La Réunion : Le Piton de la Fournaise prêt à entrer en éruption

Après deux ans et demi de sommeil, le volcan réunionnais reprend vie. Séismes, gonflement du réservoir magmatique, vigilance renforcée : le géant s’agite, et la population observe avec attention.

Ce n’est pas tous les jours qu’un volcan vous rappelle qu’il est vivant. Depuis fin novembre, le Piton de la Fournaise tremble plus de 150 fois par jour, gonfle doucement et relâche quelques souffles de soufre. Les scientifiques scrutent chaque vibration, chaque changement de pression, tandis que les habitants, randonneurs et curieux lèvent un œil inquiet vers l’horizon.

Des tremblements qui parlent

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Le Piton de la Fournaise n’avait pas connu d’éruption depuis le 10 août 2023 et s’était stabilisé dans une période de calme.

Après deux ans et demi de calme relatif, le Piton de la Fournaise, l’un des volcans les plus actifs du monde, montre des signes de réveil. Depuis le 26 novembre 2025, l’Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise (OVPF-IPGP) enregistre une hausse de la sismicité sous le volcan.

Ces secousses, bien que de faible intensité, se multiplient et se déplacent progressivement vers la surface : d’abord à 20 km de profondeur, puis à 5 km, enfin autour de 2 km sous le sommet. En une seule journée, dimanche 30 novembre, plus de 150 tremblements ont été enregistrés.

« On est passé d’une phase pendant deux ans et demi sans éruptions, sans sismicité, sans inflation du volcan. Depuis une semaine, l’activité reprend progressivement. Concrètement, on observe une mise en pression du réservoir superficiel qui doit se réalimenter par des magmas plus profonds. Est-ce que ce sera suffisant pour déclencher une éruption ? On ne le sait pas encore. On le saura lorsque le magma quittera le réservoir, généralement quelques dizaines de minutes ou heures avant l’éruption », explique Aline Peltier, volcanologue, directrice de l’OVPF.

Historiquement, ce type de reprise d’activité n’est pas surprenant. En 2014, après trois ans et demi sans éruptions, une reprise similaire avait été observée sur une dizaine de jours avant une petite éruption sommitale, suivie d’une année supplémentaire avant une activité plus conséquente. Aujourd’hui, le volcan suit le même schéma : une sismicité croissante, un léger dégazage et un gonflement progressif du sommet.

Ces signes sont autant d’indices que les scientifiques interprètent avec précaution. Même si chaque séisme, bulle de magma et souffle est analysé, il reste impossible de prédire avec certitude le moment précis d’une éventuelle éruption. Le Piton teste ainsi sa patience et celle des habitants.

Le cœur du volcan sous pression

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Les scientifiques ne disposent que de quelques dizaines de minutes pour savoir si le magma va quitter le réservoir, comme l’avait illustré l’éruption spectaculaire du Piton le 2 avril 2007 (photographie/DR/SG)

Au-delà des tremblements, l’inflation du réservoir magmatique situé à environ 2,5 km sous le sommet est un autre indicateur clé. Cette mise sous pression est détectée grâce à un réseau sophistiqué de plus d’une centaine d’instruments : sismographes, inclinomètres, GPS et stations de gaz.

« Nous avons beaucoup plus d’instruments qu’auparavant, les méthodes de modélisation permettent de voir où sont les sources de pression, et l’intelligence artificielle nous aide à détecter automatiquement les séismes. En revanche, prévoir le moment exact d’une éruption reste impossible », précise Aline Peltier.

Le gonflement de l’édifice, associé à un dégazage faible, peut se comparer à un ballon qui se remplit d’air : parfois il explose, parfois il se dégonfle doucement. Ce processus est typique des volcans boucliers comme le Piton de la Fournaise, qui connaissent souvent des phases de pressurisation sans éruption immédiate.

« Ce n’est pas atypique. On observe une augmentation progressive de la sismicité, un petit gonflement et un peu de dégazage », poursuit la volcanologue. Les données récentes confirment cette tendance : depuis dimanche 30 novembre, la sismicité se maintient à plus de 150 séismes par jour et continue, sans accélération dramatique pour le moment.

Les chercheurs disposent aujourd’hui de moyens technologiques qu’ils n’avaient pas il y a dix ou vingt ans. Modélisations numériques, systèmes de détection automatiques et suivi en temps réel permettent d’anticiper l’évolution des phénomènes, même si l’imprévisible reste maître du jeu. « Les instruments nous permettent de voir où se déplacent les magmas, mais il est impossible de prédire avec précision l’heure exacte ou le lieu de l’éruption », rappelle Aline Peltier.

Tic-tac, tic-tac… la marmite bout 

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Dans l’enclos, seuls les sentiers balisés restent accessibles, pour prévenir tout risque lié à l’évolution du volcan.

Face à ce réveil, la prudence est de mise. Le préfet de La Réunion, Patrice Latron, a déclenché le 28 novembre 2025 la phase de vigilance du plan ORSEC Volcan. Cette étape implique la mise en place de restrictions pour le public : seuls trois sentiers balisés et entretenus par l’Office National des Forêts sont autorisés dans l’enclos, certaines portions restant interdites pour garantir la sécurité des visiteurs.

« Pour l’instant, seuls les sentiers bien balisés sont ouverts aux randonneurs. Dès qu’un changement d’activité, une accélération de la sismicité, est détecté, nous alertons immédiatement la préfecture », explique Aline Peltier. Les capteurs permettent également de suivre la direction potentielle d’un futur flux de lave, vers le flanc nord ou sud, afin d’anticiper d’éventuelles évacuations.

Les mesures de prévention sont essentielles : chaque séisme, chaque gonflement, chaque émission de gaz est analysé pour protéger la population tout en permettant aux scientifiques de continuer leurs recherches. « Nous suivons les consignes de la préfecture et recommandons à la population de faire de même », insiste la directrice de l’OVPF. 

Au-delà de la sécurité immédiate, ce type d’épisode est une véritable fenêtre sur le fonctionnement interne du Piton de la Fournaise et, plus largement, des volcans boucliers dans le monde. Chaque signal enregistré permet de mieux comprendre la dynamique du magma, la pressurisation des réservoirs superficiels et le comportement des volcans actifs dans le temps.

Comprendre l’imprévisible

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Invisible en surface, Fani Maoré montre des signaux profonds qui complètent le tableau volcanique de l’océan Indien aux côtés du Piton de la Fournaise.
(photographie d’illustration/MAYOBS – IPGP/CNRS/Ifremer/BRGM)

Ce réveil progressif rappelle que la surveillance volcanique repose autant sur la science que sur l’expérience. Si les instruments modernes permettent de suivre le magma et de détecter les signaux précoces, le volcan, lui, reste imprévisible. La clé de la prévention consiste à combiner observation scientifique, communication rapide et respect strict des consignes par le public. À La Réunion, les habitants le savent : le Piton peut passer de l’ombre à l’action en quelques heures. Les phases de vigilance et les plans d’évacuation permettent de minimiser les risques, mais elles rappellent également que la nature suit ses propres règles.

Cette attention constante portée au Piton de la Fournaise fait écho, dans une autre mesure, au suivi nécessaire plus à l’ouest de l’océan Indien : celui du volcan sous-marin Fani Maoré, au large de Mayotte. Là, aucune coulée de lave visible, aucun panache à l’horizon, mais une activité discrète, profondément immergée, qui rappelle que les volcans n’ont pas besoin d’être à l’air libre pour façonner un territoire ou inquiéter toute une population. À Mayotte comme à La Réunion, une même réalité : deux volcans, deux visages, une même nécessité de comprendre les signaux de la Terre.

Mathilde Hangard

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