Cour d’assises : quand la barbarie humaine n’a plus de limites

Cette semaine se tient devant la cour d’assises de Mayotte le procès de 9 personnes accusées "d’assassinat précédé ou accompagné d’actes de torture et de barbarie".

Le diable était-il à Chiconi dans la nuit du 1er au 2 octobre 2022 ? Tant la barbarie perpétrée ce soir-là par les neuf accusés dépasse l’entendement. Jusqu’où peut aller la sauvagerie et la barbarie humaine ? Ce procès interroge par là-même ces concepts.

Tout commence le 2 octobre 2022 vers 9h du matin quand la gendarmerie est appelée suite à la découverte d’un corps humain brûlé, et même calciné, à Chiconi. Le long du chemin menant au brasier funeste, les gendarmes découvrent de nombreuses tâches de sang, une phalange et une mèche de cheveux (des dreadlocks). Le bodyscan (scanner corporel) effectué sur ce qu’il reste du corps brûlé révèlera des « actes de torture, de mutilation et d’amputation d’une extrême violence » : fractures multiples ; lésions traumatiques ; fémur, main, oreilles sectionnés…

Des actes d’une barbarie extrême

Dans ce procès volumineux, 9 individus comparaissent devant la cour d’assises (illustration)

Selon les premiers éléments de l’enquête, tout aurait commencé la veille, sur les coups de minuit-1h du matin, quand deux jeunes se seraient faits interpeller par un groupe d’une dizaine voire d’une quinzaine de personnes à propos d’une moto qui aurait disparu et dont on les aurait accusés de l’avoir volée. Ce qui leur est arrivé ce soir-là est tout simplement innommable. Ils ont été tabassés en permanence par plusieurs individus, roués de coups de poing, de pied, de casque de moto, de bouteille en verre, de bâton, fouettés avec des branches… Mais leur calvaire ne s’est malheureusement pas arrêté là. Les « bourreaux-barbares » ont aussi coupé des oreilles, une main, une phalange, un tendon d’Achille… le tout avec une machette. Après leur avoir fait subir les pires sévices et s’être acharnés sur leurs victimes, il fallait pour les tortionnaires faire disparaître les corps. Le sort des deux jeunes était alors scellé….

Pour cela, les bourreaux décidèrent d’emmener leurs victimes, encore vivantes, dans la forêt, à l’abris des regards, pour y faire un feu ou plutôt un brasier. Comble du sadisme et de l’horreur, ils ont fait porter à leurs victimes des pneus, de quoi alimenter le feu qui les calcinerait. Une fois arrivé sur le lieu du crime, un des bourreaux jeta l’un des deux jeunes encore vivant mais inconscient dans le brasier qui venait d’être allumé. Le voyant se réveiller et essayer de sortir du feu en roulant sur le côté, le bourreau l’a récupéré et l’a jeté à nouveau dans le feu, s’en était fini pour lui.

Canope d'une foret tropicale
Les victimes ont été emmenées dans la forêt pour y être brulées et faire ainsi disparaître leurs corps.

La seconde victime, malgré les nombreux actes de violence et de mutilation subis, arriva à s’enfuir mais se fit rattraper par l’un des barbares munit d’une machette à la main et qui aurait déclaré à son retour auprès de ses comparses tortionnaires : « c’est fait ! »…

Aucun indice n’a été identifié dans les jours qui ont suivi concernant le corps de la deuxième victime. Seuls des ossements seront retrouvés, plusieurs semaines après, disséminés à différents endroits. Selon le directeur d’enquête à l’époque, interrogé vendredi dernier à l’occasion du premier jour du procès, « l’un des deux jeunes agressés a été tué et brûlé, l’autre tué et découpé ». Objectif : les faire disparaitre. L’horreur absolue !

Des tortionnaires sans casier judiciaire

Ce qui choque dans cette affaire, au-delà des faits, c’est le profil des personnes incriminées : ce sont des « monsieur tout-le-monde », sans casier judiciaire, âgés de 17 à 41 ans au moment des faits. On trouve ainsi un électricien, un étudiant, un lycéen, un carreleur, … et même un ancien policier de la police municipale de Chiconi. Et pour bon nombre d’entre eux, ce sont des pères de famille. Qu’est-ce qui a bien pu arriver ce soir-là pour que tous participent, contribuent, cautionnent de tels actes de barbarie et de sauvagerie, reléguant le concept d’humanité dans les plus bas-fonds ?

Les accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité

Le « mobile » de ce crime innommable serait, selon le directeur de l’enquête, « la mauvaise réputation des deux victimes considérées comme des voleurs » et la supposée disparition d’une moto. En garde à vue, les accusés ont reconnu certains faits et leur participation à ces meurtres mais avec des degrés d’implication différents. D’après les psychologues qui les ont examinés, aucun d’entre eux ne souffre de troubles psychologiques ni du discernement. Au pire, certains manqueraient d’empathie.

Le procès de la bande des barbares de Chiconi va ainsi durer toute la semaine pour un verdict rendu probablement vendredi en fin de journée. L’enjeu pour les jurés sera de déterminer qui a fait quoi et quel est le degré d’implication de chacun dans ces crimes odieux et inqualifiables. Hormis l’accusé mineur au moment des faits qui risque peut-être une peine de prison moins lourde, tous les autres encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

B.J.

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