Inconnus en politique mais pas dans leurs secteurs d’activité, 2 hommes et 2 femmes avancent la candidature de leur mouvement, IMANI, « empathie en shimaore », explique Sara Cordji. Elle travaille depuis 15 ans dans l’insertion professionnelle, « avec les jeunes exclus du système scolaire. Membre de l’association Bassi Ivo qui lutte contre l’oisiveté à Mtsapéré, elle habite le quartier Bonovo, où une opération de démolition de cases en tôle avait été menée en février 2018. Elle a ouvert les portes de sa maison à la jeunesse en errance, « ils avaient besoin qu’on s’occupe d’eux. Maintenant, il ne s’y passe plus rien ». Elle se présente sur le 2ème canton de Mamoudzou. Son binôme Faissoil Ali Abdallah est un agent du conseil départemental depuis 2005, au service économique. « Je veux améliorer le quotidien des entrepreneurs mahorais », explique-t-il.
Zaïtoune Anli Daoudou, candidate sur le 3ème canton, est chef d’entreprise à Mamoudzou. Elle mène des actions dans plusieurs associations, « j’ai convié des jeunes chez moi, très difficiles, dont les parents avaient été expulsés. On les a aidé à oublier ce qu’ils vivent tous les jours, ils ont une vie saine. J’avais déjà fait ça pour mes frères qui étaient en train de mal tourner, ça a marché, ils ont réussi. »
Elle se présente avec une figure de proue du management sur l’île, Guillaume Jaouen, à la tête du cabinet Mzé conseil. On se souvient qu’il avait rempli l’hémicycle lors de la préparation du Schéma régional de développement économique, et qu’il avait participé à la rédaction du mémorandum sur la fiscalité locale (un succès).
Leur programme est synthétisé en 5 points. La réussite des jeunes, l’égalité républicaine, la création d’emplois, l’environnement et une gouvernance participative. Avec à chaque fois, des solutions innovantes.
Dépôt de plainte pour non convergence
Sur la réussite des jeunes notamment, qui passera par un accroissement des places au Centre universitaire, de 10.000 à 20.000, en délocalisant l’extension pour des raisons de foncier, « il faut étudier l’emplacement du golf à Combani comme foncier possible », glisse Guillaume Jaouen. Et pour diversifier les débouchés, ils recommandent la création d’une école régionale du spectacle vivant. Les centres de formation des apprentis devront également être développés.
Sur le 2ème point, Guillaume Jaouen dit vouloir s’inspirer de la stratégie politique des communes de Seine-Saint-Denis : « Discriminées sur les politiques publiques qui y sont menées, elles ont déposé plainte au tribunal administratif pour rupture d’égalité ». Les actions en justice seront ainsi multiplié en fonction des thématiques abordées, et donc des ministères auxquelles elles se réfèrent, « éducation, santé, code de la sécurité sociale, etc. »
La justice sociale devra également être au rendez-vous dans les distributions des subventions aux associations, « qui se font souvent à la tête du client ». Ils préconisent de mettre en place un budget participatif de proximité, « les sommes seront allouées par un conseil citoyens en fonction du nombre d’habitants et des priorités ».
« Enormément d’argent est disponible »
Sur l’emploi, la stratégie de développement économique par filière qui avait été abordée dans un colloque « attend toujours d’être finalisée. » Or, des fonds peuvent être mobilisés, « énormément d’argent est disponible notamment à la Banque européenne d’investissement ou la Caisse des dépôts. Il faut donc créer un Fonds souverain à Mayotte, qui puisse aller les chercher, ainsi que les fonds structurels de l’Etat et ceux de l’Union européenne. Cela permettrait notamment d’entrer au capital d’une compagnie aérienne. Nous sommes trop dépendants de l’extérieur. » Les secteurs visés sont l’innovation, l’énergie, l’aquaculture, l’informatique. Avec comme objectif, la création d’emploi.
La préservation de l’environnement est mal arbitrée à Mayotte, « on a misé sur les TriO, mais ils ne collectent que 1% des déchets recyclables. Il faut une incitation financière au tri des déchets que porteraient des associations. » Le transport en commun en fait partie, juge Guillaume Jaouen, « il faut trouver une solution à court terme avec le transport maritime autour de l’île ». Leur projet de bus avec parkings géants à Longoni et Iloni, pour compenser l’absence de voie dédiée comme le prévoit Caribus, n’est pas encore finalisé.
Enfin pour s’engager sur une bonne gouvernance, le référendum d’initiative locale s’invite au menu. « Il se dégage une vraie légitimité lorsqu’on s’adresse aux citoyens. L’université peut faire l’objet d’un référendum par exemple. » Les citoyens qui souhaitent des élus non corrompus tendront l’oreille, « pour œuvrer dans le sens d’Anticor*, Nous pouvons confier la présidence de la commission des finances à un élu de l’opposition »… qui n’y resterait pas longtemps du coup !
Proximité encore dans la mise en œuvre de la sécurité, « avec un retour des gilets jaunes** d’implication des villageois, il n’y a que ça qui avait marché. »
Les cantons ciblés ne sont pas exclusifs, « tous ceux qui veulent nous rejoindre sont les bienvenus », concluent-ils.
Anne Perzo-Lafond
* ANTICOR est une association anticorruption agréée par le ministère de la justice
** Les groupements citoyens de surveillance des quartiers avaient revêtus des gilets jaunes