Après 16 jours au Mozambique, six élèves et trois enseignants du lycée agricole de Coconi sont rentrés à Mayotte ce mardi 21 octobre, des images plein la tête et des projets plein les mains.

Pendant deux semaines, ils ont découvert la ville de Beira, au centre du pays, et ses alentours. En classe de première et de terminale en filière STAV (Sciences et Technologies de l’Agronomie et du Vivant), les élèves avaient pour objectif d’étudier le rôle de l’Homme sur le territoire, principalement son aménagement ou encore l’exploitation de ses ressources.
Accueillis à l’université de Licongo de Beira, le groupe a été accompagné par un guide tout au long du séjour. Ils ont rencontré différents acteurs et organismes locaux pour découvrir le fonctionnement de projets agricoles, de coopératives de pêche et d’infrastructures comme les centrales hydroélectriques.
Malgré la barrière de la langue (le portugais), le groupe a réussi à communiquer avec leurs interlocuteurs grâce à leurs professeurs, utilisant à la fois l’anglais, parfois l’espagnol ou bien les applications de traduction.
S’inspirer des pépinières du Mozambique pour protéger la mangrove de Mayotte

Un des moments forts du séjour a été la visite de plusieurs pépinières dédiées à la culture de palétuviers, mises en place par des associations locales de protection des mangroves.
Ces dernières forment un écosystème à part entière, servant de refuge à de nombreuses espèces aquatiques et terrestres. Pour l’homme, elles jouent un rôle crucial en limitant le recul du trait de côte, en freinant l’érosion et en atténuant l’impact des vagues, notamment lors des cyclones. Beira, tout comme Mayotte, a été frappée par des cyclones d’une ampleur sans précédent, en particulier en 2019, dont l’intensité s’accentue avec le dérèglement climatique. Et si le Mozambique ne fait pas face aux mêmes enjeux qu’un territoire insulaire comme Mayotte, il partage avec le département français, la nécessité de protéger ses mangroves.

« J’ai beaucoup aimé les visites de ces pépinières et ça donne envie de faire pareil chez nous à Mayotte pour les protéger », raconte une lycéene. Un projet qui a fait l’unanimité parmi les voyageurs et qui pourrait voir le jour rapidement dans l’enceinte du lycée de Coconi mais aussi sur des sites comme la baie de Chiconi ou de Soulou.
Les élèves et leurs professeurs ont aussi visité le barrage hydroélectrique de Chicamba, près de la frontière avec le Zimbabwe. « On a vu le potentiel du pays, cela peut inciter les jeunes à investir et construire des projets », remarque Anli Mahadi, enseignant en zootechnie. « Au moment de préparer le projet, l’Afrique était parfois encore perçu comme un endroit misérable et pauvre, mais ici ils se rendent compte des infrastructures et que si on a des moyens on peut faire beaucoup de choses », ajoute Faina Manzil, professeure d’espagnol-anglais.
Avant tout une aventure humaine et culturelle

Au-delà de l’aspect pédagogique, le voyage a été une aventure humaine et culturelle. « En observant les inégalités et la simplicité de la vie à Beira, les élèves ont relativisé leurs propres difficultés. Un jour, au marché, certains n’ont pas hésité à aider une dame et ses enfants dans la rue », raconte Anli Mahadi. « Il y a des bidonvilles comme à Mayotte et ceux qui ne travaillent pas souffrent », déplore un élève.
« A l’origine, la population noire de Mayotte venait du Mozambique, c’était précisément l’ethnie Makua, ces gens sont toujours présents au Mozambique et ressemblent beaucoup à la population mahoraise », observe Anli Mahadi.

Autre temps fort, le safari dans une réserve naturelle où le groupe a observé lions, éléphants et autres animaux. La rencontre avec l’éléphant a particulièrement marqué les élèves. « Il a pris peur et a failli nous charger, j’ai appris qu’un éléphant peut courir à plus de 40 km/h pour défendre sa famille », relève un lycéen, impressionné.
Puis est venue la longue route du retour entre Beira et Maputo, plus de 1. 143 kilomètres, sinueuse et parsemée de nids-de-poule, offrant un défilé de paysages variés, de villages dispersés et de zones naturelles.
Une première mobilité au Mozambique qui en appelle d’autres
« Comme à Mayotte, le Mozambique est confronté à la culture sur brûlis qui détruit la terre et la nature. En plus de cela s’ajoute la déforestation pour faire du charbon, et pour chasser les animaux », constate une élève. « Les habitants font beaucoup de choses manuellement, certains endroits sont très bien aménagés, bien entretenus, sans pollutions, d’autres non. J’aimerais être paysagiste, et cela va m’aider pour mes études et mes projets professionnels ».

Entre observations, rencontres et initiatives inspirantes, les élèves repartent du Mozambique avec des souvenirs, des idées et l’envie de transposer certaines pratiques à Mayotte. Une première mobilité dans ce pays voisin réussie et qui en appelle d’autres, à conditions que les financements soient maintenus…
Le projet, d’un coût total d’environ 50.000 euros, a été financé à 85 % par le programme européen Interreg Canal du Mozambique, géré par le Conseil départemental et à 15 % par la préfecture de Mayotte, une somme pour le moment avancée par le Lycée de Coconi. Point noir de cette coopération régionale, le prix des billets d’avions estimé en moyenne à plus de 1.100 euros par personne, et la liaison difficile avec le Mozambique. Pour rejoindre le Mozambique, le groupe a dû emprunter une longue route aérienne via le Kenya et l’Afrique du Sud pour une durée de vol située entre 19 et 20 heures, le comble alors que Beira est située à environ 1.300 kilomètres à vol d’oiseau de Mayotte.
Du côté des lycéens, ces derniers doivent désormais réaliser un rapport individuel et une présentation afin de partager et de faire découvrir Beira et le Mozambique à leurs camarades.
Victor Diwisch