Pendant trois jours, la place de la République à Mamoudzou a vibré au rythme du Salon du tourisme et des loisirs de Mayotte. Plus de 95 exposants, venus de tout le territoire, ont proposé aux visiteurs un large éventail de découvertes : artisanat, ateliers de vannerie, immersion dans la faune et la flore locales, dégustations de produits du terroir, ainsi que des invitations au voyage, aussi bien sur l’île qu’à l’international.

L’événement a également été animé par des spectacles de danse et de chant, traditionnels comme modernes, des contes mahorais, ainsi que des séances de fitness et de zumba, dans une ambiance festive et conviviale.
« La relance et la mobilisation », c’est le thème qui a été choisi cette année, après le passage du cyclone Chido qui a fortement impacté le secteur. Pour les professionnels mobilisés, ces 3 jours ont du faire le plus grand bien au moral, tout l’enjeu est désormais de savoir s’ils pourront effectivement relancer leurs activités à travers l’île.
Entre deux échanges avec les acteurs du tourisme, Michel Madi, directeur de l’Agence d’attractivité et de développement touristique de Mayotte (AaDTM), a accordé un entretien au JDM. Plus de huit mois après Chido, il dresse le bilan d’une reprise encore délicate et partage ses perspectives pour l’avenir du secteur.
JdM : On entend souvent dire qu’il n’y a pas d’offre de tourisme à Mayotte, surtout après Chido, ce salon prouve-t-il le contraire ?
Michel Madi : « Nous avons longtemps hésité avant d’organiser cette édition. La priorité semblait être d’aider les acteurs à relancer leurs offres et leurs activités. Finalement, nous avons décidé de maintenir l’événement, et nous accueillons même davantage d’exposants que l’an dernier : 95 contre 80. C’est un signal fort de la part des professionnels. Malgré les difficultés, ils sont là et ils veulent se battre.
« Il y a une offre qui existe aujourd’hui, pas celle d’avant Chido, mais elle existe ! »
En janvier, au lendemain de Chido, près de 70 % des établissements touristiques étaient fermés. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée : 68 % sont à nouveau ouverts, parfois partiellement ou dans des conditions encore fragiles, mais tous affichent la volonté de redémarrer. C’est ce qui justifie pleinement la tenue de ce Salon, qui favorise la rencontre entre une demande locale bien réelle et une offre en reconstruction.
Il y a une offre qui existe aujourd’hui, pas celle d’avant Chido, mais elle existe ! Le ponton d’urgence installé a permis de relancer les activités nautiques, certaines structures hôtelières, surtout dans le sud, ont rouvert, et les restaurants accueillent de nouveau du public. L’ensemble se remet progressivement en place ».
Quelles sont les solutions pour maintenir la dynamique et favoriser la reprise ?

« Nous lançons un appel à la population, aux résidents de Mayotte, pour qu’ils pratiquent des activités ici, pour qu’ils fassent du tourisme sur leur propre île. On observe qu’en juillet, 68 % des opérateurs déclarent une baisse très nette de leur activité par rapport à juillet 2024. Dans le même temps, les départs vers l’extérieur ont augmenté de plus de 11 %, alors que les arrivées restent stables depuis un an. Comme il n’y a pas de nouveaux flux entrants, il est essentiel que la population locale consomme et soutienne l’activité touristique sur place.
Parmi les actions prévues pour encourager ce tourisme intérieur, nous lancerons dès octobre une enquête auprès des résidents, avec des entretiens qualitatifs, afin de mieux comprendre leurs attentes et leurs besoins pour adapter l’offre. Nous allons également reconduire les dispositifs existants, comme les chèques seniors et les chèques vacances. Une convention sera signée avec l’ANCV pour permettre leur renouvellement en 2025. Ces chèques vacances permettront aussi aux salariés de Mayotte de profiter d’activités touristiques locales, tout en soutenant les opérateurs ».
Est-ce que le secteur du tourisme est suffisamment soutenu par l’Etat et par les autorités ?
« Le soutien des autorités reste timide. Le Département a bien mis en place plusieurs dispositifs, comme l’aide à l’investissement ou la plateforme « Initiative Mayotte », mais au regard des dégâts subis par le secteur, tant matériels que financiers, cela reste très insuffisant. Les besoins sont considérables, d’abord pour retrouver l’offre d’avant Chido, ensuite pour imaginer une nouvelle dynamique.
« Plus de huit mois après, les opérateurs ont le sentiment d’être abandonnés »

En mars dernier, avec les offices de tourisme, l’UMIH (l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie), le cluster tourisme et l’AaDTM, nous avons identifié 30 mesures destinées à répondre à l’urgence et à préparer une offre d’hébergement et de tourisme durable. Ces propositions, chiffrées à 121 millions d’euros, ont été présentées aux autorités locales puis aux ministères à Paris. Nous espérions, lors de la récente visite de la ministre, des annonces concrètes : une feuille de route claire et des moyens financiers à la clé. Mais force est de constater qu’il n’y a rien de tangible pour l’instant. Plus de huit mois après Chido, les opérateurs ont le sentiment d’être abandonnés et de ne pas voir se dessiner de véritables leviers pour relancer le secteur.
Concernant les infrastructures, un ponton provisoire devait être installé à Mamoudzou et en Petite-Terre. Or, à ce stade, nous ne savons pas où en est ce projet. À l’époque, l’engagement avait été pris qu’après le ponton d’urgence, qui avait permis d’accueillir les derniers bateaux de croisière, des installations pérennes suivraient. Aujourd’hui, elles n’existent toujours pas. La reconstruction de Mayotte doit pourtant se faire avec l’ensemble des acteurs ».
Les dégâts subis par le lagon, les forêts et les exploitations après Chido compromettent-ils la reprise du tourisme sur l’île ?

« Ces milieux ont effectivement beaucoup souffert. Heureusement, les activités nautiques ont pu reprendre sur le lagon, certains sentiers de randonnée sont de nouveau accessibles, et les visites reprennent progressivement dans les exploitations agricoles ou d’ylang-ylang. Je me réjouis également de voir que des mesures sont engagées : avec le Parc naturel marin, des opérations de régénération vont être menées dans les zones les plus touchées, tandis qu’en forêt, des actions de replantation sont déjà en cours. Chido a causé beaucoup de dégâts, mais il faut reconstruire — nos milieux, nos infrastructures, nos activités. Tout doit être relevé pas à pas, avec la volonté d’aller de l’avant.
Bien sûr, les conditions ne sont pas encore celles d’avant Chido. Mais ce Salon en est la preuve : les prestataires sont mobilisés, déterminés à défendre leurs outils de travail et à maintenir leurs activités. C’est cet esprit qu’il faut retenir. Il appartient désormais aux autorités de leur apporter un véritable soutien et d’envoyer des signaux positifs pour accompagner cette dynamique ».
Victor Diwisch