Il est 20 heures, le groupe s’impatiente, vérifie que les chaussures sont bien fixées et se partage les lampes frontales mises à disposition par le guide Saïd Souffou. Celui-ci interroge la dizaine de marcheurs présents sur leur rythme « plutôt bons marcheurs, ou on y va doucement ? » Puis le guide prévenant s’élance, suivi de sa petite troupe, dans la sombre forêt.
Au bout de quelques secondes à peine, il s’arrête et montre un arbre du doigt. « Vous voyez, là ? » Les yeux les plus avertis scrutent l’obscurité, orientent leur lampe, plissent les sourcils, rien à faire. Il faudra se rapprocher pour voir le caméléon que le guide avait repéré dans l’obscurité à plusieurs mètres, à moitié caché derrière une feuille. La sagacité du guide n’a rien d’un coup de chance, tout au long de la visite, il confirmera son excellente vision nocturne, et sa connaissance de cette forêt où il explique avoir grandi.
Alors que d’épaisses gouttes de sueur perlent sur les fronts peu habitués à marcher de nuit dans une forêt humide, les découvertes de caméléons se multiplient. Des petits, des grands, des verts, un blanc. Soudain le guide stoppe sa marche, et s’élance tête baissée dans un fourré, se relève, court quelques mètres de plus, plonge en avant et se relève, triomphant, un landra dans la main. Aussi appelé tangue, ce petit hérisson local est apprécié pour sa chair, et beaucoup de jeunes Mahorais excellent quand il s’agit de les attraper. Celui-ci aura plus de chance, la démonstration avait pour seul but de le présenter aux randonneurs, la femelle « qui a eu des petits récemment » constate le guide, est libérée au bout de quelques secondes, et la marche reprend.
Après avoir enjambé quelques racines, glissé sur quelques pentes boueuses et traversé un ruisseau, le groupe tombe sur un grand scolopendre, perché à 2m du sol sur un tronc.
Caméléons, papillons, passion
A moins d’un mètre de lui, sur le même tronc, une cigale semble en train de muer. Sans doute déjà repéré par le terrible prédateur, l’insecte fera le repas du myriapode, sans doute peu après le départ des importuns à la lampe frontale.
Tout au long de la balade, lesdites lampes éclairent un curieux spectacle. Les yeux de dizaines de papillons nocturnes luisent dans le noir, comme autant de petits regards flottant dans les airs. Un spectacle envoûtant et presque surnaturel qui fait oublier de regarder devant soi. Et paf, c’est comme ça qu’on se prend une toile de néphile dans les cheveux. Par chance, la grande araignée, plus maligne que le marcheur, reste quant à elle accrochée à un fil fixé à l’arbre.
Sur la fin de la randonnée, en traversant le champ du gîte du Mont Combani, le groupe enjambe deux escargots en plein coït (non, le spectacle n’a rien de glamour), et se retrouve heureux autour d’un verre d’eau.
On l’a testé pour vous, avec beaucoup de plaisir. La prochaine sortie, c’est donc ce soir.
Y.D.