Face à l’essor des intelligences artificielles et aux défis imposés par les catastrophes naturelles, les enseignants de Mayotte adaptent leurs méthodes. Cette semaine, une formation originale invite les professeurs à découvrir comment construire des cours avec l’aide de l’IA, afin de mieux préparer les élèves et de moderniser l’enseignement sur l’île.
Former pour mieux enseigner face aux aléas

L’initiative remonte à l’année dernière, dans le contexte du passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024. « Certains établissements étaient ouverts, d’autres fermés. Les élèves qui passaient le baccalauréat devaient notamment se préparer à l’épreuve du Grand oral à la fin de l’année », raconte Mickael Carpin, chargé de mission en économie-gestion au sein de l’académie. Avec un collègue, il a alors découvert le Chatbot Grand Oral, un outil d’intelligence artificielle, pour permettre à certains élèves de travailler sur internet sans la présence d’un enseignant.
Cette année, la démarche se poursuit et s’élargit aux enseignants eux-mêmes. « Avec l’IA, on est en pleine mutation, tout le monde l’utilise. Nous aussi il faut qu’on prenne les bons outils pour créer des cours qui soient plus performants », explique-t-il. L’objectif : présenter aux enseignants une palette d’outils gratuits d’intelligence artificielle générative, permettant de créer ou d’adapter des contenus pédagogiques .
L’IA au service des professeurs
La formation se déploie sur plusieurs sessions et vise à enseigner l’utilisation des IA génératives pour construire un cours. Les enseignants apprennent à rédiger des prompts spécifiques, définir des prérequis, proposer une accroche pertinente, composer des exercices et établir des barèmes d’évaluation. « On compose notre cours au fur et à mesure, et une fois qu’on a tous les outils, on rajoute notre expertise. Il s’agit de vérifier que tout est en harmonie avec notre enseignement et de compléter avec des vidéos ou des explications pour les élèves », précise Mickael Carpin.
L’inspecteur de l’académie de Paris, en mission à Mayotte, a également encouragé cette initiative, inspirée par des formations similaires sur le continent. L’usage de l’IA permet désormais de générer des exercices adaptés à différents niveaux, de créer des supports pédagogiques sur mesure et de gagner du temps. « Il faut qu’on se facilite le travail. Je peux faire des cours adaptés à différents élèves. C’est un gain de temps car on crée nos propres supports », souligne le chargé de mission.
Entre innovation et vigilance pédagogique

Malgré l’enthousiasme suscité par les outils numériques, les enseignants gardent un œil critique. Alix, professeure de philosophie, note : « L’IA change beaucoup notre rapport aux devoirs. Si je demande une dissertation, 99 % me reviennent générées par ChatGPT. Ce n’est pas pédagogique, car les élèves n’apprennent rien ».
Pour autant, elle reste confiante dans leurs capacités. « Mes élèves sont vraiment intelligents et pertinents, mais comme tout le monde aujourd’hui, leurs capacités d’attention sont limitées. La surstimulation des vidéos courtes sur des réseaux sociaux, notamment sur TikTok, leur rend difficile le fait de s’ennuyer ou d’écouter longtemps ».
Elle adapte donc ses méthodes : certains exercices peuvent être préparés à la maison, mais la composition finale se fait sur table, en classe. « Il faut plus de stimulation et laisser davantage de place à l’activité qu’aux cours magistraux. Ce n’est pas une révolution catastrophique, il suffit de s’adapter ».
Cette formation à l’IA, ouverte à tous les enseignants de l’île, se déroule en cinq sessions et concerne environ 90 professeurs d’économie-gestion, soit la moitié du corps enseignant de l’académie. La prochaine session, prévue ce mercredi 26 novembre, offrira aux participants l’occasion de tester, ajuster et intégrer ces nouvelles méthodes dans leur pratique quotidienne.
Mathilde Hangard


