Les opérations coup-de-poing avaient été tenues secrètes. Seul, un tout petit groupe de personnes connaissait les actions organisées par l’intersyndicale pour cette nouvelle journée de manifestation. Amphidrome bloqué, centre des impôts envahi, récit d’une matinée dans les rues de Mamoudzou.
9h00. Le rendez-vous est donné Place de la République. Un peu plus de 400 personnes ont répondu à l’appel de l’intersyndicale, ce n’est plus la foule des premières manifestations. Seuls, les dirigeants syndicaux connaissent le déroulement de la matinée. Pour le reste des manifestants mais aussi pour les forces de l’ordre, le déroulement de la matinée est une inconnue. Les uns suivront, les autres vont devoir s’adapter.
Le communiqué de presse diffusé la veille par les ministères des Outremers et de la Fonction publique est totalement absent des conversations. «Pourquoi voudriez-vous qu’on en parle ? Il n’y a rien de nouveau», commente un enseignant. «Je suis déçue, rajoute une autre. Ils ont l’air de nous apprendre des choses qu’on connait depuis trois semaines. Et l’indemnité de logement, ce n’est pas une avancée. C’est simplement le maintien d’un acquis.» Un troisième plaisante : «J’ai déjà rencontré des autistes dans ma vie. J’ai l’habitude».
«Ce communiqué concerne tout le monde sauf la police, explique un délégué syndical. A la police, nous sommes concernés par un autre décret que le reste de la fonction publique (de 1978 et non de 1996). Nous restons dans le flou le plus total sur l’imposition mais aussi sur les congés bonifiés. Nous sommes dans un état «d’insécurité juridique». Les nombreux arrêts maladies, une quinzaine au commissariat et une trentaine à la PAF selon les syndicats, «ne sont pas des arrêts de complaisance» pour une profession qui n’a pas le droit de grève. «Nous sommes vraiment déstabilisés.»
10h00. La manifestation qui s’est élancée en direction de Kaweni tourne brusquement à droite. En quelques minutes, les accès à l’amphidrome sont bloqués. Les manifestants souhaitaient empêcher tout mouvement mais une ambulance doit débarquer. Les grévistes s’écartent.
Le dernier véhicule a-t-il à peine posé les roues sur la terre ferme que l’amphidrome s’éloigne du quai par crainte de se faire envahir. Il stationnera pendant plus d’une heure à quelques dizaines de mètres du quai, les rotations sont interrompues. «On ne souhaitait pas bloquer la barge pour ne pas gêner la population. L’amphidrome, c’est symboliquement le blocage ‘très momentané’ d’une partie de l’activité économique», commente Frédéric Muller, un des porte-paroles de l’intersyndicale.
11h00. Le cortège se met à nouveau en mouvement. Les accès libérés, l’amphidrome va pouvoir reprendre ses rotations. Le gros des manifestants ne connait pas encore leur nouvelle destination qui passe par le rond-point de la barge libéré quelques minutes plutôt par les grévistes de la Mairie de Mamoudzou remontés manifester devant l’Hôtel-de-Ville.
11h15. La manifestation arrive devant l’impasse de la préfecture de Mamoudzou. Les forces de l’ordre sont prêtes, un imposant dispositif anti-invasion a été érigé devant la préfecture. Mais les manifestants leur jouent un bon tour. Après un petit arrêt, ils reprennent leur marche. Leur destination : les impôts.
11h30. Le cortège arrive devant la direction régionale des finances publiques. Les grilles ont été fermées à l’arrivée de la manifestation mais un petit groupe de manifestants a réussi à contourner le bâtiment pour entrer par l’arrière.
Rapidement, la chaîne qui ferme le portail cède. La cour puis le hall de l’immeuble sont envahis. Les manifestants distribuent les feuilles d’impôts avant de les transformer en confettis lancés en chantant. De mémoire mahoraise, une telle action n’avait jamais été menée. Aux «On veut payer nos impôts» succèdent rapidement des «On veut négocier» scandés par les manifestants.
11h45. Une marseillaise raisonne dans le bâtiment des impôts. Pas de nouvelles actions surprises pour aujourd’hui… à part le pique-nique improvisé pour continuer à occuper les locaux des impôts.
L’intersyndicale doit se réunir en fin de journée pour définir de nouvelles actions.
RR