« Mayotte ne peut plus fermer les yeux sur la prolifération des chiens errants et la mise en péril des tortues marines ».

Dans une lettre ouverte adressée ce mardi 16 septembre 2025 au préfet et aux élus, le collectif citoyen anti-braconnage tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme.
« Le 21 juillet 2025, notre collectif citoyen anti-braconnage des tortues marines vous adressait un courrier officiel pour alerter sur la prolifération dramatique des chiens errants à Mayotte. À ce jour, aucune réponse ne nous est parvenue », déplore l’association. « Ce silence est lourd de conséquences. Sur le terrain, chaque nuit, la biodiversité de notre île et le bien-être animal sont sacrifiés dans l’indifférence générale ».
Une double cruauté, envers les tortues marines et envers les chiens
Le collectif dénonce une double cruauté, envers les tortues marines mais aussi envers les chiens eux-mêmes.

« Les constats sont clairs et documentés : les chiens errants attaquent les tortues venues pondre, les mutilent, les empêchent de déposer leurs œufs et déterrent systématiquement les nids », souligne-t-il. « Sur l’ensemble des plages de ponte, de Moya à Charifou, les traces de ces prédations sont quotidiennes. À ce rythme, c’est tout l’équilibre écologique de Mayotte qui est menacé ».
« Mais ces chiens, redevenus pour beaucoup sauvages, sont eux-mêmes les victimes d’une cruauté inacceptable : affamés, battus, mutilés ou utilisés pour des combats. Cette souffrance animale, ajoutée à la destruction des tortues marines, emblème vivant de Mayotte et espèce protégée au niveau mondial, constitue une urgence morale, écologique et sanitaire ».
« L’absence de solutions institutionnelles aggrave la crise »
Le collectif pointe surtout « l’inaction » des institutions. « Mayotte est aujourd’hui le seul Département français dépourvu de fourrière. Sans structure d’accueil, de stérilisation et d’adoption, aucune régulation de cette population canine n’est possible », ajoute-t-il. « Les bénévoles, associations et collectifs ne peuvent pas, seuls, contenir ce fléau qui s’aggrave d’année en année ».
Des propositions de solutions claires
Le collectif anti-braconnage préconise plusieurs solutions :
– La création d’une fourrière départementale, « dotée de moyens humains et financiers pérennes ».
– La mise en place de « campagnes régulières » de stérilisation, d’adoption et de sensibilisation du public.
– La possibilité de « prélèvements encadrés pour protéger les sites de ponte les plus menacés, dans le respect de la dignité animale ».
– Des mesures de lutte contre l’abandon, notamment via « un meilleur accompagnement des propriétaires et une amélioration des conditions de transport aérien des animaux adoptés ».

Ces propositions sont portées depuis plusieurs années par l’association l’Arche d’Hélios, qui se consacre au sauvetage, à la stérilisation, à la vaccination, à l’hébergement en familles d’accueil et à l’adoption de chiens et de chats errants, blessés ou abandonnés. Un travail exigeant et indispensable, à la fois pour lutter contre la maltraitance et la surpopulation animale, mais aussi pour améliorer la sécurité des habitants et donc préserver l’écosystème de l’archipel.
« L’heure n’est plus aux constats mais à l’action. Monsieur le Préfet, Mesdames et Messieurs les élus, vous avez le pouvoir – et le devoir – d’agir. Chaque semaine perdue entraîne des pertes irréparables : des tortues marines mutilées à mort, des générations d’œufs détruits, des chiens condamnés à la misère et à la violence », insiste l’association.
Le collectif appelle à un engagement rapide et ferme des pouvoirs publics : « Nous appelons solennellement l’État et les collectivités locales à mettre en œuvre sans délai un plan concret, efficace et éthique pour protéger à la fois les tortues marines et les chiens errants ».
Et de conclure : « Mayotte est un territoire riche d’une biodiversité unique. Laisser perdurer cette situation revient à sacrifier un patrimoine naturel et à tolérer une cruauté animale indigne de la République. Nous continuerons à documenter, alerter et mobiliser l’opinion publique jusqu’à ce que des mesures à la hauteur de l’urgence soient prises ».
Que dit la législation française ?
La menace des chiens errants s’ajoute au braconnage, à la pollution et à la dégradation des habitats des tortues marines. Les tortues vertes (Chelonia mydas) et les tortues imbriquées (Eretmochelys imbricata) – qui pondent le plus souvent sur les plages mahoraises, sont classées respectivement « en danger » et « en danger critique d’extinction » au niveau mondial. Mayotte constitue un site de reproduction majeur pour ces deux espèces, et accueille également dans ses eaux la tortue caouanne (Caretta caretta), la tortue luth (Dermochelys coriacea) et la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea).

La législation française protège strictement les tortues marines, interdisant leur capture, leur dérangement et la destruction de leurs œufs, avec des peines pouvant aller jusqu’à un an de prison et 15.000 euros d’amende. Des initiatives locales, comme le Pacte pour la protection des tortues marines, renforcent ces mesures, soulignant l’urgence de la conservation et de la sensibilisation pour préserver ce patrimoine naturel unique.
Les tortues marines sont protégées par l’article L415-3, qui interdit leur capture, leur mutilation, le dérangement volontaire, la destruction de leur habitat ou la collecte de leurs œufs. L’État a l’obligation légale de protéger les tortues marines, de faire appliquer la loi, de gérer les zones de reproduction et de coordonner des actions de sensibilisation et de conservation, tout en travaillant avec les acteurs locaux pour assurer l’efficacité de ces mesures.
Victor Diwisch