Vers 7h30 ce mercredi, la direction de Vinci décide de se rendre sur son site à Kangani. « Son » site, puisque un jugement de 2015 contraignait le sulfureux Théophane Narayanin, dit « Guito », PDG d’IBS (Ingénierie Béton Système), à quitter la carrière. En raison notamment de loyers impayés au propriétaire d’alors, feu-Frédéric d’Achery, décédé dans des circonstances troubles. Un désaccord portait notamment sur le périmètre de l’exploitation.
Mais hier matin, l’apparition des représentants de Vinci, bien qu’annoncée, met le feu aux poudres. Des habitants se joignent à quelques salariés d’IBS pour bloquer les accès au site. Appelée, la gendarmerie arrive sur place, et reçoit l’ordre d’intervenir, des grenades lacrymogènes sont tirées. Là, les versions divergent.
« Des employés d’IBS et quelques habitants de Kangani bloquaient l’accès à la carrière, nous avons donc tiré quelques grenades lacrymogènes », nous explique l’adjoint du général de gendarmerie Bruno Fhima. Il décrit en face un feu nourri de cailloux et de pavés, « un des hommes est tombé sur le sol sous l’impact. Il n’est que légèrement blessé à la pommette. J’ai moi-même reçu une pierre à la jambe ». Aucun tir de flashball n’a eu lieu, assure-t-il, « par contre, avec le vent et la pluie, une grenade est tombée dans le dos d’une personne en face ».
La mauvaise porte d’entrée…
Un étudiant qui effectuait son stage sur place nous explique avoir vu le personnel d’IBS s’enfuir par l’arrière du bâtiment, ce qui l’incitait à quitter les lieux, mais sans visibilité, il chutait dans un cours d’eau. Il n’est que légèrement blessé.
Chez IBS, on reconnaît avoir bloqué les accès. David Nagard, le directeur, s’explique : « Nous savions que les dirigeants de Vinci voulaient venir sur leur terrain, mais nous leur avons demandé d’accéder par la ZI Vallée III, et non par l’entrée habituelle car ils passaient alors sur un terrain qui nous appartient. » On connaît la suite, mais selon lui, c’est entre 20 et 40 grenades qui sont tirées, « il y en avait partout, j’ai moi-même été pris de vomissement. » Quant à la présence étonnante des habitants sur le site au moment de l’arrivée de la direction de leurs opposants, il explique que la population locale défend la présence d’IBS en raison des travaux de maintenance que celle-ci opère dans le village, « et ils savent qu’avec Vinci, le nombre de camions va doubler. » La société a publié un communiqué par le biais de sa filiale Sandawana. (Lire Communiqué de IBS)
Le directeur de Vinci Construction, Frédéric Guillem, nous donne sa version : « Lorsque nous avons voulu entrer dans la propriété avec notre bureau d’étude, les représentants d’IBS nous ont effectivement demandé de passer par un autre chemin, mais qui passe sur plusieurs propriétés privées, dont quatre leur appartiennent. Nous avons donc essayé d’emprunter la voie publique, par la rue Frédéric d’Achery, sans notre bureau d’étude inquiet de la tournure que prenait les évènements, car nous avons été empêchés. »
On le voit, c’est toujours l’exploitation de la carrière par Vinci Construction qui est au cœur du problème, réglé au tribunal mais pas dans les faits. Pourtant la multinationale avait par le passé indiqué vouloir préserver les emplois.
Les deux directeurs de Vinci ont finalement pu se rendre sur leur site.
Anne Perzo-Lafond