Alors que la gestion du président du Syndicat Intercommunal d’Eau et d’Assainissement de Mayotte (Sieam) avait été salué par ses pairs ultramarins lors de la mandature de Maoulida Soula et de son DGS Jean-Michel Cardon, la situation se dégradait considérablement lors de l’élection en 2014 de son successeur, Moussa Mouhamadi, dit « Bavi ». Pourtant, la section Eau était alors bénéficiaire, seul l’Assainissement était à déployer.
La Chambre régionale des Comptes (CRC) qui aime les chiffres, en sortaient plusieurs en 2018, et pas des plus brillants. Pour en rappeler quelques-uns, le déficit du budget Eau dépassait les 13 millions d’euros, creusé par les plus de 220% d’augmentation des charges de personnel en 4 ans, les réceptions, déplacements princiers, assistance à communication de plus de 400.000 euros sur la période 2014-2018, factures de téléphone élevées. 1.800 euros en un mois rien que pour le président Bavi !
Dont les appels ne portaient pas sur des investissements urgents à mener sur un territoire où la croissance de la population dépasse les 4% par an, et dont la 3ème retenue collinaire est à cette époque en négociation annoncée comme aboutie par le maitre des horloges du Sieam… or, le premier coup de pioche n’est toujours pas donné. Nous avions dénoncé une gestion qui mettait en péril les capacités de production en eau du département.
En arrivant aux manettes en 2020, l’équipe actuelle s’inquiète, « on ne va pas pouvoir payer les salaires en fin de mois », alerte Fahardine Bacar, à la tête d’un syndicat renommé SMEAM (Syndicat Mixte d’Eau et d’Assainissement de Mayotte), devenu depuis LEMA (Les Eaux de Mayotte).
La méthode du nœud coulissant

Un signalement est alors envoyé au Parquet National Financier (PNF) par le parquet de Mamoudzou et par la CRC sur la gestion du syndicat des années 2014 à 2018. La procédure met en évidence un manque de respect des règles de la commande publique, notamment un fractionnement des marchés, communément appelé saucissonnage. Au-delà du seuil de 90.000 euros, il y avait obligation de publicité et de passation de marché public, or, aucun marché ne dépasse ce montant.
Un procédé redondant qui a déjà vu tomber plusieurs élus à Mayotte, notamment grâce à une méthode huilée, déclinée par le procureur Yann Le Bris. Il s’agit de mettre les chefs d’entreprise bénéficiaires des marchés saucissonnés du Sieam devant le fait accompli lors d’une Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC), au cours de laquelle l’organisation de passation des marchés est mise à jour. Ainsi, en juin 2024, deux premiers entrepreneurs étaient condamnés pour recel de favoritisme, puis un 3ème en février 2025. Prison avec sursis, amendes, privation de droits civiques et exclusion avec sursis des marchés publics, seront les peines délivrées.
Plus de 250.000 euros d’amendes
Et ce mardi 9 décembre 2025, deux nouveaux prévenus ont été entendus en CRPC au tribunal judiciaire de Paris, apportant de nouveaux éléments en attendant le procès de l’ancien président du Sieam. Lui et une partie de son équipe sont accusés notamment de délits de favoritisme, de corruption ou de pantouflage. Les chefs d’entreprise eux, tombent pour recel de favoritisme pour avoir répondu aux marchés passés par Bavi, qu’il s’agisse de communication, de formation des salariés, d’aménagement de pistes d’accès, d’élagage, etc.

C’est notamment le cas ce mardi de Bassoiri Maliki à la tête du bureau Etude Ingénierie et Conseil (EIC), de Mayotte Inspection et de B2M-Conculting. Il a été condamné à 18 mois de prison avec sursis simple, 3 ans de privation de ses droits civiques, 3 ans d’exclusion des marchés publics avec sursis, et la somme de 52.745 euros a été saisie. Ses sociétés ont toutes été condamnées à 3 ans d’exclusion des marchés publics avec sursis et confiscation de 111.327 euros pour EIC, de 15.000 euros opour mayotte Inspection et de 5.000 euros pour B2M Consulting.
Plaidant également coupable, Aïda Djaffar à la tête de la Société Mahoraise de Formation Professionnelle (SMFP), a été condamnée à 18 mois de prison avec sursis probatoire d’obligation pendant deux ans de s’acquitter de ses amendes de 30.000 euros et 50.000 euros pour sa société, et d’indemniser les victimes. Elle est également condamnée à trois ans de privation de ses droits civiques et à trois ans d’exclusion des marchés publics avec sursis, comme sa société.
Le syndicat LEMA, défendu par Me Derieux, s’était une nouvelle fois constitué partie civile avec succès, puisque victime de la gestion de son précédent président.
Le procès de Bavi qui devait se tenir en mai 2025, a été reporté en raison des perturbations causées par le cyclone Chido. Il se déroulera au mois de janvier 2026, selon la décision de la 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.
Anne Perzo-Lafond


