site à Combani se fera dans un 3ème temps, avec le premier coup de pioche en 2025. Nous travaillons en parallèle sur la santé libérale sous deux angles, aller chercher les professionnels, locaux ou pas, en métropole, et travailler avec les collectivités sur leur aide à l’installation. » Pour attirer, il veut lancer une offensive, « se rendre dans les congrès médicaux pour faire connaître Mayotte et arrêter avec ce CHM bashing! »

L’héliSmur de Mayotte a permis de sauver des vies

Transports par terre, air… et mer

Les EVASAN restent un sujet, comme l’expliquait une élue du CESEM, « c’est normal d’en pratiquer, on ne peut avoir toutes les spécialités, mais beaucoup de mahorais n’en bénéficient pas et partent se faire soigner à leur frais à La Réunion ». Les transports de malades en général étaient également abordés, « y compris à l’intérieur du territoire de Mayotte ».

Un sujet intégré par Olivier Brahic, « avec 1.400 EVASAN par an, le flux est moins important que je ne pensais, nous étudions d’ailleurs dans le PRS les raisons de ce ‘taux de fuite’, ceux qui passent à côté. Et en s’interrogeant sur les filières à mettre en place sur place, comme la cardiologie ».

Pour transporter les malades, en plus des services ambulanciers et de l’héliSmur, « qui a permis de sauver des vie en transportant en 10 minutes des patients là où il fallait 2 heures d’embouteillages », le directeur de l’ARS Mayotte annonce un scoop, « nous allons acquérir un bateau sanitaire pour fluidifier les transports de malades entre Grande et Petite Terre, ou si les routes sont barrées ».

Les centres médicaux de référence seront renforcés. Ici celui de Dzoumogné

Si la santé communautaire n’a hélas pas été abordée, alors qu’un DU est en cours au CUFR, elle transpirait de la plupart des sujets. A travers la politique de régulation des naissances, « là encore, anticipons sur l’immigration en reconduisant une politique du type 1, 2, 3, bass (pas plus de trois enfants) », incitait le président Dahalani. Un bail que la population le demande. Et ensuite, sur les Contrats locaux de Santé, signés avec les collectivités locales, pour adapter la politique de santé au territoire, « l’ARS crée un poste d’ingénierie sur ces CLS pour aider la commune ».

Le directeur de l’ARS Mayotte sera de nouveau convié dans un an pour faire le point, « nous sommes notamment friands de détails sur les moyens financiers alloués ça et là ».

Anne Perzo-Lafond

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