Insertion professionnelle à Mayotte les marchés publics transforment l’accès à l’emploi

Vendredi dernier, la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Mayotte (CRESS) a réuni collectivités, entreprises et structures d’insertion pour faire le point sur l’avancée de l’insertion professionnelle dans le cadre du dispositif Achat Socialement Responsable (ASR). Les participants ont pu échanger sur les marchés en cours et à venir, les besoins en recrutement et les perspectives pour les prochains mois.

Dès huit heures, la salle de réunion de la CRESS commence à se remplir. Autour des tables, on retrouve les représentants du Centre communal d’action sociale (CCAS) de Labattoir et de Bandrélé, la Mission locale, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), le réseau Lahiki, etc. Tous ont répondu présent à l’invitation de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Mayotte pour participer au comité de suivi du dispositif ASR.

Avant de lancer la matinée, Eirini Arvanitopoulou, référente projet achat socialement responsable, a rappelé le cadre de cet événement. Il s’inscrit dans le mois de l’économie sociale et solidaire (ESS), dont c’est la neuvième édition à Mayotte. Ce dispositif créé en 2017, et financé par les fonds européens, vise à utiliser la commande publique pour créer de l’insertion grâce aux clauses sociales. « Par exemple, lorsqu’une collectivité lance un marché, elle peut y intégrer une clause qui oblige les entreprises à réserver 5 % des heures de travail à des personnes éloignées de l’emploi », a-t-elle expliqué. L’idée est de travailler avec les communes, le Département de Mayotte, France Travail, le Rectorat, la Mission locale et toutes les structures d’insertion pour que la commande publique devienne un levier d’accès à l’emploi.

Les chiffres de l’insertion en 2025

D’après le compte rendu de la CRESS en 2025, le dispositif Achat socialement responsable (ASR) a permis à 87 personnes de trouver une place sur des marchés incluant une clause sociale. Parmi elles, 35 ont été directement embauchées, tandis que 52 ont bénéficié d’un emploi indirect. La plupart sont des hommes, mais les femmes commencent à se faire une place petit à petit, et cinq bénéficiaires ont même décroché un emploi durable. La durée moyenne d’insertion est de deux mois, pour des profils allant de 21 à 65 ans ce qui donne un âge moyen de participant situé autour de 33 ans.

Les métiers qui ont le plus recruté cette année reflètent les besoins du marché et de la société  : sécurité et gardiennage dominent, suivis par les ouvriers polyvalents, les agents d’entretien et quelques métiers du Bâtiment et Travaux Publics (illustration)

Les métiers qui ont le plus recruté cette année reflètent les besoins du marché et de la société  : sécurité et gardiennage dominent, suivis par les ouvriers polyvalents, les agents d’entretien et quelques métiers du Bâtiment et Travaux Publics (BTP), comme menuisier bois, enduisant ou ferrailleur. Des institutions comme le Département de Mayotte ont réussi à insérer soixante-douze personnes, dont dix-neuf bénéficiaires qui à l’issue de leur parcours ont pu obtenir un emploi durable. Mais il peut aussi y avoir des retours négatifs. « Les retours négatifs sont souvent des gens qui ont abandonné car ils trouvaient la formation trop difficile ou n’arrivaient plus à suivre le rythme et il y’en a aussi d’autres qui se font interrompre leur contrat », partage la représentante du Département de Mayotte. Cette année encore, les métiers de la charpente, de l’électricité, de la menuiserie, de la peinture et du paysagisme sont particulièrement recherchés, et le dispositif représente déjà un total impressionnant de plus de 229.000 heures d’insertion sur le territoire.

Pour Madjidi Mohamed, chargé de mission référent parcours à la CRESS, ces résultats sont le fruit d’un travail collectif. Il coordonne le suivi d’insertion en lien avec les facilitateurs des clauses sociales. Ces derniers échangent avec les acheteurs publics, puis orientent les entreprises vers les services prescripteurs tels que France Travail, la Mission locale ou les CCAS. « Une fois les personnes insérées, je fais le suivi à mi-parcours et en fin de parcours pour assurer la pérennité de leur insertion », a-t-il expliqué. Ce comité de suivi, selon lui, permet d’identifier les difficultés rencontrées par les structures, notamment l’inadéquation des CV avec les postes proposés. « Parfois les compétences des CV ne sont pas adaptées ou n’ont rien à voir avec l’offre d’emploi, du coup les recruteurs ne les retiennent pas, mais dès qu’elles le sont, les chances de réussite augmentent ».

Des acteurs locaux face aux réalités du terrain

Le comité a également mis en lumière les obstacles rencontrés par les structures d’insertion. Pour Anlyati Attoumani, responsable du pôle insertion au Centre communal d’action sociale de Labattoir, les contraintes de déplacement sont un vrai frein : « Nous avons beaucoup de femmes qui cherchent du travail mais elles ne se voient pas prendre la barge tous les jours pour venir travailler en Grande-Terre. Il faudrait penser à des solutions de mobilités adaptées à ces cas-là ». Elle souligne aussi l’importance d’un accompagnement personnalisé. « Beaucoup de gens sont stressés lors des entretiens, il y a aussi la barrière de la langue qui pèse. Nous on essaie de les préparer au maximum mais il faudrait peut-être faire plus ».

Du côté de la MDPH, Maourada Boura, référente insertion, estime que ces rencontres sont essentielles pour améliorer la coordination. « Cet événement m’a vraiment aidée à comprendre comment insérer les personnes en situation de handicap, surtout celles que j’accompagne. Si on reçoit à l’avance les besoins des marchés, on pourra regrouper les profils adaptés », a-t-elle exprimé avec enthousiasme. Même constat pour Naadi Halidi, chargée de recrutement et d’accompagnement au sein d’Expertise RH. Elle explique que le dispositif permet d’associer plus directement les structures d’insertion et les entreprises. « Avant, les entreprises cherchaient seules leurs profils, mais là, on leur propose des candidats accompagnés, ce qui facilite l’embauche ».

Des retours positifs et des perspectives élargies

L’équipe de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire à Mayotte.

Les chiffres sont encourageants, mais au-delà des statistiques, ce sont aussi les retours des participants qui donnent tout son sens à cette initiative. Après l’événement, Eirini Arvanitopoulou ne cache pas sa satisfaction. « Nos attentes ont été dépassées ! Nous avons compté une quinzaine de participants venant de toute l’île, de la Petite-Terre jusqu’à M’tsamboro. Avant, il n’y avait que France Travail et la Mission locale. Cette année, on a vraiment diversifié notre palette de services prescripteurs ». Elle ajoute : « Tout le monde était impliqué et investi. Les participants nous ont remonté leurs attentes et ce qu’on peut améliorer sur le dispositif. Nous avons déjà identifié des pistes pour insérer plus de femmes et plus de personnes en situation de handicap », a confié la jeune femme avec un large sourire de satisfaction. L’objectif sera aussi de permettre aux jeunes diplômés de licence ou de master, qui sont à La Réunion ou en France hexagonale, de pouvoir rentrer travailler sur le département.

Du côté des acteurs locaux, l’initiative rencontre également un accueil très positif. Pour Anlyati Attoumani, responsable du pôle d’insertion au CCAS de Labattoir, ces rencontres dépassent largement l’échange de mails . « On peut consolider le travail déjà fait et se projeter sur les besoins pour 2026 et 2027. Ces initiatives sont à reproduire, car elles donnent une vraie vision globale et collective ».

Le dispositif continue de se projeter vers l’avenir avec plusieurs événements prévus d’ici la fin de l’année. Le 22 novembre, une convention sera signée avec le réseau Lahiki lors de la remise des diplômes du centre de formation Fikiri, pour faciliter l’insertion des étudiants mahorais. Quelques jours plus tard, le 26 novembre, un événement coorganisé avec le Medef s’adressera aux entreprises afin de montrer comment la CRESS peut les accompagner. D’autres comités de suivi sont également programmés avant la fin de 2025.

Reconnu par la Commission européenne comme l’une des meilleures pratiques de la commande publique responsable, le dispositif Achat Socialement Responsable illustre l’efficacité du travail collectif entre collectivités, entreprises et structures d’insertion.

Shanyce MATHIAS ALI

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