Tout d’abord, information importante : il existe bien une procédure en référé pour le propriétaire d’un terrain qui souhaite évincer un occupant illégal. Un référé permet d’obtenir un jugement provisoire mais rapide de la part d’une juridiction.
Par une procédure en référé expulsion, la loi prévoit l’hypothèse du trouble manifestement illicite. Ce qui est la cas : « La violation manifeste du droit de propriété mentionnée à l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme est bien une attente aux droits fondamentaux inscrits dans la Constitution », introduit Laurent Sabatier.
Le propriétaire du terrain peut alors saisir le juge des référés par le biais de son avocat. Il devra justifier de son titre de propriété, avec malgré tout des souplesses que nous aborderons plus loin. Un huissier doit constater la présence des bangas, et en identifier les occupants, « c’est souvent l’étape la plus longue. »
La décision de justice doit servir à pacifier
L’audience de référé expulsion, il y en a tous les 15 jours, peut alors se tenir. « Depuis le mois d’octobre 2015, j’ai délivré 124 décisions d’expulsion, et Marie-Laure Piazza avant moi en avait déjà rendu », annonce Laurent Sabatier. Il ne le dit pas, mais elles sont rarement suivies d’effets.
La première des raisons est la résolution pacifique du conflit : « Le propriétaire met souvent la décision de justice dans la balance, et l’occupant illégal part de lui-même. De toute manière, les parties doivent travailler ensemble. »
Puisqu’il ne faut pas oublier, et le président Sabatier en fait un cheval de bataille, qu’en matière civile, la décision de justice est une propriété des parties. C’est à dire qu’elles restent les seules responsables de son application : « C’est aussi à ça que nous servons. La solution à Mayotte doit passer par le civil et non par le pénal, c’est un bon moyen de responsabiliser et d’agir sur la prévention de la délinquance. »
La rémunération d’huissier se mue en marchandage
Si la décision n’est pas exécutée, le propriétaire peut demander au préfet le recours à la force publique, « même si elle n’est pas mentionnée dans l’ordonnance judiciaire. » C’est ce qui s’est passé jeudi dernier dans le quartier Tanafou où le bidonville a été rasé par les tractopelles avec l’appui d’une centaine de gendarmes et policiers.
Se pose toujours la question de la rémunération de l’huissier, sur un marché où ne sont implantés que deux professionnels. Elle était de 400 euros par banga nous avait indiquée la famille Batrolo, en possession d’un terrain à Kawéni. C’est aussi l’occasion de négocier un dédommagement pour que l’occupant illégal quitte le terrain sans avoir recours à un huissier.
Preuve de propriété orale
Mais tout le monde n’a pas au frais dans son classeur, un titre de propriété en bonne et due forme. Ces propriétaires seront rassurés de savoir que la Chambre foncière a pensé à presque tout, comme l’explique au JDM sa présidente Amélie Bard : « Nous sommes chargés de faire entrer la propriété dans le droit commun tout en intégrant les coutumes ancestrales. »
Il existe donc des textes de lois spécifiques. Le « droit de la preuve » en est un : « Le juge peut reconnaître un acte de propriété à travers un bout de papier corné ou un témoignage fondé. »
La régularisation foncière étant une des prérogatives du département, celui-ci intervient dans toutes les instances, et il a un rôle majeur : « Si une procédure de régularisation est en cours avec le conseil départemental, il nous la transmet pour activer le droit de la preuve. Mais nous sommes peu saisis », déplore la juge.
Celui qui se prétend propriétaire peut aussi contacter la Chambre par le biais de son avocat, toujours avec la possibilité de bénéficier de l’aide juridictionnelle.
« Nous sommes donc opérationnels », annonce Laurent Sabatier. Les intéressés n’ont plus qu’à se tourner vers la justice qui propose des voies de recours rapides.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte